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COCTEAU Jean Maurice Eugène Clément : sa vie et son oeuvre

Publié le 22/11/2018

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cocteau

COCTEAU Jean Maurice Eugène Clément (1889-1963). Plus encore que polygraphe, Cocteau peut paraître un « touche-à-tout » : théâtre, critique, romans, dessin, décoration, chorégraphie..., il y a peu de genres où il ne se soit illustré. Pourtant, si c’est l’ambition poétique qui semble dominer son œuvre, certains pensent que celle-ci ne s’est pleinement réalisée qu'au cinéma, où l’on se plaît à reconnaître, notamment dans le cycle d’Orphée, un heureux équilibre dans l’exploitation des mythes traditionnels et des ressources du modernisme le plus provocateur.

 

« Enfant gâté du siècle » (Pierre de Boisdeffre), Jean Cocteau donne toujours l’impression, par sa facilité, sa rapidité, la multiplicité d’une œuvre brillante, d’avoir bénéficié de dons inhabituels qu’on serait tenté de lui reprocher. Mais c’est oublier ce que la désinvolture apparente doit à la fascination de la mort, ce que le badinage de la Belle Époque doit à la peur d’une catastrophe mondiale, c’est oublier la nécessité d’exorciser les guerres, la Gestapo, la torture. La mort — et ce n’est pas seulement une allégorie héritée du surréalisme — est omniprésente dans l’œuvre de Cocteau.

 

Le jeu de la vie

 

La vie de Cocteau est un jeu, un jeu sérieux comme toutes les occupations des enfants, qui débute à Maisons-Laffitte onze ans avant la fin du siècle, mène le poète du cabaret du Bœuf sur le Toit à l’Académie française, le fait participer aux acrobaties aériennes de Roland Garros, traverser la Grande Guerre en échappant à la mort, passer par la singularité, les scandales artistiques, les vanités mondaines, un tour du globe et mourir à Milly-la-Forêt le même jour qu’Édith Piaf, le 11 octobre 1963.

 

A la mort de son père, en 1899, Jean Cocteau se trouve installé avec sa mère, son frère et sa sœur, rue La Bruyère, à Paris. Il fréquente assidûment le théâtre — plus que l’école Condorcet, d'où il est renvoyé, pour

 

indiscipline, en 1904. Il fait la connaissance, en 1908, du comédien Édouard de Max, qui organise une audition de ses premiers poèmes, puis il fonde la luxueuse revue Schéhérazade, se lie avec les musiciens du futur groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Germaine Tailleferre) et fréquente l’avant-garde musicale (Erik Satie), chorégraphique (les ballets russes de Diaghilev) et picturale de la capitale. La première de Parade, sur une musique de Satie (1917), déclenche un violent scandale et lui apporte la gloire. Avec des arguments chorégraphiques, Cocteau travaille pour Milhaud (le Bœuf sur le toit, 1920), Honegger (Antigone, 1921) et le groupe des Six (les Mariés de la tour Eiffel, 1921). A la mort de Raymond Radiguet (1923), Cocteau abuse de la drogue et doit entreprendre une cure de désintoxication (cf. Opium, publié en 1930). Il s’achemine vers la guérison dans le même temps qu’il entretient une correspondance spirituelle — où on le voit très près de la conversion — avec Jacques Maritain. La pièce Orphée est créée par la compagnie Pitoëff (1926); les Enfants terribles sont rédigés en dix-sept jours, à la clinique (1925). La Voix humaine est lue à la Comédie-Française (1930), et le premier film de Cocteau, le Sang d'un poète (1930), est projeté en 1932 grâce au mécénat du comte de Noailles. Gravement malade, il écrit à Toulon la Machine infernale (1933), pièce œdipienne qui est créée en 1934 par Louis Jouvet. A la suite d'un pari, il entreprend un « tour du monde en 80 jours » (1936). A son retour, il monte Œdipe roi (1937) et écrit les Parents terribles (1938) qui rencontrent un succès de scandale. De cette période datent de nombreux recueils de poèmes (Poésie 1916-1923, 1923; Escales, avec André Lhote, 1920; la Rose de François, 1923; Cri écrit, 1925; Prière mutilée, 1925; Opéra, 1927; Mythologie, avec Giorgio De Chirico, 1935), l’essentiel des « romans », récits limpides et concis, admirablement construits (Thomas l'imposteur, 1923; le Grand Écart, 1923; le Potomak, 1924; le Livre blanc, 1928; les Enfants terribles, 1925) et nombre d’essais ou de textes critiques (le Rappel à l'ordre, 1926; Lettre à Jacques Maritain, 1926; Une entrevue sur la critique, 1929; Opium, 1930; Essai de critique indirecte, 1932; Portraits-souvenirs, 1935; Mon premier voyage, 1937). Au théâtre, Cocteau avait déjà écrit les Mariés de la tour Eiffel (1921), Antigone (1922), Roméo et Juliette (1924); à l’époque d’Œdipe et des Parents terribles, il donne deux pièces moins connues, les Chevaliers de la Table ronde (1937) et l'École des veuves (1936). Simultanément, son activité picturale et graphique donne lieu à de nombreuses publications (Dessins, 1923; le Mystère de Jean l'Oiseleur, 1925; Maison de santé, 1926; Portraits d'un dormeur, 1929), souvent des illustrations pour les textes de l'auteur (Dessins pour les Enfants terribles, 1935; Dessins pour les Chevaliers de la Table ronde, 1934), tandis que de nouveaux arguments chorégraphiques (Œdipus Rex, pour Stravinski, 1927; le Pauvre Matelot, pour Milhaud, 1927) s’ajoutent à ceux de 1920-21.

 

Des vacances à Saint-Tropez, avec Jean Marais, sont interrompues par la guerre. En 1940 paraît la Fin du Potomak (« roman ») et, au théâtre, sont créés les Monstres sacrés et le Bel Indifférent (écrit pour Édith Piaf), suivi, en 1943, de Renaud et Armide, puis, en 1946, de l'Aigle à deux têtes, au théâtre Hébertot.

 

Entre-temps Cocteau travaille beaucoup pour le cinéma : par des scénarios (la Comédie du bonheur, réalisé par Marcel L’Herbier, 1942; le Baron fantôme, réalisé par Serge de Poligny, 1943, qui n’ajoutent rien à sa gloire, alors que l'Éternel Retour, de Jean Delannoy, en 1943, et surtout les admirables Dames du bois de Boulogne, tiré d’un passage de Diderot et réalisé par Robert Bresson en 1945, manifestent une inspiration digne de l’écrivain); par la réalisation complète de la Belle et la Bête, 1945, dont le tournage est commenté avec esprit et lucidité dans la Belle et la Bête (journal d’un film, 1946). Puis ce sont les scénarios de Ruy Blas (1947, réalisé par Pierre Billon), de l'Aigle à deux têtes (1947), du superbe la Voix humaine de Rossellini avec Anna Magnani (1947) et une version théâtrale, merveilleusement interprétée, des Parents terribles (1948), précédant la forte et subtile réalisation de Jean-Pierre Melville, les Enfants terribles, en 1950.

 

L'activité de Cocteau est toujours débordante : il n’oublie pas qu’il est peintre (Drôle de ménage, 1948), critique d’art (le Greco, 1943; Dufy, 1949; Modigliani, 1950), essayiste (le Foyer des artistes, 1947; la Difficulté d'être, 1947; Reines de France, 1952; Lettre aux Américains, 1949; Maalesh, 1949; Jean Marais, 1951; Gide vivant, 1952; Journal d'un inconnu, 1953), auteur chorégraphe (le Jeune Homme et la Mort, 1946; Phèdre, pour Georges Auric, 1950), romancier une dernière fois (Deux Travestis, 1947), et, toujours et avant tout, poète (la Crucifixion, 1946; Poèmes, 1946. le Chiffre sept, 1952; Appoggiatures, 1953; Clair-obscur, 1954). Enfin reconnu comme l’un des rares auteurs complets du cinéma français, avec Orphée, réalisé en 1950 au retour d'un voyage aux États-Unis, Cocteau est reçu à l’Académie française le 20 octobre 1955. Son Discours de réception à F Académie française (1955) est un modèle d’irrespect conformiste, et celui qu’il prononce à l'occasion de la réception de Colette à l’Académie royale de Belgique (1955) un bel exemple de sympathie littéraire. En 1956, la Comédie-Française reprend la Machine à écrire, pièce que les Allemands avaient interdite en 1941.

 

En 1957, Jacques Demy tourne une adaptation fidèle du Bel Indifférent, puis (1961) Jean Delannoy une Princesse de Clèves où l’apport de Cocteau ne convainc guère. Mais le Testament d'Orphée (1960), avec ses outrances et ses froideurs, illustre fortement et résume pour un vaste public l’univers poétique et critique de son auteur.

Le poète-cinéaste reconnu par l’institution chercha aussi, à la fin de sa vie, la consécration comme peintre : il décore une chapelle à Villefranche-sur-Mer : la chapelle Saint-Pierre (1957), la mairie de Menton (1950) et la chapelle Saint-Biaise des Simples à Milly-la-Forêt.

 

Én tant qu’écrivain, l'impromptu du Palais-Royal (1963, à la Comédie-Française) et, après les Paraproso-dies (1958), les recueils de poèmes Requiem (1961) et le Cordon ombilical (1962) seront ses dernières œuvres.

 

Le théâtre de la vie

 

Mais la vie est-elle jamais apparue à Jean Cocteau autrement que sous la forme d’une comédie? Dramaturge impénitent, mais aussi acteur, Cocteau n’est-il pas semblable à la princesse de Bormes, pour qui la guerre « apparut tout de suite comme le théâtre de la guerre »?... « Cette nature intrépide écoutait le canon comme, au concert, on écoute l’orchestre derrière une porte que les contrôleurs vous empêchent d’ouvrir » (Thomas l'imposteur). De même, et ici encore la part de l’autobiographie n’est pas négligeable, c’est dans un univers chimérique que se sont réfugiés Paul et Élisabeth dans les Enfants terribles : leur chambre est un décor, isolé du monde, inaccessible aux adultes; il s’y déroule des événements dont les règles obéissent à la logique du merveilleux. Cocteau a donc raison de souligner que la psychologie de ses personnages est en quelque sorte héraldique. Elle « n’a pas plus de rapport avec la psychologie proprement dite que les animaux fabuleux (Lion qui porte sa bannière, Licorne qui se mire dans une glace) n’offrent de ressemblance avec des animaux véritables » (Préface de l'Aigle à deux têtes).

 

C’est par conséquent avec une totale innocence, une irresponsabilité non feinte, que les héros sont amenés à faire le mal, voire à provoquer la mort. Ils ne se plient qu’aux caprices de leur imaginaire et n’obéissent qu’à une sorte de morale de l’ingénuité. Êtres sauvages, instinctifs, asociaux, dont la perversion est la rançon de leur pureté : c’est sans le vouloir qu’Élisabeth déclenchera le suicide de Paul; plus généralement, c’est à leur insu que les personnages s’aiment : ainsi, Henriette « aimait Guillaume. Elle le confondait avec sa mère dans ses pensées, et, comme sa mère le traitait en fils, elle ne voyait à cette confusion rien de coupable » (Thomas l'imposteur). Cette préciosité casuistique sert à dénouer bien des situations tragiques. A Orphée qui lui demande où il a appris « toutes ces choses redoutables » sur les fameux miroirs qui sont les portes par lesquelles la Mort va et vient, Heurtebise, ange, mais aussi vitrier — dont le chevalet est la métaphore visuelle des ailes —, réplique avec ironie mais non sans maniérisme : « Vous savez, les miroirs, ça rentre un peu dans la vitre. C’est notre métier » (Orphée).

 

Ainsi les situations les plus inquiétantes se résolvent-elles en lazzi, dont Cocteau souligne intentionnellement la lourdeur : Eurydice à Heurtebise qui a prouvé qu’il pouvait miraculeusement rester suspendu au-dessus du sol : « Je n’aime pas les fournisseurs qui volent. — Ce jeu de mots cruel est indigne de vous. — Ce n’est pas un jeu de mots ». De même, la mort se transforme en mot d’auteur : « Cortège funèbre. Premier phono : Adieu, adieu vieil ami. Dès vos premières armes, vous avez fait preuve d’une intelligence très au-dessus de votre grade. Vous ne vous êtes jamais rendu, même à l’évidence » (la mort du Général dans les Mariés de la tour Eiffel). Le génie du théâtre permet donc à Cocteau d’échapper par une pirouette formelle à l’angoisse de la mort; la pratique constante de la poésie lui permettra d'explorer l’univers de la mort, de se mouvoir dans l’invisible et de « traquer l’inconnu ».

cocteau

« -- sais ou de textes critiques (le Rappel à l'ordre, 1926; Letlre à Jacques Maritain, 1926; Une entrevue sur La critique, 1929; Opium, 1930; Essai de critique indirecte, 1932; Portraits-souvenirs, 1935; Mon premier voyage, 1937).

Au théâtre, Cocteau avait déjà écrit les Mariés de la tour Eiffel (1921), Antigone (1922), Roméo et Juliette (!924); à l'époque d'Œdipe et des Parents terribles, il donne deux pièces moin§ connues, les Chevaliers de la Table ronde (1937) et l'Ecole des veuves (1936).

Simul­ tanément, son activité picturale et graphique donne lieu à de nombreuses publications (Dessins, 1923; le Mystère de Jean l'Oiseleur, 1925; Maison de santé, 1926; Por­ traits d'un dormeur, 1929), souvent des illustrations pour les textes de l'auteur (Dessins pour les Enfants terribles, 1935; Dessins pour les Chevaliers de la Table ronde, 1934), tandis que de nouveaux.

arguments choré­ graphiques ( Œdipus Rex, pour Stravinski, 1927; le Pau­ vre Matelot, pour Milhaud, 1927) s'ajoutent à ceux de 1920-21.

Des vacances à Saint-Tropez, avec Jean Marais, sont interrompues par la guerre.

En 1940 paraît la Fin du Potomak ( « roman ») et, au théâtre, sont créés les Mons­ tres sacrés et le Bel Indifférent (écrit pour Édith Piaf), suivi, en 1943, de Renaud et Armide, puis, en 1946, de l'Aigle à deux têtes, au théâtre Hébertot.

Entre-temps Cocteau travaille beaucoup pour le cinéma : par des scénarios (la Comédie du bonheur, réa­ lisé par Marcel L'Herbier, 1942; le Baron fantôme, réa­ lisé par Serge de Poligny, 1943, qui n'ajoutent rien à sa gloire, alors que l'Éternel Retour, de Jean Delannoy, en 1943, et surtout les admirables Dames du bois de Boulo­ gne, tiré d'un passage de Diderot et réalisé par Robert Bresson en 1945, manifestent une inspiration digne de l'écrivain); par la réalisation complète de la Belle et la Bête, 1945, dont le tournage est commenté avec esprit et lucidité dans la Belle et la Bête Uournal d'un film, 1946).

Puis ce sont les scénarios de Ruy Bias ( 1947, réalisé par Pierre Billon), de l'Aigle à deux têtes (1947), du superbe la Voix humaine de Rossellini avec Anna Magnani ( 1947) et une version théâtrale, merveilleusement inter­ prétée, des Parents terribles ( 1948), précédant la forte et subtile réalisation de Jean-Pierre Melville, les Enfants terribles, en 1950.

L'activité de Cocteau est toujours débordante : il n'oublie pas qu'il est peintre (Drôle de ménage, 1948), critique d'art (le Greco, 1943; Dufy, 1949; Modigliani, 1 950), essayiste (le Foyer des artistes, 1947; la Difficulté d'être, 1947; Reines de France, 1952; Lettre aux Améri­ cains, 1949; Maalesh, 1949; Jean Marais, 1951; Gide vivant, 1952; Journal d'un inconnu, 1953), auteur choré­ graphe (le Jeune Homme et la Mort, 1946; Phèdre, pour Georges Auric, 1950), romancier une dernière fois (Deux Travestis, 1947), et, toujours et avant tout, poète (la Crucifixion, 1946; Poèmes, 1946, le Chiffre sept, 1952; Appoggiatures, 1953; Clair-obscur, 1954).

Enfin reconnu comme l'un des rares auteurs complets du cinéma français, �vec Orphée, réalisé en 1950 au retour d'un voyage aux Etats-Unis, Cocteau est reçu à l' Acadé­ mie française le 20 octobre 1955.

Son Discours de récep­ tion à l'Académie française (1955) est un modèle d'ir­ respect conformiste, et celui qu'il prononce à l'occasion de la réception de Colette à l'Académie royale de Belgi­ que ( 1955) un bel exemple de sympathie littéraire.

En 1956, la Comédie-Française reprend la Machine à écrire, pièce que les Allemands avaient interdite en 1941.

En 1957, Jacques Demy tourne une adaptation fidèle du Bel Indifférent, puis ( 1961) Jean Delannoy une Prin­ cesse de Clèves où l'apport de Cocteau ne convainc guère.

Mais le Testament d'Orphée (1960), avec ses outrances et ses froideurs, illustre fortement et résume pour un vaste public l'univers poétique et critique de son auteur.

·--- ----·-·-------- Le poète-cinéaste reconnu par l'institution chercha aussi, à la fin de sa vie, la consécration comme peintre: il décore une chapelle à Villefranche-sur-Mer : la chapelle Saint-Pierre (1957), la mairie de Menton (1950) et la chapelle Saint-Blaise des Simples à Milly-la-Forêt.

En tant qu'écrivain, l'Impromptu du Palais-Royal ( 1963, à la Comédie-Française) et, après les Paraproso­ dies (1958), les recueils de poèmes Requiem (1961) et le Cordon ombilical (1962) seront ses dernières œuvres.

Le théâtre de la vie Mais la vie est-elle jamais apparue à Jean Cocteau autrement que sous la forme d'une comédie? Dramaturge impénitent, mais aussi acteur, Cocteau n'est-il pas sem­ blable à la princesse de Bormes, pour qui la guerre « apparut tout de suite comme le théâtre de la guerre »? ...

« Cette nature intrépide écoutait le canon comme, au concert, on écoute 1' orchestre derrière une porte que les contrôleurs vous empêchent d'ouvrir» (Thomas l'Impos­ teur).

De même, et ici encore la part de l'autobiographie n'est pas négligeable, c'est dans un univers chimérique que se sont réfugiés Paul et Élisabeth dans les Enfants terribles: leur chambre est un décor, isolé du monde, inaccessible aux adultes; il s'y déroule des événements dont les règles obéissent à la logique du merveilleux..

Cocteau a donc raison de souligner que la psychologie de ses personnages est en quelque sorte héraldique.

Elle « n'a pas plus de rapport avec la psychologie proprement dite que les animaux fabuleux (Lion qui porte sa ban­ nière, Licorne qui se mire dans une glace) n'offrent de ressemblance avec des animaux véritables » (Préface de l'Aigle à deux têtes).

C'est par conséquent avec une totale innocence, une irresponsabilité non feinte, que les héros sont amenés à faire le mal, voire à provoquer la mort.

Ils ne se plient qu'aux caprices de leur imaginaire �t n'obéissent qu'à une sorte de morale de l'ingénuité.

Etres sauvages, ins­ tinctifs, asociaux, dont la perversjon est la rançon de leur pureté : c'est sans le vouloir qu'Elisabeth déclenchera le suicide de Paul; plus généralement, c'est à leur insu que les personnages s'aiment : ainsi, Henriette «aimait Guillaume.

Elle le confondait avec sa mère dans ses pensées, et, comme sa mère le traitait en fils, elle ne voyait à cette confusion rien de coupable}} (Thomas l'Imposteur).

Cette préciosité casuistique sert à dénouer bien des situations tragiques.

A Orphée qui lui demande où il a appris «toutes ces choses redoutables» sur les fameux miroirs qui sont les portes par lesquelles la Mort va et vient, Heurtebise, ange, mais aussi vitrier -dont le chevalet est la métaphore visuelle des ailes -, répli­ que avec ironie mais non sans maniérisme: «Vous savez, les miroirs, ça rentre un peu dans la vitre.

C'est notre métier» (Orphée).

Ainsi les situations les plus inquiétantes se résolvent­ elles en lazzi, dont Cocteau souligne intentionnellement la lourdeur: Eurydice à Heurtebise qui a prouvé qu'il pouvait miraculeusement rester suspendu au-dessus du sol : «Je n'aime pas les fournisseurs qui volent.

-Ce jeu de mots cruel est indigne de vous.

-Ce n'est pas un jeu de mots».

De même, la mort se transforme en mot d'auteur : «Cortège funèbre.

Premier phono: Adieu.

adieu vieil ami.

Dès vos premières armes, vous avez fait preuve d'une intelligence très au-dessus de votre grade.

Vous ne vous êtes jamais rendu, même à l'évidence » (la mort du Général dans les Mariés de la tour Eiffel).

Le génie du théâtre permet donc à Cocteau d'échapper par une pirouette formelle à l'angoisse de la mort; la pratique constante de la poésie lui permettra d'explorer l'univers de la mort, de se mouvoir dans l'invisible et de« traquer l'inconnu».. »

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