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BECKFORD William : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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BECKFORD William (1760-1844). William Beckford est un des rares écrivains anglais d'expression française et sans doute, avec Beckett, le meilleur. Son chef-d’œuvre, Vathek (1782), « conte oriental » écrit en français, s’inscrit dans la tradition des Mille et Une Nuits; peut-être son exotisme barbare procède-t-il également de la mode néogothique qui saisit l’Angleterre à la fin du xvine siècle.

 

L'orient et le gothique

 

Orphelin de père, élevé par une mère puritaine et possessive, héritier d’une immense fortune coloniale, William Beckford s’évade dès l'enfance dans d'innombrables lectures : récits de voyages, contes orientaux, histoires exotiques et cruelles. Bientôt, il voyage pour de vrai, notamment en Suisse; les sites alpins lui inspirent sa première œuvre, the Long Story (1777). Il fait également de longs séjours à Fonthill, l’austère demeure familiale, et la nuit, au clair de lune, rêve de devenir un nouvel Ossian. Quatre ans plus tard, à Noël 1781, cloîtré à Fonthill avec un groupe d’amis, Beckford met en scène pendant trois jours une sorte de messe gothiqjie avec musiciens, brasiers, ombres jouant sur les murs de gran

 

des salles emplies de trésors. « Je composai Vathek, écrit-il, aussitôt après mon retour en ville, entièrement sous l’empire de ce qui s’était passé à Fonthill. Je l’ai écrit dans une seule séance et en français, et cela m’a coûté trois jours et deux nuits de grand travail ». En fait, il fallut encore cinq mois pour que l’œuvre fût totalement achevée (mai 1782).

 

Rejeté par sa famille pour sa vie scandaleuse (des liaisons homosexuelles, malgré deux mariages successifs), Beckford séjourne de plus en plus souvent à l’étranger. Commence alors l’affaire du Vathek anglais. Il confie en effet la traduction de son conte à un certain Samuel Henley, professeur d’histoire orientale. Quatre ans plus tard, ayant achevé son travail et ajouté un copieux apparat critique, Henley publie en 1786 à Londres un Vathek en anglais, qu’il présente comme un conte arabe authentique, découvert, traduit et annoté par ses soins. Beckford réplique en publiant dès 1787 son Vathek en français, l’original. A Londres, la supercherie de Henley ne trompa guère; néanmoins, le Vathek anglais connut un vif succès d’estime. Beckford donnera une suite à son conte, toujours en français, sous le titre d’Épisodes.

« Mais la grande affaire de la vie de Beckford, c'est l'architecture néo-gothique.

Il fait démolir Fonthill et construire à sa place une abb aye en ruine où seuls auraient résisté au temps le réfectoire, le dortoir et le cloître.

Il ajoute bientôt une tour de quatre-vingt-dix mètres de haut et s'installe, avec ses trésors, ses collec­ tions et ses livres, dans son domaine ainsi « goth ici sé ».

En 1822, pourtant, Fonthill est vendu; trois ans plus tard, la tour s'effondre.

Il ne reste rien aujourd'hui de cet édifice.

Beckford s'installe alors dans un autre domaine, lui aussi surmonté d'une tour: Landsdown Tower, qu'il quitte fréquemment pour sillonner l'Europe, d'où il rap­ porte de nombreuses relations de voyages (Italy with Sketches of Spain and Portugal, 1834).

Il meurt à Bath en 1844.

OJ Vathek, un itinéraire symbolique L'histoire de Vathek, calife de Samarah, est un des romans les plus étranges et les plus difficiles à classer du xvm• siècle.

Conte arabe, geste héroïque, confession voilée, pamphlet antireligieux sous couvert d'exotisme, autant de lectures possibles.

Au fil des épisodes alternent les scènes de farce, de sadisme; des descriptions contras­ tées, ici de somptueux palais orientaux, là de paysages désertiques au-delà du Tigre.

Soudain, le conte rompt avec ce qui n'est finalement qu'une turquerie conven­ tionnelle.

Les vingt dernières pages du récit, d'une écri­ ture millonienne (mais on pense aussi au Manuscrit trouvé à Saragosse, de Jan Potocki), font apparaître « en un final grandiose » (Mallarmé) et fantastique le domaine souterrain d'Eblis : lieu enchanté où les auda­ cieux, après avoir un instant accédé à la connaissance suprême, aux talismans et aux secrets de la kabbale, deviennent bientôt des damnés au regard phosphores­ cent, errant dans d'immenses salles et des corridors pareils à ceux de Fonthill...

Beckford a découvert les personnages de Vathek dans les ouvrages savants de Barthélemy d'Herbelot (Biblio­ thèque orientale, 1697) : en particulier, la figure sangui­ naire du calife Vathek, et celle de Carathis, son impi­ toyable mère.

C'est encore chez d'Herbelot qu'il trouve Samarah, petite ville de l'actuel Irak, dominée par la légendaire tour de Nemrod.

Beckford accuse les traits relevés par d 'Herbelot et introduit le merveilleux dans l'histoire déjà légendaire : il imagine en effet le person­ nage du Giaour, tour à tour vieillard miséreux, boule de feu ou voix venue des entrailles de la terre, envoyé par Allah pour éprouver et mesurer 1 'orgueil et la cruauté de Vathek.

Vathek se présente comme un récit de voyage : une e xpé dit io n partie de Samarah.

sa capitale, mènera le calife jusqu'à lshtakar.

l'antique Persépolis.

Entraîné d'abord à commettre différents crimes par le Giaour tentateur.

Vathek s'arrête en chemin chez un pieux émir.

dont il enlève la fille, Nouronihar.

sur le point d'épouser son fiancé Gulchenrouz.

Arrivé enfin à lshta ka r.

Vathek est attendu par le Giaour devant le portail fabuleux du temple d'Eblis.

où il pénètre pour être.

après un instant d'illumination.

condamné à perdre « le don le plus précieux du ciel : l'espé­ rance ».

Ce voyage, conté avec un réalisme minutieux.

com­ porte une évidente signification symbolique : l'itinéraire de Vathek est celui qui conduit à la damnation un homme possédé du désir de jouir et de savoir.

Mais Vathek est aussi cet esprit libre et hau tai n qui défie les dieux.

exècre la religion abê tissa nte du père de Nouronihar.

méprise la servilité de ses sujets, victimes trop complaisantes de sa cruauté; le héros « en proie au mal d'un destin supérieur» (Mallarmé).

qui re je tt e une morale étroite et vile dans un monde où la force d'âme est punie par la solitude et le désespoir.

Quant à Gulchenrouz, le fiancé de Nouronihar.

il n'est que douceur et pureté mais sa mollesse le destine au vide d'une existence sans passions.

au néant d'une ombre qui vit la vie d'un mort.

BIBLIOGRAPHIE Vathek es t réédité en Garnier-Flammarion ( 1982).

A consul­ ter : A.

P arreau x, William Beckford, Nizet, 1960; Bernard S ic h ère, Je, William Beckford, Paris, Denoël, 1984.

M.-A.

DE BEAUMARCHAIS. »

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