Devoir de Philosophie

AUDIBERTI (Jacques)

Publié le 15/02/2019

Extrait du document

AUDIBERTI (Jacques), écrivain français (Antibes 1899 - Paris 1965). S'il reste surtout un homme de théâtre, Audiberti se place tout entier sous le signe du lyrisme de ses premiers poèmes (l'Empire et la Trappe, 1930) qu'il n'abandonnera jamais (Des tonnes de semence, 1941 ; Ange aux entrailles,

 

1964) et qui équilibre le réalisme pica resque de ses romans (Abraxas, 1938 ; Marie Dubois, 1952 ; Les tombeaux ferment mal, 1963). Audiberti évolue dans un monde baroque où la langue est reine, langage en liberté qui joue sur les dialectes (la Nâ, 1944) ou l'argot (le Ouallou, 1956) et qui passe à l'occasion par YAbhumanisme, titre d'un essai de 1955 qui annonce et résume l'expérimentation théâtrale (« Celui qui veut imposer sa vérité ne possède pas la vérité » ). Le théâtre d'Audiberti reprend toutes les grandes oppositions traditionnelles : la vie et la mort, le bien et le mal, le sublime et le grotesque, l'allégorie et l'histoire, l'amour vrai et les situations fausses, voire la raison et l'oraison (l'Ampélour, prix Mallarmé 1937 ; Quoat-quoat, 1946 ; Le mal court, 1947 ; lfEffet Glapion, 1959 ; la Fourmi dans le corps, 1962 ; Cavalier seul, 1963). Mais seule la langue sort victorieuse de ces tournois : grâce à elle, les contraires

 

s'unissent, et le mal, par le jeu des mots, peut devenir un bien. C'est par là, d'ailleurs, que l'œuvre d'Audiberti, fidèle à l'alchimie du verbe, se sépare du théâtre de l'absurde (Ionesco, Beckett), où le langage s'effiloche. Union, reprise, ressassement même ; Audiberti passe sans cesse d'un genre à un autre, du roman au scénario, du scénario à l'œuvre dramatique : ainsi de Carnage (1942), roman adapté à la scène (Opéra parlé, 1954), de la Poupée ( 1956), roman qui devient scénario d'un film de J. Bara-tier (1962), avant de devenir pièce (créée en 1968). Sous toutes ces formes perce le même désir de croire que les forces déchaînées du langage, quand elles ne dépendent d'aucune « vérité », sont encore ce qui définit le mieux l'homme, tandis qu'elles expliquent aussi, para-doxalement, cette soif de silence que peut être la mort (Dimanche m'attend,

 

1965) .

« Jacques Audiberti 1899-1965 La poésie et le roman sont les deux chemins qui, plus ou moins conjugués, ont conduit Jacques Audiberti vers le théâtre.

En eux résident les sources de sa richesse dramatique, parfois de son ambiguïté.

Ces trois formes d'expression sont d'ailleurs traversées par un même courant d'énergie que ne modifie pas la particularité des genres littéraires et qui provient de la vitalité d'un langage où les mots sont comme fécondés par une réévaluation de leur plénitude.

Significations, coloration, relief, double fond, mystère, absurdité d'un mot, apparaissent dans le langage d'Audiberti avec une égale force persuasive qui multiplie en les superposant les niveaux où chemine la pensée du lecteur ou du spectateur. Sans doute est-ce là l'effet d'une articulation de l'esprit essentiellement poétique.

Et si l'on partage cette opinion que toute chose ne peut être réveillée de son inanimation mortelle que dans la mesure où la pensée s'en empare pour lui assigner une désignation, on comprend qu'Audiberti ait écrit (dans La Nouvelle Origine) que “ la poésie est l'énergie du monde ”, car nul autre langage que le langage poétique ne peut projeter les choses dans autant de directions.

Mais il ne manque pas non plus de situer la poésie à l'écart de toutes les directions en disant qu'elle est “ la différence entre l'absolu de l'inconnaissable et le mensonge de l'évidence ”. On trouve, d'autre part, chez l'auteur d' Urujac et de La Nâ, un goût du réalisme en quoi se révèle une position ou plutôt un mouvement de la pensée opposé à celui de la pensée poétique, lequel dénote souvent une conduite de recul par rapport à la vie.

Comme dans les toiles de ces peintres où l'imagination en délire confronte ses fantasmes à quelques objets traités en trompe-l' œ il, on voit alors deux styles et même deux vocabulaires se partager l' œ uvre d'Audiberti, le rare, l'extravagant et l'inconnu se mêlant au familier et au populaire en un brassage d'images et de mots où réalisme et surréalisme cessent de représenter des principes de vision contradictoires.

Le ton, le rythme d'une chanson, voire d'une comptine enfantine, s'accordent ainsi avec l'invention mystérieuse d'un mot, comme en fournissent plusieurs exemples les poèmes réunis sous le titre Des tonnes de semence. C'est également par une dissipation de l'antinomie qui les sépare qu'Audiberti mélange le tragique et l'humour dans un dosage dont les variations d'équilibre semblent dénoncer l'incohérence avec laquelle la vie elle-même se charge souvent de les combiner.

Son hostilité à l'égard de toutes les formes abusives du pouvoir et de tous les dogmatismes d'une morale bureaucratisée s'exprime de préférence par une ironie qui ruine d'un trait la vanité d'un personnage ou d'une institution.

Plus encore que la méchanceté des hommes, ce qui l'étonne et contre quoi s'exercent ses sarcasmes, c'est leur hypocrisie et leur absurdité.

Au milieu de tous les malentendus qui obscurcissent les choses, il cherche à y voir clair à l'aide de définitions malicieuses.

“ Les grandes écoles militaires, écrit-il dans l'Abhumanisme, ont pour objet principal de faire passer la guerre pour quelque philosophie ou géométrie sans rapport avec les pompes funèbres.

” L'imagination linguistique et la sensibilité poétique, la prose scintillante et virulente, le réalisme du quotidien, l'humour parfois noir, le franc-parler et la violence, c'est tout cela que nous retrouvons dans le théâtre d'Audiberti, un peu pêle-mêle et sans que l'auteur se. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles