CHAMPIER Symphorien : sa vie et son oeuvre
Publié le 20/11/2018
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CHAMPIER Symphorien (1472-1539). Médecin, philosophe et chroniqueur lyonnais, originaire de Saint-Symphorien, Champier a eu toute sa vie le souci de se poser socialement, et il a usé de toutes les variations possibles de son nom pour se rattacher à des familles nobles — italiennes comprises. Il avait commencé par louer Louis XII (1509) et le duc de Lorraine (1510), qui l’arma chevalier sur le champ de bataille de Marignan, où il arrivait comme médecin, ayant exercé à Lyon d’abord, puis à Nancy. Profitant de la victoire française, il se fait admettre à la très célèbre université de médecine de Pavie, qu’il quitte derrière l’armée française. Une grande partie de sa vie s’écoule à Lyon, dont il fait souvent l’éloge et qui le lui rendit bien (il est plusieurs fois élu consul), mais dont la révolte populaire de la grande rébeyne (1529) l’éloigne momentanément : la Rébeyne, récit des faits survenus pendant cette émeute, du sac des maisons bourgeoises — dont la sienne —, de la répression et des projets charitables pour remédier à la crise, est certainement le texte le plus vivant qu’il ait écrit en français.
Une grande partie de son œuvre loue la noblesse et cet Ordre de chevalerie qui fut son ambition. Cousin, grâce à son mariage, du chevalier Bayard, anobli par le contrecoup de tant d’honneur et de bravoure, il écrivit,
«
assez
platement, la vie de son illustre parent (1525); ce
fut un grand succès, qui contribua à la popularité de ce
héros.
Mais Champier est avant tout médecin.
Il a, dans
ce domaine, peu déplacé les grands centres d'intérêt de la
médecine médiévale, dont il a plutôt été un vulgarisateur
abondant (une cinquantaine de textes.
plus ou moins
concis, sont déjà écrits en 1533, dont la Rosa Gal/ica de
1512).
Cependant, cet homme formé à Montpellier dans
la médecine arabe est peu à peu entré dans les débats
médicaux de son temps, glissant à une critique des Ara
bes après avoir préféré toutes les conciliations ( « Sym
phonies >> de Platon et d'Aristote, de Galien et d'Hippo
crate, en 1514: de Celse et d'Avicenne, vers 1530).
Tardivement, le Mirrouel des appothicaires attaque vio
lemment la pharmacopée arabe et ses apprentis sorciers,
au profit de 1 'herboristerie française (Hostus Ga/lieus,
1533).
De fait, Champier était surtout soucieux d'aligner
la médecine française sur la nouvelle médecine italienne,
de défendre son idée d'un médecin humaniste et chrétien
et d'établir le statut de la profession.
Cet idéal ne l'a pas
mis à l'abri des plaisanteries de Rabelais, auquel il
offrait des titres inspirés des rhétoriqueurs: à peine le
Campi clystenorum («les Champs des clystères>>,
1528), le Mirrouel des appothicaires et les Luneues des
cyrurgiens ( 1531-1532) ont paru, que celui-ci les ajoute
à sa bibliothèque grotesque du Pantagruel (VIl}, les
métamorphosant en « Tirepet des apothécaires >> et
« Baisecul de chirurgie>>.
Rabelais avait sans doute
apprécié aussi le Duellum medicinale, où cœur et cerveau
se livrent un combat homérique pour la direction du
corps humain; le cerveau l'emporte sur le cœur- c'est
à-dire Galien sur Aristote.
Champier possédait par ailleurs des curiosités bien
respectables, et il a fait figure de précurseur pour l'intro
duction des idées platoniciennes florentines en France,
et tout particuli�rement à Lyon, où elles allaient se déve
lopper à la suitt� de son De quadruplici vit a ( 1507), ins
piré de Marsile Ficin, ou de la Nef des dames vertueuses
( 1503) : ce dernier recueil contient en effet un Livre
de v raye amou,·, qui est, en fait, une reprise d'histoires
allégoriques et morales (tirées des Italiens, en particulier
de Boccace) et qui allait lier pour plusieurs années la
querelle des Femmes aux thèses néo-platoniciennes [voir
QUERELLEDESFE.MMES].
S'il se montrait ici favorable aux
femmes, il ne 1 'avait pourtant guère été dans la Nef des
princes, qui l'avait immédiatement précédé, défendant
ainsi successivement, à la manière médiévale, le pro
et contra.
Aucune contradiction à cela : son souci de
moraliste chrér.en est avant tout de prôner la famille et
le mariage, à un moment où l'idée de la réforme évangé-
1 ique est dans l'air.
Et Champier est proche de Lefèvre
d'Etaples.
Ce touche-à-tout se double encore d'un pédagogue,
non seulement par la nature de ses publications (son
Régime d'un jeune prince par�ît quatorze ans avant 1 'Ins
titution du prin :·e chrétien d'Erasme), mais encore parce
qu'il use de son autorité pour fonder à Lyon le fameux
collège humaniste de la Trinité, où il a mis en place les
meilleurs spécialistes ( 1527).
Le bouillonnement confus
des curiosités médicales, religieuses et philosophiques,
morales, historiques et archéologiques, pourrait faire
croire à une simplicité brouillonne, si Champier n'avait
été, par ailleurs, un homme averti, un politique habile,
enfin une sorte de parvenu solide à l'intuition certaine.
(Voir aussi HUMANlSME].
BIBLIOGRAPHIE Parmi les très nombreux ouvrages de Champier.
certains ont
f a it l'obje t de publications au xrx• siècle.
notamment une partie
de la Nef des princes : Cy commence ung petit livre intitulé la
Mafice des femmes, Paris, 1879.
J.-B.
Wadsworth a édité et
donné une int ro d·; ction importante à un des textes de la Nef des
dames, le Livre de vraye amour.
La Haye, Mouton, 1962.
La
principale étude sur Champier est celle de M.-P.
Allut:
Étude biographique et bibliographique sur S.
Champier, Paris,
1859.
Elle contient de nombreux petits textes de Champier, dont
l'Antiquité de la cité de Lyon (avec la Rébeyne), p.
337-372.
l'Ordre de chevalerie, p.
267-320, Cy commence ung petit livre
du Royaulme des Allobroges, p.
387-420.
Champier médecin a été étu dié par V.-L.
Saulnier, dans
« Lyon et la médecine ».
Revue lyonnaise de médecine, 1958.
ct par Jacques Roger.
« l'Humanisme médical de Symphorien
Cham pie r», dans l'Humanisme .français au déb lll de la Renais
sance, Actes du XIV< colloque international de Toms, P ari s,
V rin , 19 73 .
Le platonisme de Symphorien Champier a été étudié par Mar
garet L.
Holmes.
dans l'ouvrage collectif Cinq Études lyonnai·
ses, Droz, 1966, p.
27-54.
et par Giovanni Tracconaglia, Femmi
nismo e platonismo in 1111 libro raro del 1503: « la Nef des
dames », de Symphorien Champier, Lodi.
19 28 .
Françoise Joukovsky.
le Regard int érie u r.
izet.
1982; St11di
di Letteratura Francese.
V.
Olschki, 1979.
17-24.
Voir aussi
dans Colloque sur l'Humanisme lyonnais.
P.U.L., 1974, les arti
cles deR.
Dubuis.
J.
Roger et R.
Antonioli.
M.-M.
FONTAINE.
»
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