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Commentaire de la clausule du Silence de la mer

Publié le 02/04/2012

Extrait du document

Jean Bruller, plus connu sous le nom de Vercors, est un résistant qui a choisi notamment l'écriture pour combattre l'ennemi. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et nouvelles dont la plus connue, « Le Silence de la Mer «a été le premier texte à être publié aux Editions de Minuit, en 1942. Un vieil homme raconte en une cinquantaine de pages la réquisition de sa demeure par un officier allemand, Werner von Ebrennac. A sa présence, le narrateur et sa jeune nièce opposent un silence hostile, et assistent muets aux monologues journaliers de l'officier. Ils découvrent ainsi au fur et à mesure un homme idéaliste et sensible, qui ne semble pas savoir à quelle sorte de guerre il participe. Après un court séjour à Paris, celui-ci revient chez ses hôtes, et exprime avec horreur la réalité qu'il ignorait. Il décide de partir à l'est, et fait ses adieux au narrateur mais surtout à la jeune femme. L'extrait qui nous est proposé raconte, à travers les yeux du narrateur, l'intensité de cette scène, dernière de la nouvelle.

C'est pourquoi nous nous demanderons en quoi ce passage illustre parfaitement le titre « Le Silence de la Mer «, dans la mesure où, sous le calme apparent de la scène, se joue un drame intime.

Ainsi, nous nous intéresserons tout d'abord aux éléments qui trahissent le drame qui affleure à la surface, et qui sont lisibles pour le spectateur averti qu’est le narrateur, puis nous verrons en quoi le regard souligne la tension d’un amour impossible et pourtant avoué par l’adieu prononcé.

« assumer pleinement ce verbe qui semble exagéré.

Le verbe est pesé et semble de par cette répétition trahir lavolonté du narrateur de décrire le plus fidèlement possible ce qu’il voit.

La violence est donc ici dite simplement ets’en trouve accrue.

Le narrateur tente de coller au plus juste et de donner toute leur force aux moindres détails,aux moindres actions, il les rend existants.

Chaque action est décrite avec une précision presque clinique, c’est ainsique le narrateur nous dit « Ebrennac d’une main avait saisi le bouton de la porte » ou encore « de l’autre il tenait lechambranle », on assiste ici à une dramatisation des actions du personnage ; en effet chaque mouvement est icisymboliquement extrêmement important : la porte figure le départ, le départ pour toujours.

Dans cette idée il estintéressant de noter l’emploi du plus-que-parfait ainsi que de l’imparfait, ces temps décrivent les procès dans leurdurée, les actions s’étirent, pèsent de toute leur force sur les personnages ; et notamment sur la nièce qui voitcelui qu'elle aime sur le point de partir.

Plus loin on assiste à un phénomène analogue avec « il dit,-il murmura ».Encore une fois le narrateur précise son trait, reprend pour affiner et donne ainsi le sentiment d’être au plus prèsdes événements.

Cette volonté suppose chez l’oncle une extrême attention aux moindres faits et gestes du couple.On pourra ainsi remarquer une certaine empathie de sa part pour von Ebrennac.

En effet, il écrit « Il fallait avoirguetté ce mot pour l’entendre, mais enfin je l’entendis.

Von Ebrennac aussi l’entendit ».

La tournure de la phrase estéloquente, le « je » du narrateur vient avant l’Allemand alors qu’il est question d’un moment crucial pour ce dernier,en effet, l’ »adieu » de la nièce lui est exclusivement destiné. C’est donc parce que le narrateur est particulièrement concerné par la scène qui se déroule sous ses yeux et parce que celle-ci est cruciale queles mots choisis sont si précis. Ainsi, le narrateur lit à proprement parler dans cet extrait les émotions de sa nièce, sur un visage qu’elle adu mal à contrôler, et rend compte également des moindres faits et gestes de l’officier, ce qui suppose unnarrateur spectateur certes, mais surtout impliqué dans le drame qui se déroule sous ses yeux et dansceux de la jeune fille et de Werner. Il s’agit d’un drame en effet dans cette toute fin de nouvelle, car l’amour qui unit les deux jeunesprotagonistes est impossible.

La tension qui en résulte, à l’heure où tout va être dit pour la première et ladernière fois, passe notamment par le regard. En effet, dans les moindres faits et gestes du couple, la place la plus importante est donnée au regard.

Nous avonsainsi une longue phrase faisant état de celui-ci : « Ses pupilles, celles de la jeune fille, amarrées comme, dans lecourant, la barque à l’anneau de la rive, semblaient l’être par un fil si tendu, si raide, qu’on n’eût pas osé passer undoigt entre leurs yeux.» La première comparaison entre les pupilles et la barque et la deuxième sous-entendue entreWerner et la rive donne à voir la force du regard qui unit véritablement les deux protagonistes.

De la même façon, leregard, comparé de façon sous-entendue à un fil, est rendu concret, presque visible par l’emploi du subjonctifimparfait à valeur d’irréel dans le passé « qu’on n’eût ».

En effet, ce subjonctif marque l’impossibilité de « passer undoigt entre leurs yeux » et rend par conséquent le regard existant et palpable.

De plus, l’utilisation à deux reprisesde l’adverbe intensif « si » placé devant les adjectifs « tendu » et « raide » intensifie la tension et contribue àdonner au regard sa force presque magique.

Un peu plus loin dans le passage on peut remarquer un procédé dumême ordre avec « Les yeux (…) attachés aux yeux ».

Ici encore le participe passé « attachés », dans un emploimétaphorique, dit la force du lien qu'est le regard entre la jeune fille et l’officier.

A ceci fait écho la répétition duverbe regarder par le narrateur « Il regardait ma nièce.

Il la regardait.

» En effet, cette répétition supposel’insistance du regard, une insistance soutenue et continue, accentuée par la valeur durative de l'imparfait.

Puisc’est encore la description des yeux de la jeune fille « trop ouverts, trop pâles » avec l’emploi répété de l’adverbeintensif « trop » qui suppose un regard dont la force semble poussée à son paroxysme, un regard qui semble prêt à se rompre et qui par conséquent évoque l’extrême tension du passage. La tension est extrême, von Ebrennac va dire « Adieu » à la jeune fille et partant lui révèle son amour. Avant que ne soit prononcé le seul mot adressé directement à la nièce depuis le début de la nouvelle, le narrateur,toujours dans sa quête du mot juste afin de ne dénaturer en rien cette scène magnifique, introduit la parole del'officier d'abord par le verbe dire puis se reprend et ajoute « il murmura » ; ici encore la lenteur de la narration sefait ressentir, et traduit la tension de l'attente de la nièce.

De plus, le murmure évoqué suppose une forme dedouceur, de chuchotement, sans doute parce qu'il ne d'adresse qu'à elle.

On peut aussi voir dans ce murmure uneémotion qui l'empêche de prononcer distinctement cet « adieu ».

Une fois prononcé, la puissance du regard rend lemoment crucial et l’attente du jeune homme est rendue sensible grâce à l’empathie du narrateur qui réussit à rendrepresque palpable l’attente « cela dura, dura,-combien de temps ? –dura », les quelques secondes s’étirent sous laplume du narrateur, la répétition du verbe « durer » dramatise l’attente, la tension est à son paroxysme : la jeunefemme va-t-elle répondre à cet adieu? La narration continue avec « jusqu’à ce qu’enfin la jeune fille remuât leslèvres.» Il est intéressant de noter ici l’appellation par le narrateur de celle qu’il a appelée tout au long de lanouvelle « ma nièce », et ce changement laisse supposer que la nièce vit seule ce moment intense, elle n’est plus« la nièce de » mais elle existe véritablement de par son amour pour l’officier.

On notera ici encore le ralenti, avantqu'un son ne sorte, les lèvres remuent, et la tension monte : Werner, et la narrateur attendent, ce qui est soulignépar le « enfin ».

Cette attente est d'ailleurs confirmée un peu plus bas avec « il fallait avoir guetté ce mot pourl'entendre ».

Puis l'adieu est prononcé.

Mais il est intéressant de noter ici que le narrateur n'utilise pas de verbe deparole pour introduire la prise de parole de la nièce, il écrit : « j'entendis », comme si la nièce avait parlé malgré elle,comme si l'adieu n'avait pas été réellement prononcé.

Le fait de dire « qu'il fallait avoir guetté ce mot pour. »

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