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BARBIER Henri-Auguste : sa vie et son oeuvre

Publié le 16/11/2018

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auguste
BARBIER Henri-Auguste (1805-1882). «Auguste Barbier a été un grand poète malgré lui, pour ainsi dire : il a essayé de gâter par une idée fausse de la poésie de superbes facultés poétiques » : face à ce jugement de Baudelaire (l'Art romantique), qui se pose en défenseur de la poésie pure — « la poésie se suffit à elle-même. Elle est éternelle et ne doit jamais avoir besoin d'un secours extérieur » —, la critique matérialiste moderne dresse l’image d’un poète « représentant typique de l’époque prémarxiste, qui (...) fait appel au cœur et à l’intelligence des possédants » (G. Cogniot). Et de fait, la gloire éclatante des ïambes côtoyant le reste d’une œuvre enfouie dans une obscurité presque totale pose la question de l’alliance en poésie de l’écriture et du sentiment et, par-delà le problème esthétique, celui de la relation de l’œuvre d’art avec ce que Baudelaire nomme l’« occasion » : ici les troubles de juillet 1830.
 
La tempête et le calme
 
C’est en effet au lendemain des Trois Glorieuses que ce fils d'avoué, lui-même diplômé de droit, explosa dans le monde des lettres avec un poème violent, « la Curée » (juillet 1830). C’est un hymne à la Liberté, mais une Liberté revivifiée, dépouillée des couleurs pastels que lui donnaient les tableaux du « noble faubourg Saint-Germain » pour se présenter sous les traits d’une femme
Qui ne prend ses amours que dans la populace,
 
Qui ne prête son large flanc
 
Qu'à des gens forts comme elle, et qui veut qu'on l'embrasse Avec des bras rouges de sang.
 
Continuant de donner du peuple une vision édulcorée de toute imagerie sentimentaliste, il en fait un lion « vautrant tout du long sa fauve majesté » (« le Lion », décembre 1830) et se muant en une fille de taverne
 
(...) qui, dans son taudis, sur sa couche de paille.
 
N'a d'amour chaud et libertin
 
Que pour l'homme hardi qui la bat et la fouaille Depuis le soir jusqu'au matin.
 
(« l'idole », mai 1831) ou en « pâle voyou » qui résume tout à la fois le libertinage (« Sur un front de quinze ans c’est le vice endurci ») et le courage (« Comme un vieux grenadier il mange de la poudre »). Cette figure symbolise une foule opprimée, prête à bondir à tout instant (« la Cuve », 1831), mais tout aussi prompte à se laisser bercer par de vaines paroles (« la Popularité », février 1831). Autant de portraits qui traduisent la sympathie — ou plutôt l’empathie — de l’écrivain à l’égard de sa muse plébéienne, tant il est vrai que la vision du peuple est ici moins objet d’épopée que sujet lyrique saisi de l’intérieur et retranscrit avec ses forces et ses faiblesses.
 
Mon vers rude et grossier est honnête homme au fond, prévient Barbier dans le prologue des ïambes, recueil où se trouvent réunis une vingtaine de poèmes qui allient le « sentiment amer » et le « mouvement lyrique ». L’amertume néanmoins domine, comme s’il s’agissait ici davantage d’un thème modulé à l’infini parce qu’il est vécu intimement, à chaque instant, soit devant le spectacle de l’oppression infligée («l’idole», mai 1831, stigmatise en Napoléon « le Corse à cheveux plats » qui a fait de la France un bétail soumis à ses caprices et ses fureurs), soit devant l’abâtardissement du peuple lui-même :
 
Car nous sommes des nains à côté de nos pères (...) Et quand parfois au cœur il nous vient une haine, Nous devenons poussifs, et n'avons plus d'haleine Que pour trois jours au plus.
 
(« Quatre-Vingt-Treize »)
 
Ainsi, on arrive à une vision tragique de l’humanité condamnée à vivre en un bourbier fangeux, au sein d’un univers néantisé que traduiront les plus purs des romantiques :
 
Tout est mort maintenant; (...)
 
Et l'on ne trouve plus qu'un abîme profond.
 
Un vaste et sombre anneau sans chaton et sans pierre,
 
Un gouffre sans limite, une nuit sans lumière.
 
Une fosse béante, un immense cercueil.
 
Et l'orbite sans fond dont l'homme a crevé l'œil, clame le poète dans son désespoir (« Desperatio ») : un désespoir où l’homme enfermé dans un double malheur, celui du despote ou celui du prolétaire, n’assume pas encore sa solitude, d’où toute révolte paraît bannie.
 
Cette vision tragique de l’humanité, liée au présent, appelle donc le passé comme correctif : aussi, pour échapper à cet univers transformé en « hôpital », Barbier s’empare-t-il du passé latin qu’avait chanté du Bellay dans les Regrets :


auguste

« prévient Barbier dans le prologue des Iambes, recueil où se trouvent réunis une vingtaine de poèmes qui allient le « sentiment amer>> et le« mouvement lyrique».

L'amer­ tume néanmoins domine, comme s'il s'agissait ici davan­ tage d'un thème modulé à l'infini parce qu'il est vécu intimement, à chaque instant, soit devant le spectacle de l'oppression infligée («l'Idole», mai 1831, stigmatise en Napoléon «le Corse à cheveux plats>> qui a fait de la France un bétail soumis à ses caprices et ses fureurs), soit devant l'abâtardissement du peuple lui-même : Car nous sommes des nains à côté de nos pères ( ...

) Et quand parfois au cœur il nous vient une haine, Nous devenons poussifs, et n'avons plus d'haleine Que pour trois jours au plus.

(«Quatre-Vingt-Treize») Ainsi, on arrive à une vision tragique de l'humanité condamnée à vivre en un bourbier fangeux, au sein d'un univers néantisé que traduiront les plus purs des romantiques : Tout est mort maintenant; ( ...

) Et l'on ne trouve plus qu'un abîme profond, Un vaste et sombre anneau sans chaton et sans pierre, Un gouffre sans limite, une nuit sans lumière, Une fosse béante, un immense cercueil, Et l'orbite sans fond dont l'homme a crevé l'œil, clame le poète dans son désespoir ( « Desperatio ») : un désespoir où l'homme enfermé dans un double malheur, celui du despote ou celui du prolétaire, n'assume pas encore sa solitude, d'où toute révolte paraît bannie.

Cette vision tragique de l'humanité, liée au présent, appelle donc le passé comme correctif : aussi, pour échapper à cet univers transformé en « hôpital », Barbier s'empare-t-il du passé latin qu'avait chanté du Bellay dans les Regrets : 0 vieille Rome! ô Goethe! ô puissances du monde! Ainsi donc votre empire a passé comme l'onde ...

» (« le Campo Vaccina ») pour en faire des pièces ciselées à la manière d'un Heredia («Michel-Ange», « Raphaël >>, «Léonard de Vinci >> ...

).

Mais ces pages du Pian.to (1833), où la parole se fige dans l'irréalité de l'art, demeurent isolées :en effet, d'un voyage outre-Manche Barbier rapporte des vers sombres, inspirés, comme ceux des Iambes, par l'« occasion>>.

Lazare (1837) tourne le dos à l'esthétisme rigoureux pour chanter en une suite de longues plaintes les « peines et les misères >> de l'Angleterre : misère de « 1 'homme descendant à l'imbécillité» (> ( « le Gin >>) ou de ces travailleurs auxquels le fouet «déchire les reins noirs» ( « le Fouet >> ); peine des mineurs «de la riche Angleterre qui vivent comme à six cents pieds sous terre» ( « les Mineurs de Newcastle>>); peine des prostituées qui «à toute heure, à tout prix, trafiquent de l'amour>> («le Minotaure»); peine des paysans frustrés du fruit de leur travail («les Belles Collines d'Irlande>> ) ...

Et pourtant, nulle révolte dans ce tableau cl' une Angleterre à 1' opposé de celle des Le ures philoso­ phiq ues ; tout au plus une timide interrogation scandée comme la mélopée d'un chœur grec : Pourquoi d'autres que nous mangent-ils les moissons Que nos bras en sueur semèrent dans nos plaines? Pourquoi d'autres ont-ils pour habits les toisons Dont nos lacs ont lavé les magnifiques laines? Pourquoi ne pouvons-nous rester au même coin, Et, tous enfants, puiser à la même mamelle? interrogation qui s'élève parfois jusqu'à la prédiction d'un malheur futur, car, ainsi que l'annoncent les mineurs anglais, les «puissants de la terre» enfermés dans leur égoïsme oublient Qu'en laissant dépérir les fondements du temple le monument s'écroule, et tout tombe avec lui.

Toutefois cette morale humanitaire ne parvient pas à voiler le pessimisme profond du poète; et, tout comme les Iambes s'achevaient sur la négation du progrès en matière de relation sociale, Lazare se clôt sur l'absence de tout espoir pour améliorer le sort du peuple : Dans les cités humaines Il restera toujours Assez de fortes peines, De maux cuisants et lourds, Pour qu'en sa plainte amère l'éternelle douleur loin de ce globe espère Quelque monde meilleur.

Conscient, sinon de l'impuissance de sa parole à « légiférer >> ce« monde meilleur », du moins de l'ineffi­ cacité à déclarer la guerre «aux noirs excès du temps », Barbier déclare : Quittant de Némésis la sublime folie Je prends modestement le masque de Thalie.

(Satires, H Prologue"· 1863) S'il satirise encore, ce n'est plus guère qu'à la façon badine des moralistes, dressant en quelques petits poè­ mes ou quelques saynettes (. »

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