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BECK Béatrix : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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BECK Béatrix (né en 1914). Romancière d’origine belge, fille du poète et polémiste Christian Beck (1879-1916). Elle accomplit en France de bonnes études, qu’elle achève à Grenoble. Son mari, Juif russe et militant communiste, est tué à la guerre en 1940, lui laissant une petite fille, qu’elle élève seule en travaillant comme ouvrière, domestique, employée de ferme, avant de devenir secrétaire de Gide (1950-1951). Années difficiles, notamment celles de l’Occupation, qui donneront matière à un cycle romanesque largement autobiographique : Barny (1948), Une mort irrégulière (1950), Léon Morin, prêtre (prix Goncourt 1952, film de J.-P. Melville en 1961), Des accommodements avec le Ciel (1954), le Muet (1963). Sa notoriété lui vaut d’entrer au jury Femina (1959), dont elle démissionnera, et d’être appelée par des universités américaines et québécoises (cf. Noli, 1978). Dans ce cycle de « Barny », chaque roman se veut procès-verbal d’une crise : mort de « Vim »;


« Beatrix Beck, La Décharge Cet extrait est tiré du roman de l’auteure belge Beatrice Beck intitulé La Décharge, publié en 1979, et qui s’inscritdans le genre littéraire du Nouveau Roman.

Dans celui-ci, l’héroïne, Noémi, est chargée par son institutrice derédiger un texte sur sa vie quotidienne.

Noémi est une enfant du «quart monde » : ce terme, inventé en 1969 par lepère Joseph Wresinki, désigne les personnes en situation de grande pauvreté.

En effet, Noémi vit avec ses sœurs etsa mère dans ce qu’elle nomme «la Décharge», d’où le titre du roman.

Comment ce récit met-il en valeur le rôle dulangage et reflète-t-il la misère sociale du « quart monde » ? Nous considèrerons en premier lieu ce texte comme lerécit de la vie quotidienne vue par Noémi de sa famille, puis nous analyserons le rôle du langage, pour enfin étudierle reflet de la misère sociale qu’il apporte. Dans un premier temps, nous pouvons constater que cet extrait raconte la vie de famille du point de vue dupersonnage de Noémi.

Le récit débute par une vision plutôt heureuse d’un quotidien qui ne semble pas l’être : Noéminous apparait comme un personnage qui se complait dans sa vie à la décharge, où elle fait « des trouvailles dansson gagne-pain » (ligne 11), ce qui est une expression teintée d’une fraîcheur enfantine pour signifier qu’elleramasse à la décharge ce qu’elle peut trouver.

En effet, Noémi collecte des objets qu’elle recycle, comme des «pneus dans lesquels on se tallait des semelles, casseroles qu’on décabossait, flacons de boites à cirage qui faisaientdes dinettes » (ligne 11 à 13) : Noémi nous apparaît comme un personnage débrouillard, et au premier plan commeune enfant quelque peu candide.

De ce fait, le récit comme l’écriture (le texte semble en effet rédigé par Noémi outout du moins une enfant, et ce grâce à un effet de focalisation interne créé par l’auteure), nous apprennent deschoses sur le caractère de Noémi.De plus, le personnage de Noémi, dans sa rédaction, passe d’un sujet à un autre.

L’extrait est tout d’abord centrésur la vie dans la Décharge, puis la première rencontre avec la mère de Noémi et ses sœurs, puis du cinéma, puis del’imaginaire de Noémi.

Ces différents thèmes sont liés par des connecteurs, qui sont, dans cet extrait, des objets :le fait d’avoir trouvé un baigneur dans la Décharge paraît rappeler au personnage de Noémi la première fois qu’elle avu la mer, le fait d’avoir déjà vu la mer au cinéma semble lui évoquer la réaction virulente de sa mère face aucinéma, et le «morceau de liège» trouvé dans la mer l’amène à laisser libre cours à son imagination.

Cette formed’écriture, qui passe d’un sujet à un autre semble suggérer que Noémi suit le cours de son imagination, et écrit dansle même temps qu’elle réfléchit ; cet effet est renforcé par le fait que le roman soit rédigé à la première personne dusingulier.

Ce style, presque oral, peut-être comparé à celui de Céline, notamment dans Voyage au bout de la Nuit.L’écriture paraît nous apprendre des éléments du caractère de Noémi.

C’est une enfant lucide, mais qui peut paraîtrequelque fois candide : on trouve dans la rédaction des tournures naïves qui peuvent faire sourire : la phrase « On nel’avait jamais vue mais je la connaissais par le cinéma » semble présenter la mer non seulement comme unepersonne, mais aussi comme une connaissance commune de Noémi et de la mer.

La personnification de la mer estégalement illustrée par la réaction hostile du personnage lorsqu’elle la voit pour la première fois : « Au début, je nel’aimais pas (…) puis on s’est apprivoisées » ligne 27 et 28.

On assiste également à une personnification de laDécharge, « la bête toujours en train de crever « (ligne 25), que Noémi semble tout d’abord associer à la mer, endéclarant « c’était comme à la Décharge » à la ligne 24 ; à la suite de quoi le personnage de Noémi va opposer cesdeux termes : la comparaison de la mer et de la Décharge est suivie de l’expression en opposition avec sa dernièrephrase : « si on veut, c’était le contraire » à la ligne24. Ainsi, nous pouvons souligner le rôle prédominant que joue l’écriture sur le récit.

Beck, par son recours à un stylepresque oral, nous amène à percevoir le personnage de Noémi comme un caractère à l’image de cette écriture.

C’estle même procédé auquel l’auteur va employer dans le choix du langage dans son roman.Tout d’abord, nous pouvons remarquer une différence entre les niveaux de langues dans le récit : celui de lanarration est opposé à celui que l’on retrouve dans les dialogues, où Noémi semble retranscrire précisément lesparoles de sa mère et sa sœur.

Le registre de langue est courant lorsque Noémi raconte la vie à la Décharge, tandisque les répliques sont parfois très familières, comme la réplique « Ta gueule » de la mère de Noémi à la ligne 4.

Onnote également un mélange humoristique des registres, lorsque Noémi déclare « Maman répondait ta gueule, maisgentiment » où la brutalité de l’insulte est opposée à la douceur de l’adverbe « gentiment », pour justifier l’attitudede sa mère.

Ainsi, le lecteur est amené à imaginer une inversion des rapports entre mère et fille : Noémi parle eneffet d’une façon plus soutenue que sa mère, ce qui peut paraître paradoxal : le langage usité par les personnagesconduit à une interprétation psychologique de leur caractère.

Ensuite, nous pouvons constater des maladresses delangues venant du personnage de Noémi : elle dit avoir lu « sur la géo » ligne 9, et non « en géo » ; on voit aussides expressions étranges comme « ça crevait l’écran » à la ligne 16, « la mer faisait vivant », où l’adjectif n’est pasaccordé au mot qui s’y rapporte.

Encore une fois, ces maladresses appellent le lecteur à imaginer une enfantoriginale, qui se plait à jouer avec la langue pour la façonner à sa guise.

A ces maladresses sont opposées desimages fortes et poétiques, notamment à la ligne 19, où les larmes de la mère de Noémi sont associées à « desflaques sur une terre noire » ou encore l’expression peu ordinaire à la ligne 7 « les conversations roulaient sur lepassé ».

Cette opposition rappelle que Noémi ne commet pas des maladresses que l’on pourrait retrouver chez lesenfants de son âge : le personnage connait la langue, et elle en joue pour rendre la forme de son récit singulière.

Ily a une analogie entre la manière dont Noémi trouve et recycle les objets et celle dont elle utilise les mots pourtrouver des tournures de phrases originales.

On peut relever toutes les « trouvailles » de Noemi à la Décharge deslignes 10 à 14, et se rendre compte qu’elle les transforme toutes à sa bonne utilité: « pneus dans lesquels on setaillait des semelles, casseroles qu’on décabossait, boites à cirage qui faisaient des dinettes […] ».

De la mêmemanière on peut relever des « trouvailles » verbales dans cet extrait comme par exemple : « j’ai lu sur la géo » (l.9),« quand on est entrées dans elle » (l.16), « elle m’étrangeait » (l.27), et « je me racontais » (l.30).. »

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