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BALZAC, La Peau De Chagrin, Lecture Analytique - Partie « L'agonie »

Publié le 16/09/2018

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La dé-virilisation du jeune homme est un signe de ce refus d'entrer dans le mouvement collectif donc dans la relation mondaine attendue puisqu'il est comparé à « une duchesse » hautaine qui refuse de porter attention aux autres. Autre signe d'immobilité, cette fois du côté de Pauline : sa posture de trois quarts « comme si elle se fut posée devant un peintre ». Balzac fait assurément un clin d'oeil au lecteur en montrant que le prénom de Raphaël est aussi le nom du peintre de la Renaissance célèbre pour ces portraits de trois quarts, peintre qui est d'ailleurs cité quelques pages avant l'extrait.

 Raphaël illustre, par son immobilité spectaculaire, mais pour des motifs bien différents, ce savoir-vivre artificiel qui associe l'admiration à la vulgarité, puisqu'il semble mépriser la jolie femme. Balzac va même jusqu'à noter qu'il « dérobait avec impertinence la moitié de la scène à l'inconnue ». Dès qu'il sort de son immobilité, le lecteur a conscience que son destin d'agonisant se joue. De ce point de vue, deux adverbes au sens identique sont à rapprocher. Le premier illustre le triomphe de cette comédie sociale qui veut que ces deux êtres entrent en relation : il se retourna « brusquement ». Mais hélas, cet adverbe fait écho à l'expérience de la réduction de la peau de chagrin évoquée un peu avant qui s'était « promptement » resserrée.

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« une invitation impossible à réaliser.Bien évidemment Balzac joue sur le contraste entre la proximité et la distance.

Pauline très proche (matériellement mais aussi amoureusement) de Raphaël, va provoquer le mouvement de tête du jeune homme vers la jeune femme que tout le monde attend.

Pourquoi Raphaël se retourne-t-il ? Parce que la fin du texte développe la sensualité de la jeune femme, tout d’abord par des verbes comme « effleuraient », « sentit », « communiqua », « transmirent », « respirèrent », « enivrer ».

Les sens semblent exacerbés : l’odorat (aloès), le toucher (épaule chatouillée) mais aussi tous les attributs féminins du costume (de la robe, mais on pourrait l’appeler un costume tant elle est actrice ici) qui, par une phrase très ample, par une succession de points-virgules, développent la volupté de cette présence.

Chez Raphaël, c’est l’imagination qui prend la place de l’observation par le regard.

Par une allitération en f qui ramasse les effets sensuels produits par Pauline (fantasque/femme/feu) mais également par la métaphore de l’électricité, Balzac conclue que la rencontre est inéluctable.

L’idée du « mouvement semblable » produit un effet de gémellité qui renforce l’inéluctable. DEUXIÈME AXE : UNE COMÉDIE SOCIALE Un théâtre n’est pas qu’un lieu de rencontre.

Il construit, pour le romancier réaliste qu’est Balzac, un univers fascinant qui permet de mettre en valeur une comédie sociale.

Reprenons la réaction du public pour éclairer les différentes idées que veut faire passer Balzac. Le public se soucie peu de la scène et préfère se concentrer sur une inconnue ravissante.

C’est le sentiment d’admiration qui est exploité ici.

Après en avoir décrit les effets, parfois hyperboliques, le romancier modère ce sentiment par un jugement sur la haute bourgeoisie qui va au théâtre : « La bonne compagnie honteuse d’avoir cédé à un mouvement naturel, reprit la froideur aristocratique de ses manières polies.

Les riches veulent ne s’étonner de rien, ils doivent reconnaître au premier aspect une belle œuvre qui les dispensera de l’admiration, sentiment vulgaire ».

Cette phrase est essentielle car elle cache plusieurs intentions.

La première est que Raphaël ne peut se joindre à ce « mouvement naturel », il ne peut « céder ».

La seconde est une définition de l’admiration.

La vulgarité qu’on y associe casse l’enthousiasme naturel et propose donc une lecture hypocrite des réactions du public.

L’étonnement ne doit pas durer.

Cependant notons que les hommes, sensibles au charme de l’inconnue, montrent un intérêt durable.

Le détail de Rastignac qui « tortillait ses gants comme un homme au désespoir d’être enchaîné là, sans pouvoir aller près de la divine inconnue » fait écho aux mêmes gants que les « vieillards rajeunis » utilisent pour nettoyer leur lorgnette.

Notons que le mot « peau » est utilisé dans cette phrase comme un écho au destin de Raphaël.

Lui se sent comme un jeune homme prématurément vieilli (la peau de chagrin), les admirateurs de Pauline se sentent des vieillards rajeunis.

Balzac joue sur un croisement paradoxal lié à la notion de désir. Bien sûr, du côté des femmes, le lecteur remarque qu'elles sont « armées de leurs jumelles », armes de jalousie ou de médisance.

Enfin, cette comédie qui consiste à préférer contempler une nouvelle venue dans sa loge plutôt que le spectacle est symbolisée par les hommes qui restent immobiles « sans écouter la musique ». Le public formule implicitement (et Emile la formule explicitement, on l'a vu) une attente : observer la rencontre des deux voisins.

Or, Balzac ralentit cette rencontre par un effet visuel intéressant.

Alors que le public met en valeur bruit (champ lexical de la parole envahissante: « murmure », « tumulte », « conversations animées », « rumeurs ») et mouvement (« mer de faces »), Pauline et Raphaël aiguisent la curiosité parce qu'ils restent immobiles, comme des images fixes.

La dé-virilisation du jeune homme est un. »

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