« Balzac, grand terrible, complexe aussi, figure le monstre d'une civilisation, et toutes ses luttes, ses ambitions et ses fureurs. »

Dans un avertissement, il annonce qu'il veut désormais peindre l’Histoire mais aussi la «Nature» de son pays «dans une forme nouvellement consacrée», en des «tableaux de genre» dans lesquels s’intégreraient «les faits ignorés de nos mœurs et de nos usages», faisant de l’histoire « un charnier, une gazette, un état civil de la nation, un squelette chronologique». Il ajoute que Les Chouans n'est que la «première assise» d'une œuvre immense, « une des pierres de l'édifice» que l'auteur allait essayer d'élever, s'il ne s'était «pas trompé sur [sa] vocation». Balzac écrit également Gloire et malheur, un texte inspiré des malheurs de sa sœur Laurence, qui sera, sous le titre La Maison du Chat-qui-pelote, la première des Scènes de la vie privée.

Il publie également Les Dangers de l'inconduite (qui deviendra Gobseck).

Grâce à ces publications successives, Honoré de Balzac est lancé: il obtient la reconnaissance de ses pairs et commence à fréquenter les lieux à la mode et à écrire régulièrement dans les journaux.

L'INVENTEUR DU ROMAN MODERNE

« Balzac, grand terrible, complexe aussi, figure le monstre d'une civilisation, et toutes ses luttes, ses ambitions et ses fureurs. » C'est ainsi que Baudelaire décrivait celui qui, par la richesse et l'importance de l’œuvre qu'il a laissée, est sans conteste l'un des plus grands écrivains français. L'étude de ses contemporains, qu'il a menée comme « un zoologiste étudie les animaux », dresse un tableau inoubliable de son temps, la première moitié du XIXe siècle. Sa conception du roman, qui devait allier l'histoire, la psychologie, la description, le merveilleux et le réalisme, est totalement novatrice et va poser les bases du roman tel que nous le connaissons aujourd'hui.

LES ANNÉES D'APPRENTISSAGE

L'enfance

Honoré de Balzac est né le 1er prairial de l’an VII (le 20 mai 1799) à Tours. Le père de Balzac, Bernard-François Baissa, était directeur des vivres de la 22e division militaire de cette ville, et sa mère était la fille du directeur de la régie des Hospices de Paris.

Dès sa naissance, le petit Honoré est immédiatement placé en nourrice. Balzac garda toute sa vie le sentiment de ne pas avoir été désiré, ni aimé par sa mère: ses nombreux séjours en pension et l'affection débordante qu'elle prodiguait à son petit frère ne firent que confirmer son trouble. Ce manque d'amour maternel se ressentira dans toute son œuvre : les figures de mères y sont rares et Balzac crée un nouveau type de personnage, la femme de trente ans, calquée sur sa mère et son premier grand amour, Laure de Berny.

Une adolescence parisienne

À l'automne 1816, son père décide de le placer comme petit clerc chez un avoué. Il suit pendant trois ans des cours de droit.

Plus tard, dans Le Colonel Chabert, il fera dire à l’avoué Derville: «Nous autres avoués, nous voyons se répéter les mêmes sentiments mauvais, rien ne les corrige, nos études sont des égouts qu'on ne peut pas curer. [...] Je ne puis vous dire tout ce que j'ai vu, car j'ai vu des crimes contre lesquels la justice est impuissante. Enfin toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la réalité.»

Ces années de droit ont donc profondément marqué Honoré

Et après l'avoir parcourue (la société), pour la décrire, je la parcourrai pour la juger. [...] Puis, après les effets et les causes, viendront les Études analytiques, dont fait partie la Physiologie du mariage, car après les effets et les causes doivent se rechercher les principes. Les mœurs sont le spectacle, les causes sont les coulisses et les machines. Les principes, c'est l'auteur; mais, à mesure que l'œuvre gagne en spirales les hauteurs de la pensée, elle se resserre et se condense. [...] Ainsi, l'homme, la société, l'humanité seront décrites, jugées, analysées [sic] sans répétitions, et dans une œuvre qui sera comme Les Mille et Une Nuits de l'Occident. » S'il mourra au moment de l'avènement du réalisme, Balzac en avait toutefois jeté les bases dans La Comédie humaine Sa conception du roman, au réalisme historique et social, vient d'une conviction : la réalité est saisissable par l'écriture. Mais, romantique, il est toutefois conscient que l'homme est pris dans les soubresauts de l'histoire et il défend ardemment « deux Vérités éternelles : la Religion, la Monarchie». C'est dans ces contradictions que La Comédie humaine se développe.