Dissertation sur le théâtre
Publié le 26/04/2013
Extrait du document
«
I) Le texte de théâtre : un texte ouvert
Intro I qui cite le sujet
A) Du « texte ouvert » au « texte troué »
Le texte théâtral est souvent caractérisé par un certain « désordre » et un refus de l’achèvement
qui trouvent leur source dans une polyphonie et un dialogisme tels que les envisage Bakhtine pour le
roman.
C’est pourquoi il « ne répond aux questions que par de nouvelles questions ».
L’absence de
narrateur empêche en effet qu’un sens unique puisse être asserté et fait du texte un « texte ouvert ».
Les
valeurs de l’œuvre sont donc en permanence contestée à travers un « foisonnement ».
Bien plus, au-delà
de cette composante, l’écriture dramatique affiche, au sein du « désordre » qu’y voit Bernard Dort, sa
spécificité par rapport aux autres genres en ce qu’elle programme à l’avance sa propre mise en scène.
La
représentation ne peut dès lors être pensée comme extérieure au texte mais bien comme contenue dans le
texte.
Dès lors le « texte ouvert » est avant tout, comme le dit Anne Ubersfeld dans Lire le théâtre , un
« texte troué » puisqu’il est contient un ensemble de lacunes que la représentation se chargera de
combler.
Par avance, ce texte s’écrit en fonction de l’impératif de « l’appel à la scène ».
Le texte
provoquerait ainsi autant la scène qu’il serait provoqué par elle.
Les paroles des personnages,
l’enchaînement des répliques, la disposition spatiale des acteurs comme du décor sont en effet agencés
dans l’écriture dramatique en fonction de la représentation.
Des indications de mouvement,
d’intonations, d’expressions sont ainsi contenues dans les mots mêmes, ce qui explique par exemple la
rareté des didascalies dans le théâtre de Racine où les paroles suffisent à la représentation.
Cf rôle des
didascalies ( didaskalos : metteur en scène) : indications scéniques : Le Fils naturel : abondances des
didascales pour la mimésis .
Ex : Le Mariage de Figaro : la dimension essentiellement spatiale, qui joue du « troisième lieu »
et des « péripéties éclair » (Schérer) est un « appel à la scène ».
Cette pièce prend « consistance » quand
elle s’incarne spatialement.
De même pour le recours à la musique ou aux chansons (II : romance de
Chérubin ; IV : remise de la toque virginale).
Les textes de Beaumarchais sont résolument « ouvert[s] »
vers la scène qu’ils « provoque[nt] ».
B) « Lire le théâtre » ?
C’est pourquoi toute mise en scène est bien le produit d’une lecture : représenter le théâtre
présuppose donc de le lire.
A cet égard, la question de la lecture du texte théâtral que pose Bernard Dort
souligne la spécificité de ce genre et de sa réception par rapport aux autres.
Chaque genre littéraire
impose un pacte de lecture qui lui est propre et le théâtre semble être le plus contraignant.
En effet, « lire
le théâtre », pour reprendre l’expression d’Anne Ubersfeld, impose une projection scénique nécessaire et
fait donc « appel » à une dimension absente de la lecture des autres genres.
Le texte théâtral requière
ainsi un « lecteur modèle » spécifique, pour part différent de celui qu’envisage Umberto Eco dans
Lector in fabula , puisqu’il doit être capable de construire une scène imaginaire qui supplée aux artifices
de la représentation.
Schlegel précise à cet égard dans son Cours de littérature dramatique que « notre
imagination est dès longtemps accoutumée, lorsque nous lisons les ouvrages dramatiques, à nous en
faire voir la représentation.
».
Le lire pourrait de la sorte suppléer aisément au voir réel par un voir
imaginaire.
Molière écrit d’ailleurs pour L’Amour médecin un Avertissement au lecteur et non au
spectateur, dans lequel il précise : « On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées ; et
je ne conseille de lire celle-ci qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le
jeu du théâtre.
» Ainsi, « lire le théâtre » mobiliserait davantage les facultés d’objectivations imaginaires
de l’esprit, dotant les personnages d’un corps et incarnant l’espace dans un décor.
La scène semble dès
lors apparaître comme un concept plus que comme une réalité.
Il s’agirait ainsi de jouer ce qui est lu.
La
représentation scénique devient une représentation mentale.
Le lecteur s’apparente à un metteur en scène
idéal qui ne connaît pas les limites matérielles imposées par la scène.
En effet, on ne peut pas tout
représenter alors qu’on peut presque tout se représenter.
Bien plus, la lecture au théâtre permettrait de
pénétrer une autre dimension de la pièce qui peut échapper à la représentation, en ce qu’elle laisse le
temps de s’interroger, d’avoir une lecture horizontale et verticale, de mettre en relation certains
2.
»
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