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Bernard Préel, L'état de la France et ses habitants

Publié le 11/01/2020

Extrait du document

Loisirs

Avec les réseaux et les téléservices, la maison est devenue la première salle de spectacle, le plus grand centre culturel. Dans le budget que les Français consacrent à leurs loisirs, 70 % des dépenses vont aux «loisirs du dedans». Les nouvelles technologies nous annoncent que «c’est déjà demain» : des aventures superbes au British Muséum, aux Maldives ou au carnaval de Venise nous sont promises depuis notre canapé. Si les séjours raccourcissent, il y en a un qui devient envahissant : le séjour dans la salle de séjour. Et, le passe-temps favori, c’est le loisir posté.

La télé bat le travail ! On peut évaluer le temps total passé par les Français devant- leur télé à plus de 50 milliards d’heures, soit sensiblement plus qu’au travail professionnel. Incontestablement, le “loisir posté» aura été avec l’automobile la grande mutation des dernières décennies. À lui seul, il aura épongé la majeure partie du temps libéré grâce aux efforts de productivité : entre les deux tiers et les quatre cinquièmes durant les vingt dernières années.

Même segmentés en dix-huit catégories, les Français se rejoignent sur un point remarquable : ils passent toujours 40 % de l’ensemble de leur temps libre à regarder le petit écran. Et bien sûr, comme tout le monde ne dispose pas d’un volume identique de temps libre annuel (certains ont plus de deux mille heures, d’autres moins de mille), chacun ne sacrifie pas également au rituel cathodique : à un extrême, on trouve les hommes âgés et inactifs (11 % du temps de vie) ; et à l’autre, les prisonniers du boulot, les femmes actives d’âge mûr (5 % du temps de vie).

Dans ces conditions, il est troublant que la pratique de la télévision ne soit pas perçue comme un loisir. Comment se fait-il qu’interrogés sur ce qu’ils font le soir, les jeunes chômeurs répondent généralement : «On ne fait rien, on regarde la télé» ? Ou bien que, dans les questions ouvertes posées sur les loisirs, les Français ne soient que 3 % à citer la télé ? La télé ne serait-elle qu’un loisir par défaut, un interlude meublant le vide, le prototype du passe-temps idéal : on ne fait rien sans sombrer pour autant dans l’ennui, ni dans l’angoisse ?

Le «terrorisme intellectuel», le discours antitélé des beaux esprits (les premiers pourtant à se précipiter pour battre cette estrade-là) ne suffisent pas à expliquer notre inconscience. Or, celle-ci, en creux, désigne ce qui constitue «le vrai loisir». La télé pâtit d’une triple défaillance. Elle est si bon marché, quasiment gratuite, qu’elle ne donne pas le sentiment de «se payer du bon temps», d’être la récompense légitime réservée à ceux qui dépensent comme ils veulent ce qu’ils ont gagné. Ensuite, elle n’est pas perçue comme une activité : elle est tout à la fois trop passive et trop habituelle. Enfin, prototype de la consommation domestique, elle n’a pas l'aura d’une pratique socialisée ; elle apparaît même comme une activité de consolation.

Le raz de marée télévisuel n’a pas tout emporté sur son passage, ni transformé les rues en désert. Au cours des vingt dernières années, le second rang des activités de loisir revient, si l’on en croit l’INSEE, aux sorties : «Inviter des parents ou des amis pour un repas au moins une fois par mois» se classe après l’indélogeable télé avec 64 % de suffrages et une augmentation de 25 points. «Sortir le soir au moins une fois par mois» réalise aussi un bon score à 48 % et gagne pratiquement un point par an. Une enquête du BIPE (Bureau d’information et de précision économique) témoignait d’un mouvement porté par les leaders : les jeunes, les catégories supérieures, les femmes-cadres, les hauts revenus forment le bataillon des sortants et ne sont pas décidés à sacrifier la vie au dehors.

Bernard Préel, L'état de la France et ses habitants, Éditions de La Découverte, pp. 104-105, 1989.

Parties du programme abordées :

- Le xxe siècle.

- Les médias.

- Les loisirs (cinéma, sport, etc.).

Analyse du sujet :

- Thèmes : - Les relations de nos contemporains avec la télévision.

- La définition du » vrai loisir ».

- Points d'histoire littéraire : La discussion fait peu appel explicitement aux références littéraires : néanmoins, à propos des « loisirs », on pourra faire appel à des domaines plus « culturels » (théâtre, cinéma, musique).

Conseils pratiques : Le résumé est assez simple : il ne faut pas se laisser impressionner par les nombreux chiffres et l’usage des statistiques ; on peut conserver le ton, assez familier, du texte.

La discussion fait appel aux impressions, aux goûts personnels : il faut jouer le jeu... Cela dit, il est bon aussi, pour « nourrir » le devoir, d’envisager d’autres formes de loisirs (liées aux « sorties »

- ce que suggère le texte).

Nature du sujet : classique

Difficulté du sujet : *

D’après l’auteur de ce texte, «La maison est devenue la première salle de spectacle». Votre expérience confirme-t-elle les données statistiques ou avez-vous une autre conception des loisirs ? Vous présenterez vos idées dans une réflexion structurée en vous référant à des exemples précis.

« Session de juin 199 J ~~~~--~~~~~~~~~~.~~~~~ sont promises depuis notre canapé.

Si les séjours raccourcissent, il y en a un qui devient envahissant : le séjour dans la salle de séjour.

Et, le passe-temps favori, c'est le loisir posté.

La télé bat le travail ! On peut évaluer le temps total passé par les Français devant leur télé à plus de 50 milliards d'heures, soit sensiblement plus qu'au travail professionnel.

Incontestablement, le "loisir posté" aura été avec l'automobile la grande mutation des dernières décennies.

À lui seul, il aura épongé la majeure partie du temps libéré grâce aux efforts de productivité : entre les deux tiers et les quatre cinquièmes durant les vingt dernières années.

Même segmentés en dix-huit catégories, les Français se rejoi­ gnent sur un point remarquable : ils passent toujours 40 % de l'ensemble de leur temps libre à regarder le petit écran.

Et bien sûr, comme tout le monde ne dispose pas d'un volume identique de temps libre annuel (certains ont plus de deux mille heures, d'autres moins de mille), chacun ne sacrifie pas également au rituel catho­ dique : à un on trouve les hommes âgés et inactifs (11 % du temps de vie) ; et à l'autre, les prisonniers du boulot, les femmes actives d'âge mûr (5 % du temps de vie).

Dans ces conditions, il est troublant que la pratique de la télé­ vision ne soit pas perçue comme un loisir.

Comment se fait-il qu'interrogés sur ce qu'ils font le soir, les jeunes chômeurs répondent généralement : "On ne fait rien, on regarde la télé" ? Ou bien que, dans les questions ouve1tes posées sur les loisirs, les Français ne soient que 3 % à citer la télé ? La télé ne serait-elle qu'un loisir par défaut, un interlude meublant le vide, le proto­ type du passe-temps idéal : on ne fait rien sans sombrer pour autant dans l'ennui, ni dans l'angoisse? Le "terrorisme intellectuel'" le discours antitélé des beaux esprits (les premiers pourtant à se précipiter pour battre cette estrade-là) ne suffisent pas à expliquer notre inconscience.

Or, celle-ci, en creux, désigne ce qui constitue "le vrai loisir ...

La télé pâtit d'une triple défaillance.

Elle est si bon marché, quasiment gratuite, qu'elle ne donne pas le sentiment de "se payer du bon temps", d'être la récompense légitime réservée à ceux qui dépen­ sent comme ils veulent ce qu'ils ont gagné.

Ensuite, elle n'est pas perçue comme une activité : elle est tout à la fois trop passive et 42. »

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