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Commentaire littéraire : Bel-Ami, la visite aux parents

Publié le 26/05/2025

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« Commentaire littéraire : Bel-Ami, la visite aux parents Texte : (…) Mais quand il se remit en marche, Duroy aperçut soudain, à quelques centaines de mètres, deux vieilles gens qui s’en venaient, et il sauta de la voiture, en criant : — Les voilà.

Je les reconnais. C’étaient deux paysans, l’homme et la femme, qui marchaient d’un pas irrégulier, en se balançant et se heurtant parfois de l’épaule.

L’homme était petit, trapu, rouge et un peu ventru, vigoureux malgré son âge ; la femme, grande, sèche, voûtée, triste, la vraie femme de peine des champs qui a travaillé dès l’enfance et qui n’a jamais ri, tandis que le mari blaguait en buvant avec les pratiques. Madeleine aussi était descendue de voiture et elle regardait venir ces deux pauvres êtres avec un serrement de cœur, une tristesse qu’elle n’avait point prévue.

Ils ne reconnaissaient point leur fils, ce beau monsieur, et ils n’auraient jamais deviné leur bru dans cette belle dame en robe claire. Ils allaient, sans parler, et vite, au-devant de l’enfant attendu, sans regarder ces personnes de la ville que suivait une voiture. Ils passaient.

Georges, qui riait, cria : — Bonjou, pé Duroy. Ils s’arrêtèrent net, tous les deux, stupéfaits d’abord, puis abrutis de surprise.

La vieille se remit la première et balbutia, sans faire un pas : — C’est-i té, not’ fieu ? Le jeune homme répondit : — Mais oui, c’est moi, la mé Duroy ! Et marchant à elle il l’embrassa sur les deux joues, d’un gros baiser de fils.

Puis il frotta ses tempes contre les tempes du père, qui avait ôté sa casquette, une casquette à la mode de Rouen, en soie noire, très haute, pareille à celles des marchands de bœufs. Puis Georges annonça : — Voilà ma femme. Et les deux campagnards regardèrent Madeleine.

Ils la regardèrent comme on regarde un phénomène, avec une crainte inquiète, jointe à une sorte d’approbation satisfaite chez le père, à une inimitié jalouse chez la mère. L’homme, qui était d’un naturel joyeux, tout imbibé par une gaieté de cidre doux et d’alcool, s’enhardit et demanda, avec une malice au coin de l’œil : — J’pouvons-t-il l’embrasser tout d’même ? Le fils répondit : — Parbleu. Et Madeleine, mal à l’aise, tendit ses deux joues aux bécots sonores du paysan qui s’essuya ensuite les lèvres d’un revers de main. La vieille, à son tour, baisa sa belle-fille avec une réserve hostile.

Non, ce n’était point la bru de ses rêves, la grosse et fraîche fermière, rouge comme une pomme et ronde comme une jument poulinière.

Elle avait l’air d’une traînée, cette dame-là, avec ses falbalas et son musc. Car tous les parfums, pour la vieille, étaient du musc. Et on se remit en marche à la suite du fiacre qui portait la malle des nouveaux époux. Le vieux prit son fils par le bras, et le retenant en arrière, il demanda avec intérêt : — Eh ben, ça va-t-il, les affaires ? — Mais oui, très bien. — Allons, suffit, tant mieux ! Dis-mé, ta femme, est-i aisée ? Georges répondit : — Quarante mille francs. Le père poussa un léger sifflement d’admiration et ne put que murmurer : « Bougre ! » tant il fut ému par la somme.

Puis il ajouta avec une conviction sérieuse : — Nom d’un nom, c’est une belle femme. Car il la trouvait de son goût, lui.

Et il avait passé pour connaisseur, dans son temps. Madeleine et la mère marchaient côte à côte, sans dire un mot.

Les deux hommes les rejoignirent. On arrivait au village, un petit village en bordure sur la route, formé de dix maisons de chaque côté, maisons de bourg et masures de fermes, les unes en briques, les autres en argile, celles-ci coiffées de chaume et celles-là d’ardoises.

Le café du père Duroy : À la Belle-Vue, une bicoque composée d’un rez-de-chaussée et d’un grenier, se trouvait à l’entrée du pays, à gauche.

Une branche de pin, accrochée sur la porte, indiquait, à la mode ancienne, que les gens altérés pouvaient entrer. Le couvert était mis dans la salle du cabaret, sur deux tables rapprochées et cachées par deux serviettes.

Une voisine, venue pour aider au service, salua d’une grande révérence en voyant apparaître une aussi belle dame, puis reconnaissant Georges, elle s’écria : — Seigneur Jésus, c’est-i té, petiot ? Il répondit gaiement : — Oui, c’est moi ! la mé Brulin ! Et il l’embrassa aussitôt comme il avait embrassé père et mère. Puis il se tourna vers sa femme : — Viens dans notre chambre, dit-il, tu te débarrasseras de ton chapeau. Il la fit entrer par la porte de droite dans une pièce froide, carrelée, toute blanche, avec ses murs peints à la chaux et son lit aux rideaux de coton.

Un crucifix au-dessus d’un bénitier, et deux images coloriées représentant Paul et Virginie sous un palmier bleu et Napoléon Ier sur un cheval jaune, ornaient seuls cet appartement propre et désolant. Dès qu’ils furent seuls, il embrassa Madeleine : — Bonjour, Made.

Je suis content de revoir les vieux.

Quand on est à Paris, on n’y pense pas, et puis quand on se retrouve, ça fait plaisir tout de même. Mais le père criait en tapant du poing la cloison : — Allons, allons, la soupe est cuite. Et il fallut se mettre à table. Ce fut un long déjeuner de paysans avec une suite de plats mal assortis, une andouille après un gigot, une omelette après l’andouille.

Le père Duroy, mis en joie par le cidre et quelques verres de vin, lâchait le robinet de ses plaisanteries de choix, celles qu’il réservait pour les grandes fêtes, histoires grivoises et malpropres arrivées à ses amis, affirmait-il.

Georges, qui les connaissait toutes, riait cependant, grisé par l’air natal, ressaisi par l’amour inné du pays, des lieux familiers dans l’enfance, par toutes les sensations, tous les souvenirs retrouvés, toutes les choses d’autrefois revues, des riens, une marque de couteau dans une porte, une chaise boiteuse rappelant un petit fait, des odeurs de sol, le grand souffle de résine et d’arbres venu de la forêt voisine, les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier. La mère Duroy ne parlait point, toujours triste et sévère, épiant de l’œil sa bru avec une haine éveillée dans le cœur, une haine de vieille travailleuse, de vieille rustique aux doigts usés, aux membres déformés par les dures besognes, contre cette femme de ville qui lui inspirait une répulsion de maudite, de réprouvée, d’être impur fait pour la fainéantise et le péché.

Elle se levait à tout moment pour aller chercher les plats, pour verser dans les verres la boisson jaune et aigre de la carafe ou le cidre roux mousseux et sucré des bouteilles dont le bouchon sautait comme celui de la limonade gazeuse. Madeleine ne mangeait guère, ne parlait guère, demeurait triste avec son sourire ordinaire figé sur les lèvres, mais un sourire morne, résigné.

Elle était déçue, navrée.

Pourquoi ? Elle avait voulu venir.

Elle n’ignorait point qu’elle allait chez des paysans, chez de petits paysans. Comment les avait-elle donc rêvés, elle, qui ne rêvait pas d’ordinaire ? Commentaire : Bel-Ami est un roman de Maupassant publié en feuilleton entre le 6 avril et le 30 mai 1885 dans le Gil Blas.

Il raconte l'histoire de Georges Duroy qui, sorti de sa misère par une ancienne connaissance, part à la conquête de Paris par le biais du journalisme et des femmes. On y retrouve le cynisme et l'ironie caractéristiques de Maupassant.

Dans le premier chapitre de la seconde partie, le narrateur dépeint la visite de Georges Duroy dans sa terre natale accompagné de sa femme Madeleine.

On y lit le tableau d'une campagne profonde, bien loin de la vie parisienne observable dans le reste du roman.C'est justement ce choc culturel qui sera le centre de notre étude.

Il s'agira de se demander comment l'opposition entre Paris et la campagne dépeinte dans ce passage met en lumière l'évolution de Duroy.

Afin d'éclaircir cette interrogation, nous aborderons en premier lieu l'opposition entre deux mondes singulièrement différents.

Nous évoquerons ensuite la moquerie et le cynisme de l'extrait ainsi que le rapport de valeurs qu'il établissent. L'extrait présente une opposition frappante entre la campagne natale de Duroy et la ville de Paris où il est établi.

Ce sont deux mondes existant en complète opposition, dépourvus de contacts l'un avec l'autre.

De ce fait, l'arrivée de Georges et Madeleine provoque une rencontre entre deux sociétés contraires.

Ce qui frappe d'emblée le lecteur, c'est que les parents de Georges ne le reconnaissent pas.

Le possessif "leur fils" n'est explicite que grâce à la connaissance généalogique du narrateur, car lorsque la focalisation s'attarde sur le point de vue des paysans, Georges n'est plus que "ce beau monsieur".

Le démonstratif "ce" s'oppose au possessif "leur" pour nier la paternité d'un être si différent d'eux.

Le phénomène se produit de même avec Madeleine qu'il ne perçoivent pas d'abord comme "leur bru".

Il.... »

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