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BANVILLE Étienne Théodore de : sa vie et son oeuvre

Publié le 16/11/2018

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BANVILLE Étienne Théodore de (1823-1891). On ne lit plus guère Banville aujourd’hui; ou plutôt on le lit mal. Non seulement son œuvre de dramaturge, de feuilletoniste et de conteur est totalement méconnue, mais son œuvre poétique même, abondante et variée, est trop souvent rassemblée sous les étiquettes partielles et partiales de « parnassienne », de « plastique » ou, pis encore, de purement « rhétorique ». Là où Baudelaire voyait « un original de l’espèce la plus élevée », la tradition littéraire n’a gardé que le souvenir d’un petit maître de la forme ou d’un rimailleur de circonstance. C’est faire peu de cas du talent d’un artiste qui, par son lyrisme authentique et ses innovations techniques, apparaît comme un trait d’union entre romantisme et Parnasse aussi bien qu’entre Parnasse et symbolisme.

 

Un poète à succès

 

Aristocratique mais ardemment républicaine, sa famille ne fut jamais pour Banville un obstacle à son dessein d’écrivain. Elle partagea sa haine du bourgeois, qu’il se nomme Scribe ou Guizot, et fut de connivence dans ses fréquentations de la bohème parisienne des années 1840. Bachelier en 1838, pétri des plus solides humanités, le jeune homme ne dédaigne en effet pas le contact des scènes fantaisistes et des individus débraillés qui hantent une capitale libérée de l’austérité guindée de la Restauration. Ses fréquentations le confirment dans son mépris pour l'« enrichissement » et dans sa révolte contre toute forme de matérialisme, y compris le réalisme littéraire naissant et les prétentions philosophico-scientifiques de certains écrivains de sa génération. Plus que la méfiance à l’égard d’un romantisme bientôt exsangue et englué dans les artifices de ce qu’il nomme un « faux lyrisme », c’est la volonté de « faire front » contre les impostures de la culture et de l’histoire qui anime l’écriture de son premier recueil, les Cariatides (1842), dont le programme ne manque pas d’ambition : « Attaquer les rois du siècle, folliculaires et coupletiers, les misérables qui déshonorent l’art... » Encouragé par Hugo, Vigny ou Gautier, salué par Baudelaire, avec lequel il entretiendra toujours des liens privilégiés, Banville va dès lors produire, en trente ans, une des œuvres poétiques les plus consistantes du siècle : les Stalactites (1846); les Odelettes et Odes funambulesques (1856-1857), rédigées malgré une santé déjà compromise par une grave affection pulmonaire; les Améthystes (1862); les Exilés (1867), dont il dira : «S’il devait rester un livre de moi, je voudrais que ce fût celui-ci »; les Occidentales (1869); les Idylles prussiennes, au lendemain de la débâcle de 1870; Trente-Six Ballades joyeuses (1872); et enfin un superbe recueil de sonnets, les Princesses (1874). «Démentant le mythe romantique du poète maudit par les siens » (R. Fayolle), Banville, en dépit de quelques périodes de disgrâce qui le voient se retourner vers le journalisme ou le théâtre, fut très appré

 

cié de ses contemporains. Témoin le succès de ses « salons » du jeudi soir rue de Buci, puis rue de l’Éperon, fréquentés par un ensemble très éclectique d’écrivains : Daudet, Mallarmé, Coppée, C. Mendès, Maupassant, Courteline... Mais, poussé par une inextinguible soif d’écrire, l’auteur des Exilés abusa sans doute trop de la « copie » dans les dernières années de sa vie, et les mots de « chroniqueur », d’« amuseur » ou de « versificateur » fleurissent déjà dans les articles nécrologiques au lendemain de sa mort, le 13 mars 1891. Une injuste légende est née.

Entre la lyre et la rime

Priver Banville des mérites et de la générosité du « cœur », c’est en effet le mutiler de ce qui fit d’abord sa force convaincante : son lyrisme, varié et vrai. Lyrisme descriptif de l’esthète fasciné par les perfections de l’art antique, mais aussi de l’homme ému au seul souvenir de son « vieux Moulins bâti de briques roses »; lyrisme espiègle du « clown » au « cœur dévoré d’amour »; lyrisme railleur et engagé de l’« exilé » qui prend parti pour « tous les pauvres, tous les rêveurs, tous les maudits ». Pas plus que son théâtre ne saurait se laisser réduire aux seuls tableaux d’une mythologie parfois naïve (Déïdamia [1876], le Jugement de Paris) mais s’ouvre, dans Gringoire (1866) ou Florise (1870), aux dimensions de l’élégie et du tragique, sa poésie ne peut se résumer en une collection de bibelots futiles ou de marbres figés. Il demeure chez lui une qualité d’émotion individuelle et une « universelle compassion » qui excèdent largement les limites d’un simple formalisme.

 

Sans doute sont-ce ses dons poétiques mêmes : précocité, fécondité, facilité, qui ont contribué à façonner l’image d’un Banville plus parnassien que le Parnasse, plus didactique qu’un Leconte de Lisle — lequel, d’ailleurs, ne l’appréciait guère. On ne lui pardonne pas aujourd’hui la maladresse de certains propos de son Petit Traité de poésie française (1872) : « La rime est l’unique harmonie des vers, et elle est tout le vers (...). On n’entend dans un vers que le mot qui est à la rime ». Mais on oublie que, loin de considérer son art comme un exercice de bouts-rimés, il prône, en fait, une sorte d’impressionnisme rythmique et lexical : « La poésie a pour but de faire passer des impressions dans l’âme du lecteur (...); pour les susciter il lui suffit d’un mot ». On sourit de son obstination à ressusciter les vieilles formes fixes (triolet, rondel, ballade, villanelle, virelai), mais on ne dit pas quel avenir ces petits poèmes et leurs mètres allègres auront plus tard chez un Verlaine ou un Max Jacob.

 

Certes, Banville a abusé des pirouettes de la rime et a parfois trop joué sur « la corde roide » et dangereuse du mètre. Pour égaler les plus grands, il lui a sans doute manqué à la fois le sens du mystère et la conscience du véritable enjeu du verbe poétique. Mais cet écrivain pour qui « la poésie est la langue la plus facile à parler » (Baudelaire) ne fut pas un triste sire de l’éloquence. « On mourra de dégoût, disait-il dans ses Odes, si l’on ne prend, de-ci de-là, un grand bain d’azur ». Autrement dit « un grand bain » de mots et d’images. [Voir aussi Parnasse].

BIBLIOGRAPHIE

La dernière grande édition des Œuvres de Banville remonte aux années 1920 : Eugène Fasquelle en proposait alors la quasi-intégralité en 25 volumes. Une réimpression des Œuvres complètes de 1890-1909 a été faite par les Slatkine reprints (Genève, 1972). Depuis n’ont été bien rééditées que les Stalactites, chez Didier, en 1942, éd. critique d’E.M. Souffrin, et les Odes funambulesques, chez A. Lemerre, en 1943, et les Exilés, La Différence, 1991.

banville

« laire publié dans son recueil d'articles Sur mes contemporains ( 1869); une étude, partiale mais intéressante sur le plan rhétori­ que, de J.

Lemaitre, dans la première série de ses Contemporains.

Lecerre, Oudin et Cie, Paris, 1892; une excellente et chaleureuse analyse d'ensemble de J.

Charpentier, Théodore de Banville, L'homme et son œuvre, Perrin et Cie, Paris, 1925.

On y ajoutera R.

Sabatier, «Banville, le funambule», dans son Histoire de la poésie française.

xtx• siècle, t.

II, Albin Michel, 1976 (Ce texte, pour une bonne part, est une pertinente synthèse des études anciennes citées précédemment); le Bulletin des études parnas­ siennes, VII, avril-juin 1985; R.

Lacroix, Théodore de Banville, une famille pour un poète, Moulins, 1990.. »

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