AUDIBERTI
Publié le 01/09/2012
Extrait du document
Jacques Audiberti, qui a supprimé son prénom par besoin de paraître plus abrupt encore qu'il ne l'est, occupe dans notre poésie la place unique que l'on a toujours, de siècle en siècle, réservée à quelque poète hors saison, hors série, identifiable de loin, par sa carrure au-dessus du commun, sa démarche libre et débordante, son vacarme torrentiel, son irréductibilité aux lois de l'espèce et aux dimensions du paysage. Il est notre Pindare, notre Agrippa d'Aubigné, notre Victor Hugo, notre Whitman, notre Maïakovski... Je plaisante à peine : cet homme est grand, non comme un grand tableau mais comme de la grande peinture et, s'il lui arrive de n'être que grand, c'est encore à la façon de la grande peinture, qui n'est pas forcément capable de mms émouvoir ou seulement concerner.
«
tes, les forêts et ainsi de suite ...
).
Il ne calquera pus le monde à même le papier, ni ne le démarqum·a, ni ne le photographiera.
Il le fera positivement, comme s'il était lui, poète, le créateur.
Ces lignes, qui nous prouvent le caractère « total ,.
de la poésie d'Audiberti, et qui nous fonderaient à réserver à celui-ci un chapitre particulier sous chacune des rubriques de cet ouvrage, j'aime à les compléter par un portrait physique de leur auteur, tracé par Jean de Boschère7.
et singuliè:rement ressemblant :
C'est un homme corpulent qui donne du mal aux tissages et aux fils de ses habits.
Il les use en quelques jours, c'est consumer qùil faut dire, ou peut-être qu'il les frotte à la.
lime, les fait bouillir dans une fièvre de gestes et de paroles.
Il est ahurissant d'assister à l'extériorisation fougueuse de cette puissance verbale qui isole de tous les autres ses
alexandrins.
Il empoigne le poème de ses mains courtes.
Le nez épaté, le- menton féroce, sou profil sq_ns égards confrontent en spadassin le réservoir géant des mots, Pas de rebelles.
Il semble posséder les charmes ou peut-être toutes les armes qu'il faut.
Sans drogue, ni café, ni prunellè, il écrit;
cinquante vers, et sans goûter au confort ifw~ seul relais.
Sur l'importance qu'il accorde aux mots, Audiberti a écrit tout un poème qui sera plus éloquent que mes com• mentaires:
STELE AUX MOTS
Les hommes, fleuve, un seul tous les énonce, flot.
Un seul, dans sa mémoire enceinte de silence, entend assermenter ...
vitraux ...
gémir ...
balance ...
tant de mots, tant de mois qu'il borne et qu'il éclôt.
, 1.
Portraits d"amis (Editions Sagesse)..
»
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