BARBIER Henri-Auguste : sa vie et son oeuvre
Publié le 16/11/2018
Extrait du document


«
prévient
Barbier dans le prologue des Iambes, recueil où
se trouvent réunis une vingtaine de poèmes qui allient le
« sentiment amer>> et le« mouvement lyrique».
L'amer
tume néanmoins domine, comme s'il s'agissait ici davan
tage d'un thème modulé à l'infini parce qu'il est vécu
intimement, à chaque instant, soit devant le spectacle de
l'oppression infligée («l'Idole», mai 1831, stigmatise
en Napoléon «le Corse à cheveux plats>> qui a fait de la
France un bétail soumis à ses caprices et ses fureurs),
soit devant l'abâtardissement du peuple lui-même :
Car nous sommes des nains à côté de nos pères ( ...
)
Et quand parfois au cœur il nous vient une haine,
Nous devenons poussifs, et n'avons plus d'haleine
Que pour trois jours au plus.
(«Quatre-Vingt-Treize»)
Ainsi, on arrive à une vision tragique de l'humanité
condamnée à vivre en un bourbier fangeux, au sein d'un
univers néantisé que traduiront les plus purs des
romantiques :
Tout est mort maintenant; ( ...
)
Et l'on ne trouve plus qu'un abîme profond,
Un vaste et sombre anneau sans chaton et sans pierre,
Un gouffre sans limite, une nuit sans lumière,
Une fosse béante, un immense cercueil,
Et l'orbite sans fond dont l'homme a crevé l'œil,
clame le poète dans son désespoir ( « Desperatio ») : un
désespoir où l'homme enfermé dans un double malheur,
celui du despote ou celui du prolétaire, n'assume pas
encore sa solitude, d'où toute révolte paraît bannie.
Cette vision tragique de l'humanité, liée au présent,
appelle donc le passé comme correctif : aussi, pour
échapper à cet univers transformé en « hôpital », Barbier
s'empare-t-il du passé latin qu'avait chanté du Bellay
dans les Regrets :
0 vieille Rome! ô Goethe! ô puissances du monde!
Ainsi donc votre empire a passé comme l'onde ...
»
(« le Campo Vaccina »)
pour en faire des pièces ciselées à la manière d'un
Heredia («Michel-Ange», « Raphaël >>, «Léonard de
Vinci >> ...
).
Mais ces pages du Pian.to (1833), où la parole se fige
dans l'irréalité de l'art, demeurent isolées :en effet, d'un
voyage outre-Manche Barbier rapporte des vers sombres,
inspirés, comme ceux des Iambes, par l'« occasion>>.
Lazare (1837) tourne le dos à l'esthétisme rigoureux
pour chanter en une suite de longues plaintes les « peines
et les misères >> de l'Angleterre : misère de « 1 'homme
descendant à l'imbécillité» (> ( « le
Gin >>) ou de ces travailleurs auxquels le fouet «déchire
les reins noirs» ( « le Fouet >> ); peine des mineurs «de la
riche Angleterre qui vivent comme à six cents pieds
sous terre» ( « les Mineurs de Newcastle>>); peine des
prostituées qui «à toute heure, à tout prix, trafiquent de
l'amour>> («le Minotaure»); peine des paysans frustrés
du fruit de leur travail («les Belles Collines
d'Irlande>> ) ...
Et pourtant, nulle révolte dans ce tableau
cl' une Angleterre à 1' opposé de celle des Le ures philoso
phiq ues ; tout au plus une timide interrogation scandée
comme la mélopée d'un chœur grec :
Pourquoi d'autres que nous mangent-ils les moissons
Que nos bras en sueur semèrent dans nos plaines?
Pourquoi d'autres ont-ils pour habits les toisons
Dont nos lacs ont lavé les magnifiques laines?
Pourquoi ne pouvons-nous rester au même coin,
Et, tous enfants, puiser à la même mamelle?
interrogation qui s'élève parfois jusqu'à la prédiction
d'un malheur futur, car, ainsi que l'annoncent les
mineurs anglais, les «puissants de la terre» enfermés
dans leur égoïsme oublient
Qu'en laissant dépérir les fondements du temple
le monument s'écroule, et tout tombe avec lui.
Toutefois cette
morale humanitaire ne parvient pas à
voiler le pessimisme profond du poète; et, tout comme
les Iambes s'achevaient sur la négation du progrès en
matière de relation sociale, Lazare se clôt sur l'absence
de tout espoir pour améliorer le sort du peuple :
Dans les cités humaines
Il restera toujours
Assez de fortes peines,
De maux cuisants et lourds,
Pour qu'en sa plainte amère
l'éternelle douleur
loin de ce globe espère
Quelque monde meilleur.
Conscient, sinon de l'impuissance de sa parole à
« légiférer >> ce« monde meilleur », du moins de l'ineffi
cacité à déclarer la guerre «aux noirs excès du temps »,
Barbier déclare :
Quittant de Némésis la sublime folie
Je prends modestement le masque de Thalie.
(Satires, H Prologue"· 1863)
S'il satirise encore, ce n'est plus guère qu'à la façon
badine des moralistes, dressant en quelques petits poè
mes ou quelques saynettes (.
»
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