Devoir de Philosophie

BAYLE: Sa vie. Les « Pensées sur les Comètes »

Publié le 26/05/2011

Extrait du document

Le scepticisme se dégage de l'oeuvre de Fontenelle : il est contenu tout entier dans l'oeuvre de Bayle. Celui-ci, héritier de la société des libertins, prépare la venue des philosophes, en sorte que le même courant se continue sans interruption des sceptiques du XVIe siècle à ceux du xviiie. On dirait, suivant l'ingénieuse image de Sainte-Beuve, un fleuve passant sous un pont où se dresseraient les statues des grandes figures chrétiennes du XVIIe siècle. Pierre Bayle naquit au Carlat (10 novembre 1647) : il était fils d'un ministre de la religion réformée. Sa première éducation fut négligée. A vingt ans, on le met au collège protestant de Puylaurens, où il prend Montaigne et Plutarque pour livres de chevet. A vingt-trois ans, il va faire sa philosophie aux jésuites de Toulouse : au bout d'un mois, il y abjura le protestantisme auquel il devait bientôt revenir. Il occupa une chaire de philosophie en 1680 à l'Académie protestante de Sedan et, en 1681, à Rotterdam.

« «Pour le plus, tout ce qu'on peut prouver par l'expérience se réduit à ceci ; c'est que toutes les fois qu'il aparu des Comètes on a vu arriver de grands malheurs dans le monde : ce qui est si éloigné de prouver que lesComètes ont été la cause de ces malheurs qu'on prouverait tout aussitôt que la sortie d'un homme hors de samaison est la cause pourquoi tant de gens ont passé dans la rue toute la journée.

En un mot, c'est raisonnerpitoyablement que de conclure que deux choses sont l'effet l'une de l'autre de ce qu'elles se suiventconstamment l'une l'autre.» (ch.

47) b> Si Bayle s'attache comme il le fait à démontrer le caractère naturel des comètes, c'est pour prouver le mal fondéde superstitions et des préjugés qui ne reposent pas sur de véritables raisonnements mais sur l'autorité de laTradition: «Que ne pouvons-nous voir ce qui se passe dans l'esprit des hommes lorsqu'ils choisissent une opinion.

Je suissûr que si cela était nous réduirions le suffrage d'une infinité de gens à l'autorité de deux ou trois personnesqui, ayant débité une doctrine que l'on supposait qu'ils avaient examinée à fond, l'ont persuadée à plusieursautres par le préjugé de leur mérite, et ceux-ci à plusieurs autres qui ont trouvé mieux leur compte, pour leurparesse naturelle, à croire tout d'un coup ce qu'on leur disait qu'à l'examiner soigneusement.» (ch.

7) Or la Tradition ne doit en aucun cas conduire les hommes dans les opinions qu'ils adoptent.

Elle peut être sourced'erreur et il appartient à chacun, de la même manière que Descartes entendait «faire du passé table rase», de seforger ses propres certitudes en exerçant son «esprit critique» : «Un sentiment ne peut devenir probable par la multitude de ceux qui le suivent qu'autant qu'il a paru vrai àplusieurs, indépendamment de toute prévention et par la seule force d'un examen judicieux accompagnéd'exactitude et d'une grande intelligence des choses...» (ch.

7) 2.

UNE MORALE SANS RELIGION le- Derrière les attaques contre l'autorité et la tradition se profile une autre cible : la religion, et en particulier lareligion dominante, le catholicisme.

En effet, la crédulité populaire, comme le dénoncera également Voltaire, estlargement utilisée depuis le Moyen Âge par l'Église pour asseoir son pouvoir.

Ainsi, on interprète volontiers la comètecomme un signe visible envoyé par Dieu pour lutter contre l'athéisme.

Pour combattre ce préjugé religieux, Bayle aprécisément recours à des arguments théologiques.

Si les comètes étaient réellement des signes divins, argumente-t-il, elles seraient des miracles.

Or de tels miracles ont pour seul effet d'accroître les superstitions et l'idôlatrie.

Ilest impensable, affirme Bayle, que Dieu, pour vaincre l'athéisme, use d'un remède pire que le mal.

Car à ses yeux, unathée vaut mieux qu'un idolâtre. b, Pour étayer ses arguments, il se livre à une défense hardie de l'athéisme, démontrant que les athées peuvent secomporter aussi moralement que les chrétiens : «Une société d'athées pratiquerait les actions civiles et moralesaussi bien que les pratiquent les autres sociétés, pourvu qu'elle fît sévèrement punir les crimes et qu'elle attachât de l'honneur et de l'infamie à certaines choses.» (ch.

172) Bayle va plus loin : il affirme non seulement que les athées peuvent être vertueux mais qu'il ne suffit pas d'être chrétien pour vivre vertueusement, car les hommes, chrétiens ou non, vivent rarement en accord avec leurs principes : «Quand on compare les mœurs d'unhomme qui a une religion avec l'idée générale que l'on se forme des moeurs de cet homme, on est tout surpris de netrouver aucune conformité entre ces deux choses.

L'idée générale veut qu'un homme qui croit en un Dieu, unParadis et un Enfer fasse tout ce qu'il connaît être agréable à Dieu et ne fasse rien de ce qu'il sait lui êtredésagréable.

Mais la vie de cet homme nous prouve qu'il fait tout le contraire.» (ch.

135) La conclusion à laquelle veut nous conduire Bayle est que la morale est indépendante de la religion, affirmationaudacieuse, qui contribue à saper la puissance de l'Église et pose les fondements d'une morale fondée sur la Raison.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles