Eluard - Biographie
Publié le 23/11/2012
Extrait du document


«
Mais, quand cette respiration de soleil est brisée par le carnage, la fureur obtuse, l'avidité
rageuse de la destruction et du mal, la colère brise aussi ce murmure de cristal.
Il y a un
Eluard fondamental, celui qui dit :
J'ai la beauté facile et c'est heureux
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers.
Mais, dès ses vingt ans, il y a le réfractaire stupéfait, celui qui écrivait du front : « On a honte
d'être là » devant le spectacle d'un camarade agonisant ; celui qui écrira plus tard : « Le
principal désir des hommes, dans la société où je vis, est de posséder [...].
Tout se dresse, à
chacun de nos pas, pour nous humilier, pour nous faire retourner en arrière [...].
La poésie
véritable est incluse dans tout ce qui ne se conforme pas à cette morale qui, pour maintenir
son ordre, son prestige, ne doit construire que des casernes, des prisons, des églises, des
bordels.
»
Eluard le violent
Eluard le voyant-transparent peut être, doit devenir aussi Eluard le violent, le rebelle.
Il
projette, face à cette société qu'il veut contribuer à ruiner, l'image d'une contre-société qui
n'est pas simplement une « vue de l'esprit » dans la mesure où il a l'expérience immédiate
d'une autre façon d'être, d'un autre pacte des vivants avec les vivants, d'un autre état de vie.
À
travers le dadaïsme, le surréalisme, le stalinisme, c'est la même démarche obstinée, démentie
souvent, mais jamais réfutée.
« Si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles.
» Quand
Eluard célébrera Joseph Staline, à l'occasion de l'anniversaire de celui-ci, il n'écrira pas un de
ces innombrables et sinistres péans flagorneurs qui s'élèveront de la Russie écrasée et de la
bouche des dupes ou des complices occidentaux ; il écrira un très beau poème qui ne fait pas
le portrait d'un homme historique, mais d'une terre promise et donnée.
Un poème qui n'est
tragique que par l'écart entre la vision et ce que notre regard découvre.
Au cours des dernières années de sa vie (il devait mourir en novembre 1952, avant la mort de
Staline et le XX e
Congrès), il arrivait aux admirateurs d'Eluard de regretter que le sublime
poète de l'amour sublime se fût « encanaillé » dans la politique et qu'Ariel se fût « engagé »
avec Caliban.
Quand on suit la longue respiration ininterrompue de la poésie d'Eluard, il semble au contraire
qu'on ne puisse séparer le poète « amoureux » du poète « pour tous », comme il disait.
Ce
n'est pas malgré sa ressource inépuisable de révolte, sa perpétuelle revendication « utopique »
qu'Eluard a été un grand poète, le poète, aussi, de ce rapport modèle entre les êtres, de cette
relation étalon : l'amour.
Ce n'est pas au détriment de sa vision la plus radieuse des ressources
de l'esprit humain qu'il aura manié les rames de l'indignation, de la dénonciation.
Si le poète de L'Amour , la poésie (1929) et du Phénix (1951) n'a jamais laissé tarir son
ruissellement de mots limpides, c'est aussi, c'est d'abord grâce à sa ressource de stupeur, de
colère et de rage très raisonnable.
On pressent ce qui aurait pu gâter cette œuvre, en effet, si
elle n'avait pas été soutenue et transportée par l'inapaisable violence d'un perpétuel « jeune
homme en colère ».
Il lui arrive d'effleurer la mièvrerie, de côtoyer la puérilité et de risquer de
tomber de l'innocence authentique dans l'imagerie d'Épinal de la naïveté.
Mais si Eluard évite
la plupart du temps ces périls, c'est parce qu'il est en même temps le témoin de la grâce
d'exister et un démolisseur de ruines, un ange expérimental et un archange combattant et
furieux.
Claude ROY.
»
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