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Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, acte IV, scène 4

Publié le 17/01/2022

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rostand

DE GUICHE:

Ah?. . . Ma foi!

Cela suffit.

(S'adressant aux cadets):

Je peux mépriser vos bravades.

On connaît ma façon d'aller aux mousquetades;

Hier, à Bapaume, on vit la furie avec quoi

J'ai fait lâcher le pied au comte de Bucquoi;

Ramenant sur ses gens les miens en avalanche,

J'ai chargé par trois fois!

CYRANO (sans lever le nez de son livre):

Et votre écharpe blanche?

DE GUICHE (surpris et satisfait):

Vous savez ce détail?. . .En effet, il advint,

Durant que je faisais ma caracole afin

De rassembler mes gens la troisième charge,

Qu'un remous de fuyards m'entraîna sur la marge

Des ennemis; j'étais en danger qu'on me prît

Et qu'on m'arquebusât, quand j'eus le bon esprit

De dénouer et de laisser couler à terre

L'écharpe qui disait mon grade militaire;

En sorte que je pus, sans attirer les yeux,

Quitter les Espagnols, et revenant sur eux,

Suivi de tous les miens réconfortés, les battre!

- Eh bien! que dites-vous de ce trait?

(Les cadets n'ont pas l'air d'écouter; mais ici les cartes et les cornets à dés restent en l'air, la fumée des pipes demeure dans les joues: attente.)

CYRANO:

Qu'Henri quatre

N'eût jamais consenti, le nombre l'accablant,

A se diminuer de son panache blanc.

(Joie silencieuse. Les cartes s'abattent. Les dés tombe. La fumée s'échappe.)

DE GUICHE:

L'adresse a réussi, cependant!

(Même attente suspendant les jeux et les pipes.)

CYRANO:

C'est possible.

Mais on n'abdique pas l'honneur d'être une cible.

(Cartes, dés, fumées, s'abattent, tombent, s'envolent avec une satisfaction croissante):

Si j'eusse été présent quand l'écharpe coula

--Nos courages, monsieur, diffèrent en cela

Je l'aurais ramassée et me la serais mise.

DE GUICHE:

Oui, vantardise, encor, de gascon!

CYRANO:

Vantardise ?. . .

Prêtez-la-moi. Je m'offre à monter, dès ce soir,

A l'assaut, le premier, avec elle en sautoir.

DE GUICHE:

Offre encor de gascon! Vous savez que l'écharpe

Resta chez l'ennemi, sur les bords de la Scarpe,

En un lieu que depuis la mitraille cribla,

Où nul ne peut aller la chercher!

CYRANO (tirant de sa poche l'écharpe blanche et la lui tendant):

La voilà. 

La scène 4 de l'acte IV est une scène de conflit entre Cyrano et le comte de Guiche. Le conflit s'exprime d'abord par deux postures différentes : quand l'un recherche les exploits gratuits, l'autre se pose en chef de guerre pragmatique. Le conflit s'exprime aussi dans la manière dont les deux ennemis cherchent à séduire leur public : l'un se révèle un comédien et un metteur en scène subtil, tandis que l'autre, par une vantardise exagérée, produit un effet contraire à celui qu'il visait.

rostand

« L'adresse a réussi, cependant! (Même attente suspendant les jeux et les pipes.) CYRANO: C'est possible. Mais on n'abdique pas l'honneur d'être une cible. (Cartes, dés, fumées, s'abattent, tombent, s'envolent avec une satisfaction croissante): Si j'eusse été présent quand l'écharpe coula --Nos courages, monsieur, diffèrent en cela-- Je l'aurais ramassée et me la serais mise. DE GUICHE: Oui, vantardise, encor, de gascon! CYRANO: Vantardise?.

.

. Prêtez-la-moi.

Je m'offre à monter, dès ce soir, A l'assaut, le premier, avec elle en sautoir. DE GUICHE: Offre encor de gascon! Vous savez que l'écharpe Resta chez l'ennemi, sur les bords de la Scarpe, En un lieu que depuis la mitraille cribla,-- Où nul ne peut aller la chercher! CYRANO (tirant de sa poche l'écharpe blanche et la lui tendant): La voilà. [Introduction] Edmond Rostand est l'homme d'un succès : en 1897, le panache de Cyrano de Bergerac, incarné par Coquelin,conquiert le public.

À la scène 4 de l'acte IV de Cyrano de Bergerac, le héros éponyme affronte son rival, le comte de Guiche, qui menace le bonheur de Roxane.

Alors que le comte se vante de ses exploits militaires devant lescadets, Cyrano a à coeur de démontrer que le colonel est un homme sans honneur.

Nous montrerons dans unepremière partie que les deux hommes défendent des valeurs différentes : l'un est un adepte de l'efficacité, tandisque l'autre recherche des exploits gratuits.

Dans une deuxième partie, nous verrons comment les deux rivauxessaient de conquérir leur auditoire et de séduire le public. [I — L'efficacité contre la gratuité] [A. Un colonel valeureux et conquérant] Il apparaît tout d'abord que le comte de Guiche a pour principal objectif d'emporter la victoire contre les Espagnols.Il fait preuve de pragmatisme et d'efficacité.

Son discours vise donc à rendre compte de manière précise etconcrète de ses victoires.

Il emploie ainsi des noms propres : des noms de lieux, qui précisent les enjeux desbatailles emportées et des conflits à venir (« à Bapaume » (v.

3), « sur les bords de la Scarpe » (v.

32), ou desnoms de personnes, qui identifient clairement les ennemis (« au comte de Bucquoi » (v.

4).

De même, il recourt àdes termes techniques, appartenant au jargon militaire (« mousquetades » (v.

2), « caracole » (v.

9), « mitraille ». »

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