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Colette (1873-1954), la Maison de Claudine [«Où sont les enfants?»]

Publié le 27/12/2019

Extrait du document

Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d’orphelinat, son entrée cochère à gros verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait que d’un côté. Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l’armature de fer fatiguée, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon... Le reste vaut-il que je le peigne, à l’aide de pauvres mots? Je n’aiderai personne à contempler ce qui s’attache de splendeur, dans mon souvenir, aux cordons rouges d’une vigne d’automne que ruinait son propre poids, cramponnée, au cours de sa chute, à quelque bras de pin. Ces lilas massifs dont la fleur compacte, bleue dans l’ombre, pourpre au soleil, pourrissait tôt, étouffée par sa propre exubérance, ces lilas morts depuis longtemps ne remonteront pas grâce à moi vers la lumière, ni le terrifiant clair de lune, — argent, plomb gris, mercure, facettes d’amé-thystes coupantes, blessants saphirs aigus, — qui dépendait de certaine vitre bleue, dans le kiosque au fond du jardin.

Maison et jardin vivent encore, je le sais, mais qu’importe si la magie les a quittés, si le secret est perdu qui ouvrait, — lumière, odeurs, harmonie d’arbres et d’oiseaux, murmure de voix humaines qu’a déjà suspendu la mort, — un monde dont j’ai cessé d’étre digne?...

(Colette, la Maison de Claudine, Éd. Gallimard, 1922.)

En 1922 (elle avait alors quarante-neuf ans), Colette raconta ses souvenirs dans la Maison de Claudine, suite de tableaux mettant en scène son enfance, sa fille, ses animaux, les lieux aimés. Le texte est extrait du premier récit qui ouvre le recueil. Colette y évoque ses jeux à l’ombre de la maison, qui symbolise ici la mère veillant sur ses enfants.

Idée directrice

Le passage est l’évocation poétique et nostalgique de la maison et du jardin où Colette vécut'jusqu’à dix-sept ans, à Saint-Sauveur-en-Puisaye en Bourgogne.

Structure du texte

Colette commence par vouloir décrire la maison (1. 1 à 9).

Puis elle avoue son impuissance à rendre la beauté du souvenir (1. 9 à 22).

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