BOIGNE Charlotte Adélaïde : sa vie et son oeuvre

BOIGNE Charlotte Adélaïde (« Adèle ») d'Os-mond, comtesse de (1781-1866). Femme de lettres française. Née à Versailles dans une famille d'ancienne noblesse, d’un père militaire puis diplomate et d’une mère dame d’honneur à la Cour, elle quitte la France en 1791, réside en Italie et passe plusieurs années en Angleterre dans les milieux de l’émigration. Elle épouse en 1798 Benoit Leborgne, dit le comte de Boigne, soldat de fortune enrichi aux Indes. Rentrée en 1804, elle se tient dans une opposition modérée à l’Empire. A partir de la Restauration (mis à part quelques séjours à l’étranger), son salon deviendra l’un des plus brillants de Paris : on y verra Lamartine, Sainte-Beuve, Guizot, le chancelier Pasquier, Molé, et la haute aristocratie; elle est l’amie de Chateaubriand, de Mme Récamier. Le métier d’hôtesse lui laisse le temps d’écrire des romans, la Maréchale d’Aubemer — où elle définit, au passage, les ingrédients propres à la « conversation » réussie : « des gens distingués, mêlés à quelques savants et à une certaine proportion de femmes et de personnes un peu futiles mais intelligentes » — et Une passion dans le grand monde (1866); mais surtout, dès 1835, ses Mémoires, recueil de souvenirs allègrement contés et de réflexions morales ou politiques sur la période s’étendant du règne de Louis XVI à 1848. Le texte ne sera publié qu’en 1907.

Mme de Boigne n’entend pas faire œuvre d’historien, n’ayant, dit-elle, « consulté aucun document ». D’où la liberté de trait, la vivacité des portraits et des scènes, choisis pour leur signification symbolique et leur valeur exemplaire. La distance rétrospective conduit cette royaliste sincère, qui, avant de prendre la plume, a vécu 1830 et tient Charles X pour le fossoyeur de la monarchie, à juger sévèrement l’« esprit de parti » et la légèreté des émigrés; à corriger, dans son tableau de la Révolution, le dégoût par l'humour