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Baudelaire, commentaire composé (le spleen de paris, poèmes 21 et 29)

Publié le 31/01/2016

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Baudelaire, commentaire composé (le spleen de paris, poèmes 21 et 29)

                           En 1857, après la publication des « Fleurs du Mal », Baudelaire est poursuivi pour immoralité. Bien que contraint de supprimer six poèmes du recueil, il persiste toutefois et entame la rédaction d’un « pendant » en prose à cette œuvre sulfureuse : «Le Spleen de Paris ».

Poussant toujours plus loin la provocation, le poète maudit y fait l’apologue de la marginalité, du « beau bizarre » aussi, et se plaît tantôt à évoquer, dans une prose aux accents lyriques, des ailleurs exotiques (c.f « L’invitation au voyage »), tantôt à témoigner de misanthropie et de sadisme avec ironie et désinvolture (« Assommons les pauvres ! »).

Le doublet formé par « Les tentations » et « le Joueur généreux » parfait encore l’image d’un poète maudit et immoral puisqu’il y est question de mal et de tentation : nous verrons donc comment Baudelaire représente-t-il le mal et la tentation dans cet ensemble de poèmes aux allures de contes fantastiques.

                         Dans un premier temps, nous analyserons le portrait attirant qui est fait du Diable, dans un second temps nous nous intéresserons à la vision que semble avoir Baudelaire de l’enfer et dans un dernier temps, nous étudierons la conséquence de la tentation sur le narrateur : la révélation du spleen.

 

Dans un premier temps, on observe qu’une constante lie ces deux poèmes : le Diable, en effet, loin d’y être représenté comme effrayant, tel qu’il l’est dans l’imaginaire chrétien, apparaît comme une figure attirante par sa beauté et sa sympathie. D’abord, on constatera que le narrateur semble fasciné par la beauté du diable. Ainsi, dans « Les tentations », les Satans et la Diablesse sont tour à tour qualifiés de « superbes », « extraordinaire » et le terme de « splendeur » leur est associé. Dans « Le joueur généreux », il est fait allusion à la « beauté fatale » des damnés. Egalement, la diablesse des « tentations » incarne le ‘’beau bizarre ‘’, cher à Baudelaire qui s’emploie en effet à célébrer dans le Spleen de Paris non plus le canon de beauté stéréotypé et idéalisé mais la beauté déchue et inhabituelle qui le fascine (« je lui trouvai un bizarre charme […)celui des très belles femmes sur le retour[…] et dont la beauté garde la magie pénétrante des ruines »). Pour illustrer encore mieux cette attirance et cette fascination vis-à-vis de Satan, le narrateur n’hésite pas à user d’une comparaison  pour le moins ironique et provocatrice : celle avec les Dieux païens de la mythologie antique (« je les pris d'abord tous les trois pour de vrais Dieux »). On trouve en l’occurrence des allusions au Bacchus romain (dieu du vin et de l’ivresse), à l’Eros grec (l’amour vient donc ici tenter le narrateur, qui s’y refuse : « je n’ai que faire de cette pacotille d’être » ; « les inconvénients de ton amitié »), à Plutus (le dieu romain de la richesse apparait ici non sans ironie car on sait que Baudelaire doit en permanence faire face à des problèmes financiers) et à la Renommée, la « Fama » que le poète assimile tout de même de façon paradoxale à une prostituée, une diablesse qui se vend au plus offrant et non pas au plus méritant et cette référence permet l’expression de l’amertume d’un poète qui semble se sentir incompris. Egalement, la présence de la couleur dorée (« chaîne d’or » ; « la peau était dorée ») renvoie à l’éclat du sacré.

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« 2 Egalement, il avoue épr ouver une sympathie fraternelle pour les « anges rebelles ».

Pour finir, le Malin est un être magnanime, qui propose au narrateur en compensation de la perte de son âme au jeu, de lui offrir tout ce à quoi aspire le malheureux : Baudelaire semble par là af firmer que la bonté et la miséricorde ne sont pas uniquement l’œuvre du « Bon Dieu » mais qu’il existe aussi un « Bon diable ».

Et justement, on ne peut s’empêcher de remarquer que chaque fois que dans cet ensemble de poèmes, il est fait allusion à Dieu, c ’est toujours de manière blasphématoire .

Ainsi, dans « Les Tentations », le premier Satan (l’androgyne offrant le pouvoir amoureux) parodie l’eucharistie catholique lorsque l’on voit écrit sur la fiole de potion qu’il tient « Buvez, ceci est mon sang » : l a parole divine est tournée en dérision et l’écriture devient alors blasphématoire et provocatrice envers la religion.

Pire encore, dans « le Joueur Généreux », la prière est également sujette à l’ironie lorsqu’elle s’avère n’être qu’un résidu d’habitude, qui plus est « imbécile », alors qu’elle devrait être motivée par la foi et la contrition selon les valeurs catholiques.

Mais, c’est là le paroxysme du blasphème, le paradoxe qui anime cette prière bafoue ces dernières allègrement en les brouillant puisque le narrateur demande à Dieu d’ exaucer la promesse du Diable.

Donc nous avons montré comment, dans les poèmes XXI et XXIX du Spleen de Paris, Baudelaire dépeint le diable, qui semble le séduire tant par s a beauté que par sa sympathie, qui le conduit d’ailleurs au blasphème.

Mais si le diable apparait au poète comme un ami, l’enfer attire ce dernier en ce qu’il semble être une échappatoire au monde des hommes.

D’abord, on notera que ces deux poèmes, pour être empreints de tentation, évoquent également les « paradis artificiels » et l’ « ailleurs », autant de moyens d’évasions réunis, semble -t -il en un seul lieu : l’enfer.

Ainsi, la poésie de Baudelaire se caractérise notamment par un désir ardent d’échapper au monde qu’il entend sati sfaire par les paradis artificiels et l’ivresse notamment : il est d’ailleurs, dans ces deux poèmes, énormément fait référence à l’alcool (« eau-de -vie », « vin », « liqueurs »).

Egalement, l’évocation des « cassolettes chaudes d’où s’exhalait la bonne ode ur d’une parfumerie » dans « les Tentations » fait écho à celle de la fumée des « cigares à la saveur et [au] parfum incomparables », et l’association systématique du parfum à la chaleur ou la fumée semble rappeler l’ambiance capiteuse des fumeries d’opium orientales (rappelons que la drogue constitue un autre des paradis artificiels pour Baudelaire), évoquant par la même l’idée de voyage.

On retrouve cette dernière dans la comparaison de la béatitude du poète lorsqu’il arrive en Enfer avec celle éprouvée p ar les Lotophages après la découverte de leur ile mais également dans le pouvoir promis par le Diable après la perte de l’âme du poète (« vous changerez de patrie et de contrée aussi souvent que votre fantaisie vous l’ordonnera » ; « dans des pays où il f ait toujours chaud »).

Donc la tentation est forte pour le narrateur, de céder à l’appel d’une évasion du monde, quelle qu’elle soit, physique (voyage) ou spirituelle (ivresse, drogue) et la ville et le rêve apparaissent alors comme une porte de sortie ver s une dimension qui serait plus douce au poète.

Car si Baudelaire se fait le chantre de la modernité, il n’en est pas moins un témoin de la déchéance qu’elle engendre.

C’est pourquoi la ville devient alors une porte vers l’enfer : en effet, la transition d ’un monde à un autre, de la rue au « monde souterrain », semble être d’une simplicité déconcertante (« je descendis derrière lui »).

Cette limite entre Enfer et monde réel est tellement ténue que le Diable se promène dans la rue comme tout un chacun.

L’as pect fantastique de ces poèmes n’est d’ailleurs pas sans rappeler les nouvelles d’Edgar Allan Poe, dont Baudelaire était un fervent admirateur.

De plus, si ce n’est la ville, c’est le rêve qui rend possible cet entretien avec le Malin (« l’Enfer donne assa ut à la faiblesse de l’homme qui dort et communique en secret avec lui ». »

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