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ENFANCE ET ADOLESCENCE DE LA BRUYERE

Publié le 07/07/2011

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Louis Ier de La Bruyère et Elisabeth Hamonyn avaient, lors de leur mariage, installé leur foyer au centre de la Cité, à proximité de l'église Saint-Christophe, probablement pour ne s'éloigner point de leurs affaires et de leur famille. Ce quartier était fort mélancolique, traversé par des rues étroites, jalonné de chapelles et de couvents. A l'horizon, Notre-Dame, protégeant les bâtiments de l'archevêché et la multitude des maisons qui vivaient de son clergé, tendait vers le ciel ses hautes tours ajourées. Voisinant avec elle, penché sur le bord de la Seine, se dressait l'Hôtel-Dieu. Louis Ier n'avait que quelques pas à faire, le pont Notre- Dame traversé, pour se rendre à l'Hôtel de Ville, où l'appelait son contrôle général des rentes. Forcé, par la modestie de sa condition, de se priver des plaisirs réservés aux gens fortunés, du moins s'accorda-t-il libéralement les joies delà famille. Treize mois après son mariage, le 17 août 1645, le curé de Saint-Christophe baptisait, en effet, son premier enfant, Jean III, notre héros, sans se douter qu'il versait l'eau lustrale sur un front prédestiné à la gloire. Les parrain et marraine furent Jean II, l'oncle du côté paternel, et Geneviève Dubois, femme de Daniel Hamonyn, la tante du côté maternel. 

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« Certains poètes, écrira-t-il plus tard, sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux quisemblent forts, élevés et remplis de grands sentiments.

Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la boucheouverte, croit que cela lui plaît et, à mesure qu'il y comprend moins, l'admire davantage ; il n'a pas le temps derespirer, il a à peine celui de se récrier et d'applaudir.

J'ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que cesendroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et pour l'amphithéâtre, que leurs auteurss'entendaient eux-mêmes, et qu'avec toute l'attention que je donnais à leur récit, j'avais tort de n'y rien entendre :je suis détrompé.Dans sa propre famille, La Bruyère enfant retrouvait un autre aspect de ce peuple, aspect peu riant en vérité.Il avait, en effet, du côté de sa mère, grands-parents et cousins appartenant au bas monde de la justice.

LesHamonyn étaient huissiers au Parlement, procureurs au Châtelet.

On peut présumer qu'ils ne faisaient pas meilleurefigure et qu'ils n'étaient pas pénétrés de sentiments meilleurs que leurs confrères.

Or, ceux-ci, au dix-septièmesiècle, sont couverts de brocards, d'épigrammes, d'injures par tous gens sachant tenir une plume qui eurent recoursà leur ministère.Pour savoir ce qu'était un procureur, il faut surtout avoir recours à Furetière, qui met en scène ce type d'humanitédans son Roman bourgeois et dans ses Poésies diverses.

Nul n'entamait un procès sans avoir affaire à cepersonnage qui intervenait en son nom.

Il était d'ordinaire vêtu comme un homme de village et offrait, à quiconqueFallait visiter dans son antre malpropre, aux environs du Palais de Justice, une mine bourrue.

On le trouvaitgénéralement au coin de son feu, le chef couvert d'un « gras bonnet de nuit », surveillant sa marmite où cuisaitquelque délectable poularde.

Si l'on faisait mine de l'entretenir de son différend, il se montrait généralement d'unebrutalité sans exemple.

On n'avait d'autre moyen de l'apaiser que de lui mettre dans la main quelque sac de pistolesou quelque chapon bien truffé.

Dès lors, il devenait aimable et consentait même à s'arranger pour que les magistratsdu Parlement jugeassent votre cas avant l'heure de votre mort.

Il était vain d'essayer de l'attendrir sans profit pourlui.

Le pauvre, dans sa maison,-ne subissait que rebuffades méprisantes.Vollichon, tel est le nom que Furetière donna à ce coquin revêtu de la robe.C'était, dit-il, un petit homme trapu, grisonnant et qui était du même âge que sa calotte.

Il avait vieilli avec ellesous un bonnet gras et enfoncé qui avait plus couvert de méchancetés qu'il n'en aurait pu tenir dans cent autrestêtes, et sous cent autres bonnets : car la chicane s'était emparée du corps de ce petit homme comme le démon sesaisit du corps d'un possédé...

Il faisait damner tous ceux qui avaient affaire à lui, soit en qualité de ses clients, oucomme ses parties adverses.

Il avait la bouche bien fendue, ce qui n'est pas un petit avantage pour un homme quipasse sa vie à clabauder, et dont une des bonnes qualités, c'est d'être fort en gueule.

Ses yeux étaient fins etéveillés ; son oreille était excellente, car elle entendait le son d'un quart d'écu de cinq cents pas ; et son espritétait prompt pourvu qu'il ne le fallût pas appliquer à faire du bien.

Jamais il n'y eut ardeur pareille à la sienne, je nedis pas tant à servir les parties, comme à les voler.

Il regardait le bien d'autrui comme les chats regardent un oiseaudans une cage, à qui ils tâchent, en sautant autour, de donner quelques coups de griffe...

Il avait une antipathienaturelle contre la vérité, etc...Ainsi s'offraient à l'observation de La Bruyère ses parents les procureurs et leurs compères les huissiers.

Soit qu'ilallât les visiter dans leur logis, soit qu'il les accompagnât sur le quai Saint-Bernard où ils avaient coutume de jouerau jeu de boules, en s'injuriant et se gourmant, ses impressions étaient les mêmes.

Il en revenait imprégné detristesse - et de dégoût.

Son honnêteté native était soumise à rude épreuve.

Néanmoins il ne médira point desfripons de « petite robe » et de leur sordide rapacité.

Il ne leur reprochera point d'escroquer le plaideur.

Il sebornera à leur signaler leur outrecuidance quand ils prétendront s'approprier, dans les cérémonies, les honneurs dusaux avocats.Cette petite nation de pieds-plats sera même par lui excusée de se conduire sans honneur, car telle est l'attitude detoute la magistrature à cette époque.

Par suite, elle ne le détournera point de son amour pour le peuple.

Et même,lorsqu'il aura hanté les salons et le Louvre où fréquentent les seigneurs, il se déclarera avec éclat pour les humbles.Si je compare ensemble, écrira-t-il, les deux conditions des hommes les plus opposées, je veux dire les grands avecle peuple, ce dernier me paraît content du nécessaire, et les autres sont inquiets et pauvres avec le superflu.

Unhomme du peuple ne saurait faire aucun mal ; un grand ne veut faire aucun bien et est capable de grands maux.L'un ne se forme et ne s'exerce que dans les choses qui sont utiles ; l'autre y joint les pernicieuses.

Là se montrentingénument la grossièreté et la franchise; ici se cache une sève maligne et corrompue sous l'écorce de la politesse.Le peuple n'a guère d'esprit, et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fonds et n'a point de dehors; ceux-cin'ont que des dehors et qu'une simple superficie.

Faut-il opter? Je ne balance pas : je veux être peuple.Tel n'était pas, cependant, le désir de son père.

Lorsque le jeune homme eut achevé ses études à l'Oratoire, LouisIer essaya, évidemment, de le diriger vers une carrière dont il pût tirer à la fois profit et honneurs.

Jean III était,comme ses ascendants, animé d'une foi profonde.

On prétend qu'il endossa un instant la robe des oratoriens.Renonça-t-il par défaut de vocation à la mission d'instruire et de catéchiser ses contemporains? Fut-il déterminé àce renoncement par des causes d'ordre matériel? Nul ne le pourrait dire.

Toujours est-il que, peu après, il se plongedans l'aride science du droit.

Lentement, à Paris même, il prépare la licence qui fera de lui un avocat au Parlement.La meilleure université de France, en matière de droit, était alors l'université d'Orléans.

Elle groupait en ses écolesdes étudiants de toutes les nations.

Voiture, agrégé à la nation picarde, et bien d'autres qui devinrent célèbres audix-septième siècle, y avaient pris leurs degrés.

En juin 1665, Jean de La Bruyère, chargé de deux thèses imprimées: De tutelis et donationibus, s'y présentait devant les régents chargés d'examiner la science des candidats.C'étaient, au dire de Perrault, des personnages plutôt indulgents et auprès desquels l'argent avait plus d'éloquenceque le jargon judiciaire.

Ils interrogeaient en pensant à leurs affaires, n'écoutaient point les réponses et sedéclaraient satisfaits pourvu que l'on eût, à l'avance, réglé les frais dont ils tâtaient une part.

Ils décernaientensuite un 'parchemin qui parait le candidat d'une compétence en droit civil et en droit canonique.

Celui-ci pouvait,dès lors, bavarder avec emphase par-devant Messieurs du Parlement, défendre la veuve et l'orphelin et tirer d'euxsa subsistance.La Bruyère n'eut, donc aucune difficulté à être reçu.

Il avait avec quelque émotion, sur les registres de l'Université,. »

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