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BARTHES (Roland)

Publié le 16/02/2019

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barthes

BARTHES (Roland), critique français (Cherbourg 1915 - Paris 1980). Journaliste, il collabora à Combat et à France-Observateur; sociologue, il enseigna à l'École des hautes études avant d'occuper la chaire de sémiologie du Collège de France (1976). Attentif dès 1950 aux avant-gardes théâtrales, défenseur de Brecht et de Beckett, de Robbe-Grillet et de Butor, il devint dans les années 1950 la figure dominante de la « Nouvelle Critique » et engagea avec R. Picard une polémique sur les méthodes de lecture inspirées des sciences humaines, pour finir par être la référence obligée de l'intelligentsia française. Lié au groupe Tel Quel, il continua de se faire l’apologiste d'une théorie et d'une esthétique de l'écriture, suivant un usage original du mot proposé dans le Degré zéro de l'écriture ( 1953) et précisé dans les Essais critiques (1964). Nourrie des apports épistémologiques les plus importants depuis 1945, son œuvre de trente années, marquée par la recherche du style et une certaine préciosité de pensée, reste comme un des témoignages fondamentaux sur l'histoire intellectuelle et littéraire de la France contemporaine, tant il a su, ainsi qu'il le remarque lui-même dans Roland Bar-thés par Roland Barthes (1975), « voler un langage », voler tout langage, afin de dire, contre l'évidence des mots asservis, l'aventure de ceux qui, après avoir grandi dans la lecture de Gide, ont construit leur imaginaire à travers Sartre, le Nouveau Roman, Lacan, les idéologies du corps et du désir, et les figures de l'inquiétante démystification, Marx, Nietzsche, Freud. Avant de constituer un corpus scientifique ou de témoigner pour l'auteur en un jeu fonctionnel où se perdrait le moi scripteur, l'ensemble de l'œuvre dit une épreuve et une fatalité constantes : captateur des principales innovations intellectuelles, Barthes a vu sa pensée, son verbe captés par cette doxa qui lui semblait le pire des maux ; il a donc entrepris, dans un mouvement de retour aux éléments « portants » de sa pensée, d'échapper à l'idéologie prédatrice, en une comédie de l'écrivain et du langage toute gidienne : « Je suis moi-même mon propre symbole, je suis l'histoire qui m'arrive : en roue libre dans le langage, je n'ai rien à quoi me comparer ; et dans ce mouvement, le pronom de l'imaginaire, «je», se trouve im-pertinent. » Malgré cette esquive, et quoi qu'en ait dit Barthes (« Je ne suis que le contemporain imaginaire de mon propre présent »), l'obsession de atopie ne se distingue pas d'une migration socioculturelle, manière exemplaire de s'enraciner dans la modernité : le débat du Degré zéro de l'écriture reste, au total, à peine renouvelé, mais constam ment repris dans le changement des dominantes critiques, de Sartre à Sol-lers. Le voyage de l'essayiste est bien voyage dans notre présent et, en conséquence, nomination de nos propriétés. Dans Roland Barthes, la récollection des fragments — l'ordre masqué du dictionnaire — est sans doute un rite de réconciliation, une façon de nier le temps linéaire par les permutations, destructrices des visions de l'analogie ; elle est encore la simple collection, une manière, pour le collectionneur, de reconstituer, contre le discours social aliénant, un discours transparent puisque le collectionneur en détient et en organise les signifiants, et qu'il en est le seul signifié. La collection, parce qu'elle est collection, montre encore la marque sociale. L'essayiste échoue à devenir sa propre origine et son propre terme : il se trouve contraint de déclarer la langue « fasciste », et de s'en remettre à la mémoire qui vit par la seule image, libre de tout propos apologétique — la Chambre claire (1980) est une méditation sur la photographie de la mère, l'unique représentation qui ne mente pas.

 

Dès 1953, le Degré zéro de l'écriture précise le triple rapport qui commande l'entreprise littéraire et l'analyse critique : rapports de l'écrivain à l'origine,

 

à l'histoire, au pouvoir. Il y a dans toute production du sens un leurre et un alibi par lesquels l'écrivain choisit la mauvaise foi. Le style même témoigne du plus ou moins grand asservissement de l'œuvre à la mauvaise société, celle qui ne laisse pas s'affirmer la parole singulière, celle qui fait de l'autonomie de l'objet esthétique le reflet et le garant de l'autorité politique, ainsi qu'en témoigne l'esthétique sourcilleuse de Flaubert. Contre ce poids de l'histoire bourgeoise, dont Barthes reprend la dénonciation dans ses analyses de Brecht, doivent aller l'histoire en train de se faire et le retour du mot à une manière d'état naturel, précisément son origine. Le Degré zéro conclut sur une manière d'utopie, celle de l'histoire réconciliée et du verbe enfin en possession d'hommes véritablement libres. L'utopie abandonnée, l'écrivain doit « supporter la littérature comme un engagement manqué, comme un regard moïséen sur la Terre promise du réel... ». Michelet, tel qu'il est peint dans Michelet par lui-même (1954) suivant une thématique inspirée de Bachelard et déjà porteuse des partages et des équilibres structuralistes, est cette figure, attaché qu'il est à dire l'histoire authentique à partir de la fausse histoire, à dessiner le temps intransitif où se marquent les identités de qualité (histoire et femme, masculin et féminin), pour dessiner un monde qui conjure la rupture de la matière, pour identifier l'écrivain et l'historien à la femme et au roi, qui sont tout et partout, aptes à recueillir « mille forces, mille hérédités » dans « une insignifiance générale et délectable ». En une ambiguïté remarquable, Barthes donne à travers Michelet le portrait de l'écrivain placé dans l'embrasure, installé sur le seuil, suivant une notation centrale de S/Z (1970) : le langage du peuple est resté insaisissable à Michelet, qui s'est cependant affranchi de l'histoire contemporaine pour donner une lecture tabulaire du passé, ainsi possédé sans être restauré, ainsi dessiné sans être déterminant. La sémiologie et le structuralisme [Mythologies, 1957 ; Sur Racine, 1963 ; Éléments de sémiologie, 1965) sont les

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« innovations intellectuelles, Barthes a vu sa pensée, son verbe captés par cette doxa qui lui semblait le pire des maux ; il a donc entrepris, dans un mouvement de retour aux éléments « portants » de sa pensée, d'échapper à l'idéologie pré­ datrice, en une comédie de l'écrivain et du langage toute gidienne « Je suis moi-même mon propre symbole, je suis l'histoire qui m'arrive : en roue libre dans le langage, je n'ai rien à quoi me comparer ; et dans ce mouvement, le pronom de l'imaginaire, «jen, se trouve im-pertinenL » Malgré cette esquive, et quoi qu'en ait dit Barthes ( « Je ne suis que le contemporain imaginaire de mon propre présent »), l'obsession de l'atopie ne se distingue pas d'une migration socioculturelle, manière exemplaire de s'enraciner dans la modernité : le débat du Degré zéro de l'é cr it u re reste, au total, à peine renouvelé, mais constam ­ ment repris dans le changement des dominantes critiques, de Sartre à Sol ­ lers.

Le voyage de l'essayiste est bien voyage dans notre présent et, en consé­ quence, nomination de nos proprié tés.

Dans Roland Barthes, la récollection des fragments -l'ordre masqué du diction ­ naire -est sans doute un rite de réconciliation, une façon de nier le temps linéaire par les permutations, destructrices des visions de l'analogie; elle est encore la simple collection, une manière, pour le collectionneur, de reconstituer, contre le discours social aliénant, un discours transparent puis­ que le collectionneur en détient et en organise les signifiants, et qu'il en est le seul signifié.

La collection, parce qu'elle est collection, montre encore la marque sociale.

L'essayiste échoue à devenir sa propre origine et son propre tenne : il se trouve contraint de déclarer la langue « fasciste >>, et de s'en remettre à la mémoire qui vit par la seule image, libre de tout propos apologétique -la Cham­ bre claire (1980) est une méditation sur la photographie de la mère, l'unique représentation qui ne mente pas.

Dès 1953, le Degré zéro de l'écriture précise le triple rapport qui commande l'entreprise littéraire et l'analyse criti ­ que : rapports de l'écrivain à l'origin e, à l'histoire, au pouvoir.

Il y a dans toute production du sens un leurre et un alib i par lesquels l'écrivain choisit la mau­ vaise foi.

Le style même témoigne du plus ou moins grand asservissement de l'œuvre à la mauvaise société, celle qui ne laisse pas s' affinner la parole singu­ lière, celle qui fait de l'autonomie de 1 'objet esthétique le reflet et le garant de l'autorité politique, ainsi qu'en témoigne l'esthétique sourcilleuse de Flaubert.

Contre ce poids de 1 'histoire bourgeoise, dont Barthes reprend la dénonciation dans ses analyses de Brecht, doivent aller l'histoire en train de se faire et le retour du mot à une manière d'état naturel, précisément son origine.

Le Degré zéro conclut sur une manière d'utopie, celle de l'histoire réconciliée et du verbe enfin en possession d'hommes véritablement libres.

L'utopie abandon­ née, l'écrivain doit « supporter la littéra ­ ture comme un engagement manqué, comme un regard moïséen sur la Terre promise du réel...

».

Michelet, tel qu'il est peint dans Michelet par lui-même (1954) suivant une thématique inspirée de Bachelard et déjà porteuse des par­ tages et des équilibres structuralistes, est cette figure, attaché qu'il est à dire l'histoire authentique à partir de la fausse histoire, à dessiner le temps intransitif où se marquent les identités de qualité (histoire et femme.

masculin et féminin), pour dessiner un monde qui conjure la rupture de la matiêre, pour identifier l'écrivain et l'historien à la femme et au roi, qui sont tout et partout, aptes à recueillir. »

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