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ACTE I, SCÈNE 4 des Fourberies de Scapin de Molière

Publié le 11/11/2010

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Scène 4 Seul face à Argante, Scapin défend la cause d'Octave. Mais Argante reste décidé à faire annuler le mariage. 

Le vieil Argante, sans voir Scapin et Silvestre, exprime sa fureur contre son fils, qu'il veut faire emprisonner, et contre Silvestre, qu'il veut rouer de coups. Quand il découvre enfin les deux valets, il commence à réprimander Silvestre, mais Scapin intervient et feint de l'approuver en tout, avant de lui faire croire qu'Octave a été surpris chez sa belle et forcé de l'épouser, ce que confirme, soulagé, Silvestre. Le vieillard veut malgré tout faire rompre le mariage, et menace de déshériter son fils s'il ne s'y résout pas.

« - la longue série de répliques très courtes où Scapincontredit systématiquement Argante qui veut fairerompre le mariage ou déshériter son fils. Il est facile de voir que seule la troisième séquencepermet directement à l'action de progresser: l'histoiredu mariage forcé, confirmée par Silvestre (« Oui,Monsieur »), est acceptée par Argente.

DésormaisArgante a renoncé à ce qu'il se promettait en entranten scène : Octave ne risque plus d'être mis « en lieude sûreté », ni Silvestre d'être « roué de coups ». Tout n'est pas résolu pour autant, et Scapin neparvient pas à faire renoncer Argente à son intentionde rompre le mariage.

La dernière séquence, silongue soit-elle, est donc parfaitement inutile, Scapinse bornant à contredire le vieillard sans le fairebouger d'un pouce de sa détermination.

Mais elle estinutile seulement sur le plan de l'action.

Sur le plandes effets théâtraux, elle est' essentielle, puisqu'elleconstitue un passage de pur comique, presqueautonome. Place et fonction des lazzi Pour se convaincre du caractère absolument autonome de cette séquence de pur comique, on se reportera à lascène 5 de l'acte I du Malade imaginaire (voir page 113 la rubrique Textes complémentaires).

Molière y a purement et simplement transposé la séquence, se bornant à modifier le genre des pronoms (du masculin au féminin) et àtransformer la nature de la menace (« déshériter» est remplacé par « mettre au couvent »).

Il s'agit donc d'un effetcomique transposable dans toute scène qui met aux prises un vieillard et un serviteur à propos de l'avenir de l'enfantdu vieillard protégé par le serviteur.

Une nouvelle fois, Molière a ainsi recours à la technique des lazzi, mise au point par les acteurs italiens de la commedia dell'arte. Or, si l'on se retourne vers la première séquence, l'on s'aperçoit qu'il s'agit là encore d'un de ces lazzi.

Certes, le monologue du vieillard qui se croit seul et dont chaque affirmation est commentée par le valet est directement imitédu Phonnio de Térence (voir page 97 la rubrique Textes complémentaires).

Mais le procédé du vieillard monologuant suivi par un personnage qui ponctue ses paroles de commentaires est un effet comique fréquent dans la commedia dell'arte: il se rattache à la technique des lazzi.

C'est parce qu'il connaissait parfaitement ces lazzi que Molière n'a pas hésité à augmenter considérablement la séquence (par rapport au Phonnio, les incises du serviteur passent de quatre à dix).

Aussi les incises ont-elles pu devenir de véritables réponses à chacune des affirmations du vieillard.Au' bout du compte, Molière a transformé la séquence en un vaste ensemble constitué de répliques très courtes quilui donnent l'allure d'un véritable ballet de paroles, où le ballet compte plus que le contenu même des paroles. Et l'on voit que Molière, comme ses amis Italiens avec lesquels il partageait le théâtre du Palais-Royal, possédait unfonds de lazzi (emprunté à ses prédécesseurs ou inventé par lui) qu'il savait placer à tel ou tel endroit pour rehausser l'efficacité comique d'une scène. On peut se demander, pour finir, pourquoi il a ainsi éprouvé le besoin d'encadrer la première fourberie de Scapin dedeux lazzi.

C'est que cette fourberie, essentiellement fondée sur le récit du mariage imaginaire, était en elle-même relativement peu comique.

Elle ne possède ni le comique verbal, ni le comique de situation de la deuxième fourberie(II, 5); ni le caractère délirant et fondé sur le comique de répétition de la troisième fourberie (l'histoire de la galère,Il, 7); ni le comique farcesque des coups de bâton de la dernière (III, 2).

Ainsi rehaussée par les deux lazzi qui l'encadrent, cette première fourberie soutient la comparaison avec les trois autres.. »

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