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Eluard - Biographie

Publié le 23/11/2012

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« Liberté, j'écris ton nom... « Mais cette description de La Vie immédiate de Paul Eluard, sans être inexacte, ne serait pas vraie du tout. Les catastrophes de son temps, les soubresauts de l'histoire auront pour Eluard un caractère aussi immédiat que les accidents ou les clartés de son destin individuel. Il a raconté lui-même que le poème qui devait le rendre célèbre au-delà des cercles d'amateurs de poésie, Liberté, écrit en 1941, fut d'abord, dans la première nébuleuse d'où émergeaient les mots, un poème d'amour ; qu'il s'intitulait primitivement Une seule pensée, que cette pensée était, à sa naissance, celle de la femme qu'il aimait ; et que c'est seulement au fur et à mesure que la litanie amoureuse s'élargissait que le poète prit conscience que son poème ne concernait pas seulement un homme écrivant le nom de son aimée, mais tous les hommes du monde, alors en proie à la servitude, écrivant le nom de l'amour qui les résume toutes : celui de la liberté. C'est qu'Eluard a eu des idées générales sur la condition des hommes, a beaucoup réfléchi sur le travail du poète, sur l'histoire de la poésie (dans ses essais, Avenir de la poésie, 1937 ; Donner à voir, 1939, comme dans ses importantes anthologies), sur la politique (dans de nombreux articles et discours), sur la philosophie. Mais on peut dire de lui qu'il n'a jamais eu d'opinions, au sens où on a une opinion comme on a une maison, un stylo, ou une automobile. Ce poète qui se voulut, avec une obstination à la fois admissi...
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« Mais, quand cette respiration de soleil est brisée par le carnage, la fureur obtuse, l'avidité rageuse de la destruction et du mal, la colère brise aussi ce murmure de cristal.

Il y a un Eluard fondamental, celui qui dit : J'ai la beauté facile et c'est heureux Je glisse sur le toit des vents Je glisse sur le toit des mers. Mais, dès ses vingt ans, il y a le réfractaire stupéfait, celui qui écrivait du front : « On a honte d'être là » devant le spectacle d'un camarade agonisant ; celui qui écrira plus tard : « Le principal désir des hommes, dans la société où je vis, est de posséder [...].

Tout se dresse, à chacun de nos pas, pour nous humilier, pour nous faire retourner en arrière [...].

La poésie véritable est incluse dans tout ce qui ne se conforme pas à cette morale qui, pour maintenir son ordre, son prestige, ne doit construire que des casernes, des prisons, des églises, des bordels.

» Eluard le violent Eluard le voyant-transparent peut être, doit devenir aussi Eluard le violent, le rebelle.

Il projette, face à cette société qu'il veut contribuer à ruiner, l'image d'une contre-société qui n'est pas simplement une « vue de l'esprit » dans la mesure où il a l'expérience immédiate d'une autre façon d'être, d'un autre pacte des vivants avec les vivants, d'un autre état de vie.

À travers le dadaïsme, le surréalisme, le stalinisme, c'est la même démarche obstinée, démentie souvent, mais jamais réfutée.

« Si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles.

» Quand Eluard célébrera Joseph Staline, à l'occasion de l'anniversaire de celui-ci, il n'écrira pas un de ces innombrables et sinistres péans flagorneurs qui s'élèveront de la Russie écrasée et de la bouche des dupes ou des complices occidentaux ; il écrira un très beau poème qui ne fait pas le portrait d'un homme historique, mais d'une terre promise et donnée.

Un poème qui n'est tragique que par l'écart entre la vision et ce que notre regard découvre. Au cours des dernières années de sa vie (il devait mourir en novembre 1952, avant la mort de Staline et le XX e Congrès), il arrivait aux admirateurs d'Eluard de regretter que le sublime poète de l'amour sublime se fût « encanaillé » dans la politique et qu'Ariel se fût « engagé » avec Caliban. Quand on suit la longue respiration ininterrompue de la poésie d'Eluard, il semble au contraire qu'on ne puisse séparer le poète « amoureux » du poète « pour tous », comme il disait.

Ce n'est pas malgré sa ressource inépuisable de révolte, sa perpétuelle revendication « utopique » qu'Eluard a été un grand poète, le poète, aussi, de ce rapport modèle entre les êtres, de cette relation étalon : l'amour.

Ce n'est pas au détriment de sa vision la plus radieuse des ressources de l'esprit humain qu'il aura manié les rames de l'indignation, de la dénonciation. Si le poète de L'Amour , la poésie (1929) et du Phénix (1951) n'a jamais laissé tarir son ruissellement de mots limpides, c'est aussi, c'est d'abord grâce à sa ressource de stupeur, de colère et de rage très raisonnable.

On pressent ce qui aurait pu gâter cette œuvre, en effet, si elle n'avait pas été soutenue et transportée par l'inapaisable violence d'un perpétuel « jeune homme en colère ».

Il lui arrive d'effleurer la mièvrerie, de côtoyer la puérilité et de risquer de tomber de l'innocence authentique dans l'imagerie d'Épinal de la naïveté.

Mais si Eluard évite la plupart du temps ces périls, c'est parce qu'il est en même temps le témoin de la grâce d'exister et un démolisseur de ruines, un ange expérimental et un archange combattant et furieux. Claude ROY. »

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