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Dissertation sur le théâtre

Publié le 26/04/2013

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Dissertation sur le théâtre Sujet Examinant les rapports du texte à la scène, Bernard Dort écrit : « Aussi les plus grands textes de théâtre, ceux qui ont suscité, à travers les âges, le plus d'interprétations scéniques, et les plus différentes entre elles, sont-ils ceux qui, à la lecture, nous semblent les plus problématiques. Complexes au point de paraître presque incohérents. Foisonnants à la limite du désordre. Un texte clos sur lui-même, qui contient expressément une réponse aux questions qui y sont formulées, a peu de chances d'être jamais repris. C'est le sort des pièces à thèse. En revanche, un texte ouvert, qui ne répond aux questions que par de nouvelles questions et qui prend délibérément le parti de son propre inachèvement, a toutes les chances de durer. C'est qu'il fait appel à la scène, qu'il la provoque et a besoin d'elle pour prendre consistance. « Le Spectateur en dialogue, POL, 1995, p. 263. Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis. Intro Il est possible de n'avoir d'autre connaissance du théâtre que livresque, par le biais du texte et de sa lecture. Certes, cette entrée dans le genre peut sembler biaisée et incomplète puisque, étymologiquement et historiquement, le théâtre est ce que l'on voit et s'assortit d'une dimension nécessairement spectaculaire. Il n'en reste pas moins que l'accès à ce genre peut aussi être médiatisé par l'écrit. Après des conflits incessants entre les tenants du texte et ceux de la scène, il semble essentiel de rappeler, à la manière de Bernard Dort dans Le Spectateur en dialogue, que « les plus grands textes de théâtre, ceux qui ont suscité, à travers les âges, le plus d'interprétations scéniques, sont (?) ceux qui, à la lecture, nous semblent les plus problématiques. « Ainsi, le critique semble bien faire de la lecture une dimension constitutive du théâtre, avant même toute représentation. Bernard Dort souligne que les chefs-d'?uvre du théâtre affichent leur appartenance à la littérature par le truchement de qualités paradoxales, la complexité « au point de paraître presque incohérents « et le foisonnement « à la limite du désordre «. C'est donc avant tout le texte en lui-même et sa densité qui fascinent. A rebours, les textes « clos «, comme les « pièces à thèse «, ont peu de chance de passer à la postérité et à la scène puisqu'ils affichent un sens unique et restreignent les possibilités d'interprétation scénique. Ce serait donc le « texte ouvert (..) qui prend délibérément le parti de son propre inachèvement «, à la manière dont le pense Umberto Eco, qui « a toutes les chances de durer « puisqu'il « fait appel à la scène, qu'il la provoque et a besoin d'elle pour prendre consistance «. La notion d'?uvre ouverte se voit ici élargie. Le texte du chef-d'?uvre théâtral semble ouvert à la manière de toute grande ?uvre littéraire, par sa faculté de susciter des interprétations démultipliées à la lecture. A cet égard, les textes ne seraient somme toute pas moins problématiques sur scène qu'à la lecture qui pourrait apparaître comme une tentative de mise en scène imaginaire relativisant le clivage entre la représentation et l'écrit. D'autant que, à s'ouvrir ainsi à l'infini, le texte théâtral semble devenir problématique pour la mise en scène placée devant un sens évanescent et insaisissable. Dès lors, son inachèvement se redouble si l'on envisage la vocation du texte de théâtre à être représenté. Le texte serait ainsi une entité en suspens, qui se démultiplie et reste béante puisqu'elle appelle simultanément l'interprétation du lecteur, celle de la représentation comme celle du spectateur. Devant ce triple système d'ouverture, le texte reste l'assise du théâtre. Néanmoins, la représentation, souvent pensée comme achèvement du texte par l'actualisation qu'elle opère, peut-elle encore fonctionner pour un texte aussi résolument ouvert et ne viendrait-elle nier les fins du texte en supprimant la condition qui le fonde, l'inachèvement ? Il s'agira ainsi de voir si le texte théâtral est en effet un texte pleinement ouvert qui confine absolument à un appel à la scène. Pour ce faire, nous tenterons de penser l'ouverture du texte théâtral eu égard à l'appel de la scène qu'il programme. Néanmoins, nous devrons envisager aussi la possibilité d'une fermeture paradoxale dans le théâtre, qu'il rompe volontairement avec l'appel de la scène ou qu'il se pense comme privé d'un substrat écrit. Au terme de ce parcours, il nous sera nécessaire de considérer que la représentation récrée la pièce, en lui faisant poser de nouvelles questions redoublant celles qu'il contient, démultipliant ses sens et son inachèvement dans un véritable « dialogue «, qu'évoque le titre de l'ouvrage de Bernard Dort, entre la représentation et le texte. I)Le texte de théâtre : un texte ouvert Intro I qui cite le sujet A)Du « texte ouvert « au « texte troué « Le texte théâtral est souvent caractérisé par un certain « désordre « et un refus de l'achèvement qui trouvent leur source dans une polyphonie et un dialogisme tels que les envisage Bakhtine pour le roman. C'est pourquoi il « ne répond aux questions que par de nouvelles questions «. L'absence de narrateur empêche en effet qu'un sens unique puisse être asserté et fait du texte un « texte ouvert «. Les valeurs de l'?uvre sont donc en permanence contestée à travers un « foisonnement «. Bien plus, au-delà de cette composante, l'écriture dramatique affiche, au sein du « désordre « qu'y voit Bernard Dort, sa spécificité par rapport aux autres genres en ce qu'elle programme à l'avance sa propre mise en scène. La représentation ne peut dès lors être pensée comme extérieure au te...

« I) Le texte de théâtre : un texte ouvert Intro I qui cite le sujet A) Du « texte ouvert » au « texte troué » Le texte théâtral est souvent caractérisé par un certain « désordre » et un refus de l’achèvement qui trouvent leur source dans une polyphonie et un dialogisme tels que les envisage Bakhtine pour le roman.

C’est pourquoi il « ne répond aux questions que par de nouvelles questions ».

L’absence de narrateur empêche en effet qu’un sens unique puisse être asserté et fait du texte un « texte ouvert ».

Les valeurs de l’œuvre sont donc en permanence contestée à travers un « foisonnement ».

Bien plus, au-delà de cette composante, l’écriture dramatique affiche, au sein du « désordre » qu’y voit Bernard Dort, sa spécificité par rapport aux autres genres en ce qu’elle programme à l’avance sa propre mise en scène.

La représentation ne peut dès lors être pensée comme extérieure au texte mais bien comme contenue dans le texte.

Dès lors le « texte ouvert » est avant tout, comme le dit Anne Ubersfeld dans Lire le théâtre , un « texte troué » puisqu’il est contient un ensemble de lacunes que la représentation se chargera de combler.

Par avance, ce texte s’écrit en fonction de l’impératif de « l’appel à la scène ».

Le texte provoquerait ainsi autant la scène qu’il serait provoqué par elle.

Les paroles des personnages, l’enchaînement des répliques, la disposition spatiale des acteurs comme du décor sont en effet agencés dans l’écriture dramatique en fonction de la représentation.

Des indications de mouvement, d’intonations, d’expressions sont ainsi contenues dans les mots mêmes, ce qui explique par exemple la rareté des didascalies dans le théâtre de Racine où les paroles suffisent à la représentation.

Cf rôle des didascalies ( didaskalos : metteur en scène) : indications scéniques : Le Fils naturel : abondances des didascales pour la mimésis .

Ex : Le Mariage de Figaro : la dimension essentiellement spatiale, qui joue du « troisième lieu » et des « péripéties éclair » (Schérer) est un « appel à la scène ».

Cette pièce prend « consistance » quand elle s’incarne spatialement.

De même pour le recours à la musique ou aux chansons (II : romance de Chérubin ; IV : remise de la toque virginale).

Les textes de Beaumarchais sont résolument « ouvert[s] » vers la scène qu’ils « provoque[nt] ».

B) « Lire le théâtre » ? C’est pourquoi toute mise en scène est bien le produit d’une lecture : représenter le théâtre présuppose donc de le lire.

A cet égard, la question de la lecture du texte théâtral que pose Bernard Dort souligne la spécificité de ce genre et de sa réception par rapport aux autres.

Chaque genre littéraire impose un pacte de lecture qui lui est propre et le théâtre semble être le plus contraignant.

En effet, « lire le théâtre », pour reprendre l’expression d’Anne Ubersfeld, impose une projection scénique nécessaire et fait donc « appel » à une dimension absente de la lecture des autres genres.

Le texte théâtral requière ainsi un « lecteur modèle » spécifique, pour part différent de celui qu’envisage Umberto Eco dans Lector in fabula , puisqu’il doit être capable de construire une scène imaginaire qui supplée aux artifices de la représentation.

Schlegel précise à cet égard dans son Cours de littérature dramatique que « notre imagination est dès longtemps accoutumée, lorsque nous lisons les ouvrages dramatiques, à nous en faire voir la représentation.

».

Le lire pourrait de la sorte suppléer aisément au voir réel par un voir imaginaire.

Molière écrit d’ailleurs pour L’Amour médecin un Avertissement au lecteur et non au spectateur, dans lequel il précise : « On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées ; et je ne conseille de lire celle-ci qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre.

» Ainsi, « lire le théâtre » mobiliserait davantage les facultés d’objectivations imaginaires de l’esprit, dotant les personnages d’un corps et incarnant l’espace dans un décor.

La scène semble dès lors apparaître comme un concept plus que comme une réalité.

Il s’agirait ainsi de jouer ce qui est lu.

La représentation scénique devient une représentation mentale.

Le lecteur s’apparente à un metteur en scène idéal qui ne connaît pas les limites matérielles imposées par la scène.

En effet, on ne peut pas tout représenter alors qu’on peut presque tout se représenter.

Bien plus, la lecture au théâtre permettrait de pénétrer une autre dimension de la pièce qui peut échapper à la représentation, en ce qu’elle laisse le temps de s’interroger, d’avoir une lecture horizontale et verticale, de mettre en relation certains 2. »

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