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Émile ZOLA, La Terre: La Beauce - Commentaire

Publié le 16/09/2011

Extrait du document

zola

Ainsi, la Beauce, devant lui, déroula sa verdure, de novembre à

juillet, depuis le moment où les pointes vertes se montrent, jusqu'à

celui où les hautes tiges jaunissent. Sans sortir de sa maison, il la

désirait sous ses yeux, il avait débarricadé la fenêtre de la cuisine,

celle de derrière, qui donnait sur la plaine; et il se plantait là, il

voyait dix lieues de pays, la nappe immense, élargie, toute nue,

sous la rondeur du ciel. Pas un arbre, rien que des poteaux

télégraphiques de la route de Châteaudun à Orléans, filant droit, à

perte de vue. D'abord, dans les grands carrés de terre brune, au ras

du sol, il n'y eut qu'une ombre verdâtre, à peine sensible. Puis, ce

vert tendre s'accentua, des pans de velours vert, d'un ton presque

uniforme. Puis les brins montèrent et s'épaissirent, chaque plante

prit sa nuance, il distingua de loin le vert jaune du blé, le vert bleu

de l'avoine, le vert gris du seigle, des pièces à l'infini, étalées dans

tous les sens, parmi les plaques rouges des trèfles incarnats. C'était

l'époque où la Beauce est belle de sa jeunesse, ainsi vêtue de

printemps, unie et fraîche à l'oeil, en sa monotonie. Les tiges

grandirent encore, et ce fut la mer, la mer des céréales, roulante,

profonde, sans bornes. Le matin, par les beaux temps, un brouillard

rose s'envolait. A mesure que montait le soleil, dans l'air limpide,

une brise soufflait par grandes haleines régulières, creusant les

champs d'une houle, qui partait de l'horizon, se prolongeait, allait

mourir à l'autre bout. Un. vacillement pâlissait les teintes, des

moires de vieil or couraient le long des blés, les avoines bleuissaient,

tandis que les seigles frémissants avaient des reflets violâtres.

Continuellement, une ondulation succédait à une autre, l'éternel

flux battait sous le vent du large. Quand le soir tombait, des

façades lointaines, vivement éclairées, étaient comme des voiles

blanches, des clochers émergeant plantaient des mâts, derrière des

plis de terrain. Il faisait froid, les ténèbres élargissaient cette

sensation humide et murmurante de pleine mer, un bois lointain

s'évanouissait, pareil à la tache perdue d'un continent.

Émile ZOLA, La Terre.

Vous ferez de ce texte un commentaire composé, en essayant, par exemple, de discerner l'originalité de la description qui, tout en évoquant la réalité, la dépasse.

Parallèlement à ces indications, des notations de couleur très précises viennent souligner la marche du temps et la croissance des céréales. L'oeil du connaisseur qu'est Buteau sait distinguer, de loin, le progrès des cultures ou faire la différence entre un champ de blé, d'avoine ou de seigle, à une nuance de vert...

zola

« Lorsque Zola avait conçu le plan des romans qui devaient retracer l'histoire des Rougon-Macquart, il n'avait pas prévu d'y inclure une peinture du monde paysan, et ce n'est qu'après son installation à Médan, en 1878, qu'il prit conscience de cette lacune.

Désormais sensibilisé aux problèmes des paysans, il décida d'écrire une œuvre de vérité sociale, indispensable, selon lui, après les romans champêtres et idéalistes de George Sand, ou même la peinture trop inexacte des Paysans de Balzac.

La Terre, paru en 1887, suscita de violentes controverses et certains disciples de Zola, choqués par cette « littérature putride », se désolidarisèrent du maître : les mœurs paysannes étaient en effet décrites avec un réalisme cru, et certaines scènes de violence bestiale furent considérées comme des calomnies ou des portraits-charge.

En revanche, la critique fut unanime à saluer la poésie avec laquelle Zola avait su évoquer les travaux et les jours de la terre beauceronne.

Au début de la troisième partie du roman, Buteau vient enfin d'acquérir la terre qu'il convoitait depuis longtemps : « cette première année de possession » est pour lui " une jouissance ».

Et Zola, dans une très belle page, nous décrit ce paysage de la Beauce que Buteau ne se lasse pas de contempler.

Très vite, pourtant, emporté par son imagination, il dépasse le simple réalisme dans une vision poétique .

A l'immobilité de l'observateur s'oppose l'écoulement du temps, qui rythme cette description.

« Ainsi, la Beauce, devant lui, déroula sa verdure ...

» : Buteau n'a pas besoin de sortir de chez lui; il n'a qu'à « se planter là », comme le dit Zola en reprenant le langage parlé et familier du paysan, et le paysage lui est en quelque sorte offert comme un spectacle, comme un film qui se déroule sous ses yeux.

C'est d'ailleurs une sorte d'écran panoramique qui est devant lui.

Son regard parcourt la plaine, « à perte de vue », et de nombreux termes évoquent l'ampleur du paysage : « la nappe immense, élargie » de la plaine, où aucun obstacle ne vient arrêter la vue ; « des pièces à l'infini, étalées dans tous les sens • ; la mer « sans bornes • des céréales..

.

Ce paysan qui, de sa maison, contemple « dix lieues de pays "• exprime, dans son langage, sa satisfaction de « propriétaire » : « pas un arbre, rien que des. »

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