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COURTILZ DE SANDRAS Gatien de : sa vie et son oeuvre

Publié le 22/11/2018

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COURTILZ DE SANDRAS Gatien de (1644-1712). Courtilz de Sandras est une des figures les plus singulières du xviie siècle finissant. Auteur prolixe d’une œuvre énorme, présentée comme la chronique véridique de son époque, difficile à cerner car publiée anonymement, en raison de son contenu scandaleux, à Amsterdam et à Cologne, répandue en France clandestinement, avec un immense succès, par un réseau de colporteurs, il fut poursuivi par le pouvoir, qui l’embastilla deux fois, méprisé et dénigré par des gens comme Bayle, qui dit de lui : « C’était un petit particulier sans bien, sans fortune et qui, apparemment, n’écrivait tout cela que pour le vendre aux libraires de Hollande », ou Voltaire, qui l’exécute dans le Siècle de Louis XIV comme « un des plus coupables écrivains (...) qui ont mérité l’exécration publique ».
 
Voué à la célébrité dans l’anonymat, Courtilz est également le héros de « la plus célèbre histoire de nègre de notre littérature » (R. Dumay). Dumas lui doit sa célé-

« brité, il a en effet « emprunté », intégralement sinon litté­ ralement, les Trois Mousquetaires aux Mémoires que Courtilz avait prêtés à un certain M.

d'Artagnan.

Cet écrivain sans nom se faisait appeler Sandras, du nom de sa mère.

Il est né probablement à Montargis, où il acquit, en l689, le qomaine du Verger.

Il fit des études à Paris.

Destiné à l'Eglise ou à la robe, il se retrouve cadet et fait carrière dans les armes, successivement cor­ nette au Royal-Étranger, lieutenant puis capitaine au régiment de Beaupré-Choiseul.

Cassé en 1679, après la paix de Nimègue, il s'installe en Hollande, se marie avec la fille d'un libraire, dont il aura huit enfants, et commence à écrire.

Ses multiples productions, annales, biographies, Mémoires, mettent en œuvre une seule recette, qu'il exposera ainsi, dans une préface de 1712: « Ceux qui prendront la peine de les lire y trouveront bien des particularités très curieuses, tant par rapport à la Politique qu'à la Galanterie et à la Guerre ».

Courtilz est l'inventeur d'une formule, destinée à faire fortune, qui mêle à un cadre dont les événements et les personna­ ges sont connus le piment d'invérifiables anecdotes gri­ voises.

Quand ses héros ne sont pas des hommes de guerre, ce sont des diplomates ou des agents secrets.

Courtilz est l'écrivain des dessous d'un siècle qui, chez lui, perd toute grandeur.

Cromwell, Colbert ont réussi par l'hypocrisie et l'intrigue, les cours ne sont que lieux de corruption, nids d'espions et théâtres de débauches.

Contre 1 'historiographie et les gazettes officielles, bien­ séantes et courtisanes, il prétend >.

Ses écrits sont d'abord des libelles politiques: His­ toire des promesses illusoires depuis la paix des Pyré­ nées (1684).

Voltaire, lui prêtant peut-être plus de cynisme qu'il n'en avait, lui attribue la Réponse publiée en réplique à ce libelle.

Pamphlet encore l'Histoire de la guerre de Hollande de 1672 à 1677 (1689).

En 1686, Courtilz fonde à La Haye le premier et qui deviendra le plus important des Mercures, revues méthodiques et mensuelles des nouvelles publiées par les célèbres Gazettes de Hollande : le Mercure historique et politi­ que, « contenant 1' état présent de l'Europe, ce qui se passe dans toutes les cours, l'intérêt des princes, leurs brigues et généralement tout ce qu'il y a de curieux, lJ! tout accompagné de réflexions politiques sur chaque Etat», qui paraîtra régulièrement jusqu'en 1782.

Cour­ tilz ne le dirige que quelques années, ayant été arrêté à Paris et mis à la Bastille en 1693.

Il avait, auparavant, trouvé la formule de ses plus grands succès avec le genre des Mémoires apocryphes.

Un personnage réel est censé rédiger ses Mémoires.

En 1687 paraissent les Mémoires de M.L.C.D.R.

(M.

le comte de Rochefort, qui fut agent secret de Richelieu puis de Mazarin et fit une carrière militaire avec Turenne).

A sa sortie de la Bastille, Courtilz accumule les publications de ce genre, exploitant sans vergogne, à diverses reprises, les mêmes faits et les mêmes événe­ ments.

Ainsi les Mémoires de J.-B.

de La Fontaine, aven­ turier connu à la Bastille, marié, en Angleterre, à une dame maîtresse de l'ambassadeur de France, M.

de Bor­ deaux, sont composés en même temps que les Mémoires de M.

de Bordeaux, publiés, il est vrai, de façon pos­ thume en 1758.

Les Mémoires de M.

d'Artagnan, mille huit cents pages en trois volumes, dont la saisie lui vau­ dra son second séjour à la Bastille, paraissent en 1700, suivis des Mémoires du marquis de Montbrun et de ceux de la marquise de Fresne, en 1701.

Cette dame, vendue par un mari jaloux à un pirate qui se fera moine pour ses beaux yeux, montre la dimension romanesque recherchée par Courtilz à l'intention d'un public d'autant plus friand de ces situations qu'elles lui sont présentées comme vécues par des personnages réels.

Dans les œuvres sui­ vantes, le narrateur a tendance, cependant, à s'effacer 598 -----·------------·------·· - derrière un prudent anonymat.

Ce sont la Guerre d'Italie ou Mémoires du comte D ...

(1702), la Guerre d'Espagne, de Bavière et de Flandre ou Mémoires du marquis D ...

Puis Courtilz revient aux initiales déchiffrables avec les Mémoires de M.

de B., secrétaire de M.L.C.D.R.

(1711).

La postérité a vu en lui un romancier, Courtilz préten­ dait faire de l'histoire immédiate.

Quoi qu'il en soit, sa plume alerte, à la fois insolente envers les puissants et complaisante envers les goûts les moins avouables du grand public, trace, avec des couleurs cmes, un portrait peu flatteur de son époque.

[Voir aussi MÉMOIRES, ROMAN HISTORIQUE].

BIBLIOGRAPHIE Les Œuvres de Courtilz, maintes fois rééditées au xvn• et au xvm• siècle, ne sont plus guère accessibles, sauf les Mémoires de Charles Batz Caste/more, comte d'Artagnan, accompagnés d'un «Essai sur les mousquetaires » de P.

Mac Orla n, Paris, le Laurier no ir, 1947.

Mémoires de M.

d'Artagnan, chevalier de Batz Cas­ te/more, édition abrégée, préface deR.

Dumay.

Paris, Club fran­ çais du Livre, 1955 (les suppressions concernent « d'innombra­ bles et interminables développements d'h is t o ir e générale»).

Cette édition Du may a été reprise à Paris, B ib li ot hèq ue mondiale, 1958.

A consulter.

-E.

Hatin, les Gazettes de Hollande et la Presse clandestine, Paris, 1865; B.M.

Woodb ridg e, Gatien de Courtilz.

sieur du Verger, étude sur un précurseur du roman réaliste, Paris, P.U.F., 1925; J.

Lo mb ard , «le Personnage de Mémoires apocryphes chez Courtilz de Sandras », dans le numéro spécial, m ai-ao ût 1977, de la Revue d'histoire littéraire de la France, c on sa c ré au Roman au xvu• siècle, Paris, A.

Colin; J.

Lombard, Courtilz de Sandras ou l'Aventure littéraire sous le règne de Louis XIV, thèse de lettres, un iv ers ité Paris IV, 1978, P.U.F., 1980.. »

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