BOURGET Paul : sa vie et son oeuvre
Publié le 18/11/2018
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«
Du
dilettantisme au conformisme
lssu de la bourgeoisie amiénoise intellectuelle, Bour
get connut une enfance provinciale, studieuse et trop
sensible, dont le souvenir persiste dans plusieurs de ses
romans.
A Paris, où, étudiant en lettres, il assista aux
événements de la Commune et pencha un temps du côté
des fédérés, il n'allait pas tarder à débuter dans la car
rière d'écrivain : comme poète d'abord, avec la Vie
inquiète (1875), à la manière de Coppée, Ede/ (1878),
poème réaliste.
et Les A veux (1882), à la 1 isière du
symbolisme -trois recueils qui le montraient attentif
aux tendances de son temps et lui valurent des succès
d'estime.
Tout en collaborant à diverses revues, le voilà
ainsi, jeune dandy élégant et inquiet, épris de dilettan
tisme et de voyages (Angleterre, Italie), introduit dans
les milieux littéraires et les salons de la haute finance.
Les Essais de psychologie contemporaine (1883,
1885), série d'etudes critiques consacrées aux écrivains
majeurs de l'époque, révélèrent l'intelligence aiguë qu'il
avait de la sensibilité moderne et firent de lui le chef de
file de sa génération.
Mais ce fut surtout dans Je domaine
romanesque qu'il choisit d'appliquer so� talent d'ana
lyste: il donna coup sur coup Cruelle Enigme (1885),
Un crime d'amour (1886), André Cornélis (1887), Men
songes ( 1887), romans psychologiques qui assurèrent, en
même temps que sa renommée, un certain renouvelle
ment de la littérature postnaturaliste.
Le Disciple (1889),
où s'affirmaient des préoccupations d'ordre moral, mar
qua dans cette production une étape importante.
Les nombreux voyages qu'il continuait à entreprendre
donnèrent matière à quelques livres : recueils d'im
pressions ou de nouvelles -Sensations d'Italie ( 1891 );
Voyageuses (1897) -, ou réflexions de plus en plus
traditionalistes -Cosmopolis ( 1892), étude romancée et
critique des mœurs cosmopolit�s, et Outre-Mer (1895),
reportage sur son voyage aux Etats-Unis dans lequel il
conclut en faveur de la monarchie.
Élu à l'Académie française en 1894, Bourget est anti
dreyfusard, se proclame maurrassien, avant çle se conver
tir au catholicisme ( 1901).
Ses romans -l'Etape (1902);
Un divorce (1904); l'Émigré (1907)-lui servent désor
mais à défendre une idéologie étroitement nationaliste,
royaliste et catholique, de même que ses essais -Pages
de critique et de doctrine -ou ses pièces de théâtre : la
Barricade (1910); le Tribun (1911).
Bien que son pres
tige reste grand dans les milieux conservateurs et que son
œuvre romane�que continue à s'accroître régulièrement
pendant les années de guerre et d'après-guerre -le
Démon de midi ( 1914 ); le Sens de la mort (1915); Nos
actes nous suivent ( 1927) -, ses créations se figent dans
trop de conventions et de partis pris contestables, son
public se restreint, et l'écart irrémédiablement se creuse
entre le romander et son temps [voir Di\NDYSME).
Un cc moderne ,.
Moderne, Bourget Je fut, autour des années 1880,
quand la modernité avait nom «décadence», et qu'il
tentait de l'analyser dans ses Essais et Nouveaux Essais
de psychologie contemporaine [voir DÉCADENCE).
Car, en étudiant l'un après l'autre les écrivains qu'il
s'était choisis pour maîtres, le jeune critique entendait
moins s'occuper d'esthétique que déceler à travers leur
œuvre la sensibilité individuelle qui s'y exprimait, puis
faire l'inventaire de cet «héritage d'idées et d'émo
tions», dont l'influence ne pouvait que marquer le lec
teur contemporain.
« La littérature est une psychologie
vivante », disait Taine, et Bourget pensait y appréhender
les symptômes du malaise général propre à cette fin de
siècle.
BOURGET
De Baudelaire, considéré comme le poète exemplaire
de la décadence, du spleen et de l'artifice, à Amie!, type
extrême du mal de vivre, en passant par Renan, Flaubert,
Taine, Stendhal..., la double série d'études s'articule sur
quelques thèmes récurrents: le pessimisme qui règne
en maître; l'abus de l'esprit d'analyse, d'où découlent
impuissance, dessèchement ou douloureux dédouble
ment; le cosmopolitisme, qui, par le heurt de différentes
cultures, ajoute aux contradictions personnelles...
Le
dilettantisme d'un Renan, « art de transformer le scepti
cisme en instrument de jouissance », apparaît comme un
possible recours, tandis que Stendhal est redécouvert, si
proche par son égotisme lucide, si dissemblable par son
goût de l'énergie, et que l'évocation d'Amie!, dans sa
multiplicité contradictoire et son incapacité à concevoir
aucune réalité positive, débouche sur celle d 'Harnlet.
Hamlet, figure emblématique de cette génération d'ana
lystes inquiets et impuissants, pour qui le rêve est préfé
rable à la vie ...
Constat compréhensif et souvent pénétrant, qui n'en
inclut pas moins quelques prises de position déjà conser
vatrices contre la science ou la démocratie, les Essais
s'achèvent sur des interrogations sans réponse, et toute
une jeunesse intellectuelle, sensible à ces analyses et à
ce questionnement, en fit son livre de référence.
Les ambiguïtés du roman psychologique
Pour Bourget, admirateur de Stendhal, de Constant,
mais aussi de Balzac, l'écriture romanesque se fonde
d'abord sur une opposition au naturalisme -tant sont
manifestes, à ses yeux, les insuffisances de cette école
déclinante en matière de psychologie des personnages;
c'est donc, par-delà les romans de mœurs, avec la lignée
du roman d'analyse qu'il souhaite renouer.
Mais son souci d'expliquer sentiments et caractères
en intégrant les développements théoriques les plus
récents -notion d'inconscient révélée par Hartmann,
nouvelle psychologie de Ribot sur la multiplicité de la
personne, positivisme, déterministe et associationniste,
de son maître Taine-n'aide pas forcément à la création
romanesque : en dépit de leurs cas de conscience et de
leurs contradictions, ses personnages n'ont guère
d'épaisseur, et l'analyse aboutit à des raffinements
superficiels, sans parvenir à suggérer une profondeur, et
moins encore une liberté.
D'autant que Bourget succombe aux conventions du
roman idéaliste: ce ne sont qu'aristocrates ou grands
bourgeois assez oisifs pour s'offrir le luxe de problèmes
psychologiques, s'abandonnant aux passions ilLégitimes,
aux drames familiaux ou à l'avilissement de la vie mon
daine.
Égarements du cœur et désarrois de l'âme, qui,
sous prétexte d'études-fort pessimistes -de patholo
gie sociale, semblent décrits avec quelque complai
sance ...
, ce qui n'était pas pour déplaire au public
féminin.
Et cet acquiescement aux valeurs établies, au règne
de l'argent, n'indique-t-il pas que le recours au roman
psychologique correspond à un refus délibéré de penser
le problème social? Le choix d'une fiction où la maladie
psychologique reste affaire individuelle, et dans une
classe bien limitée, n'est pas un choix innocent.
CO L'auteur du Disciple
Rien d'étonnant à ce que le Disciple reste le livre le
plus connu de Bourget : il fit date dans son évolution
personnelle comme dans la vie intellectuelle de cette fin
de siècle, où il ouvrit un véritable débat sur la responsa
bilité morale de 1 'écrivain.
A travers la sombre histoire
de Robert Greslou, fervent lecteur du philosophe Sixte,
il s'agissait de dénoncer l'influence néfaste de la pensée.
»
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