DANCOURT, Florent Carton : sa vie et son oeuvre
Publié le 22/11/2018
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DANCOURT, Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit 1661-1725). Né de parents de petite noblesse, protestants récemment convertis, Florent Carton Dancourt fut élève au collège de Clermont, puis fit son droit et fut reçu avocat. Il épousa, en 1680, Thérèse Le Noir de La Thoril-lière, comédienne, fille d’un acteur de la troupe de Molière, et abandonna le droit pour le théâtre. Après quelques années dans une troupe de province, pour laquelle il écrivit ses deux premières pièces, il fut reçu avec sa femme à la Comédie-Française en 1685 et y demeura jusqu’à sa retraite en 1718. Il eut deux filles,
«
également
comédiennes, mais la seconde, Mimy, fit
seule une longue et brillante carrière théâtrale.
La vie de Dancourt est sans histoire : une affaire de
mœurs en 1692, une séparation de biens (1686), puis de
corps, d'avec sa femme (1691), suivies d'une réconcilia
tion en 1693, en forment les seuls événements remarqua
bles.
Bien qu'il dût faire face à des difficultés financières
continuelles, et cela en dépit de parts d'acteur et d'auteur
assez importantes, le couple -peut-être grâce à des
ressources moins honorables et plus secrètes -poursui
vit une ascension sociale régulière, jusqu'à acheter, fort
cher, le vaste et beau château de Courcelles, en Berry,
où Dancourt séjourna, jouant au grand seigneur, depuis
sa retraite jusqu'à sa mort -pieuse -en 1725.
Apprécié des grands seigneurs pour son esprit -cer
tains disent au">si pour ses complaisances paternelles et
conjugales -� il sut plaire à la Dauphine, au roi et,
plus tard, à l'Electeur de Bavière.
Acteur probablement
médiocre, mai� beau parleur, de bel air, assez peu scru
puleux lorsqu'·! s'agissait de la défense de ses intérêts,
non seulement il fut pendant longtemps l'« orateur>> de
la troupe, chargé de l'annonce au public, mais encore eut
souvent, au nom de ses camarades, à accomplir différen
tes missions ou fonctions diverses.
11 participa active
ment à la vie de la Comédie-Française.
notamment dans
les années 169:5-1705, mais il ne semble pas, en dépit de
certaines insinuations, quïl y ait exercé une véritable
prépondérance
Son principal apport, d'un bout à l'autre de sa car
rière, consiste en un grand nombre de petites comédies
en un acte, hâtivement brochées -quelquefois, dit-on,
d'après des pièces refusées à leurs auteurs.
Ces dancou
rades.
dont certaines sont de parfaites réussites, furent
souvent données en complément de spectacle dans les
moments creux de l'été, ou chaque automne, durant le
séjour de la Cour et des meilleurs acteurs à Fontaine
bleau, et contnbuèrent souvent à ce que le théâtre pari
sien ne fût pas tout à fait délaissé par le public.
Plus tard,
on aura également recours à son talent pour renouveler
les intermèdes de pièces à succès (Circé, l'Inconnu, les
Amants magnijïques), lors de reprises.
On attribue en gros, une soixantaine de pièces de
théâtre à Dancourt, dont cinquante-deux imprimées,
comportant setlement sept comédies en cinq actes et une
tragédie.
La plus célèbre en est le Chevalier à la mode
( 1687), forte peinture sociale, parfaitement cynique, des
milieux de finance et des aventuriers nobles désargentés,
dont la ferme composition est peut-être due à un collabo
rateur, Sainctyon.
Il y eut peut-être aussi collaboration
pour les Bourgeoises à la mode ( 1692).
La Femme d'in
trigues (1710) n'est qu'une galerie de portraits tirés des
bas-fonds de la vie mondaine; les autres comédies en
cinq actes sont des tentatives moins heureuses de pièces
en vers, pour lo!squelles Dancourt n'est pas doué.
Ce qui
lui convient, c'est la pochade satirique.
très gaie, souvent
couronnée d'un divertissement musical et chorégraphi
que, qui brosse un vif tableau des mœurs bourgeoises,
en s'appuyant .�énéra le ment sur l'actualité : Angélique et
Médor (1685), Renaud et Armide (1686) parodient des
opéras à la mode; l'Été des coquettes (1690), la Pari
siemœ ( 1691 ), le Retour des officiers ( 1697) évoquent la
rivalité des financiers ou des robins et des militaires
auprès des jeunes femmes.
La Foire de Bezons (1695),
la Foire Saim-Cermain, le Moulin de Javelle (1696),
1 'Impromptu de Suresnes ( 1713), les Fêtes du Cours
(1714) présentent les lieux de plaisir de la capitale; la
Désolation de�· joueuses ( 1687), reprise en 1718 sous le
titre la Déroute du pharaon, la Loterie (1697), les
Curieux de Compiègne, le Mari retrouvé ( 1698), le Vert
Galant ( 1714) se fondent sur l'actualité mondaine, mili
taire, judiciaire, etc.
Les Eaux de Bourbon (1696), le
Prix de l'arqw·buse nous emmènent en province; la Mai- son
de campagne (1688), le Tuteur ( 1695), les Vendan
ges de Suresnes (1695), le Charivari (1697), Colin
Maillard ( 170 1), le Galant Jardinier ( 1704) mettent en
scène des paysans d'Ile-de-France, tout de convention,
certes, mais non sans couleur.
Certaines de ces paysanne
ries, comme 1 ' O pé ra de village ( 1692) ou les Trois Cou
sines ( 1700), sont des chefs-d' œuvre.
Très joué sous l'Ancien Régime -ses petites pièces
étant un complément commode du spectacle -, Dan
court est peu à peu tombé dans l'oubli.
Auteur mineur,
assurément, il manque de souffle et de force, sacrifie
trop souvent la qualité à la rapidité et à l'effet; mais son
œuvre est loin d'être négligeable.
D'une part, en effet,
on y trouve une peinture presque complète de la société
de la fin du règne de Louis XfV, société de roués, déjà
Régence avant la lettre, alors que la Cour, sous l'in
fluence de M"'• de Maintenon, devient austère et dévote.
Peinture cynique, certes, où les ingénues ont peu de cho
ses à apprendre et où leurs jeunes sœurs -d'ailleurs
exquises -sont singulièrement délurées.
Dancourt ne
moralise pas : il dénonce ou dévoile, et son absence de
jugement peut paraître complicité.
Peut-être le tableau en
reçoit-il plus de force.
S'il sait mal étoffer un caractère,
Dancourt excelle à nous présenter des milieux divers,
famille.
salon.
cercle, village.
Au-delà de ce qu'il appelle
la mode, terme qui figure souvent dans ses titres, ce sont
les mœurs qu'il peint, dont il discerne fort bien les
grands traits : chasse au plaisir, qui entraîne la rupture
des couples; chasse à la fortune à travers le jeu, la spécu
lation, le mariage; chasse aux honneurs.
Une pièce
comme les Agioteurs (1710), roulant tout entière sur le
trafic de 1 'argent, a quelque chose de balzacien, comme
sont balzaciens aussi ses chevaliers ou ses bourgeoises,
assoiffés d'argent, de jouissance, de dignités.
Une telle peinture deviendrait facilement sombre: elle
est sauvée par la gaieté d'un discours comique dont les
effets, souvent de surface, ont le mérite d'une extrême
variété.
L'influence de Dancourt sur Marivaux et Beau
marchais n'est pas négligeable, mais il est vraiment le
fondateur de ce qu'on appellera au x1x• et au xx• siècle
le théâtre de boulevard [voir BOULEVARD (théâtre de)],
celui d'Émile Augier, d'Octave Mirbeau, d'André Rous
sin.
Sans grande originalité dramatique, mais
recherchant les scènes à effet et les morceaux brillants,
hardie dans la satire mais respectant les tabous de l'épo
que, cynique mais prudente, cette comédie fait rire sans
troubler le spectateur.
Et pourtant, à travers toutes ses
conventions, ce théâtre, par sa crudité et sa lucidité, reste
subversif en profondeur.
Dans le rire et la gaieté avec
plus de quatre-vingts ans d'avance, Dancourt a peut-être
été le premier fossoyeur du régime.
BŒLtOGRAPHIE La dernière édition faite du vivant de l'auteur est celle de
Ribou.
Paris.
1711, 7 vo l.
(vol.
VIII en 1714).
On peut considérer
comme définitive celle des Libraires associés, Paris, 1742, 8 vol.
L'édition de 1760, mêmes éditeurs, en 12 vol..
contient les airs
des différemes pièces.
Elle a été réimprimée par Slatkine,
Genève, 1968, en 3 vol.
Signalons deux rééditions de pièces
séparées; l'une par la S.T.F.M.
: Comédies, t.
1, 1985 (la Maison
de campagne, la Foire Saint-Germain, les Eaux de Bourbon) et
t.
II, 1989 (la Fête de village.
le Vert-gala /11, le Prix de l'arque
buse): éd.
A.
Blanc; l'autre par la Pléiade-Gallimard : Théâtre
du xvuf siècle, t.
III, 1992 (les Curieux de Compiègne, le_s Trois
Cousines, les Agioteurs, le Chevalier cl la mode, l'Eté des
coquelles.
les Vendanges de Suresnes), éd.
A.
Blanc et
J.
Truche1.
A consulter.
-Jules Lemaitre, la Comédie après Molière et le
théâtre de Dancourt, Paris, Hachette, 1882: Charles Barthélemy,
la Comédie de Dancourt, Paris , G.
Charpentier, 1882; Nivea
Mel ani, Motivi tradizionali e fantasia del «Divertissement» nef
tearro di F.C.
Dancourt, Naples.
lnstit.
univ.
orientale, 1970, et
Il Teatro «il la mode» di F.C.
Dancourt, contenant le texte de
certaines pièces, Naples, 1972: Carol Cleary, Aspects of the Life.
»
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