Érotisme et amour : les visages de la femme dans les oeuvres de Malraux

« E X P 0 S É S F C H E S lier.

C'est ainsi que Ferrai veut maintenir la lumière allumée lorsqu'il est sur Je point de posséder Valérie (La Condition humaine) parce qu'il veut voir la transformation de ses traits sous l'effet du plaisir.

Il y a donc un besoin de domination qui s'appa­ rente chez ces hommes à leur volonté de conquête au plan social ou politique.

L'échec de l'érotisme L'érotisme est une impasse: il est impossible de s'identifier à l'autre, et la pos­ session est une illusion.

Perken en a la preuve dans la scène déjà citée de La Voie royale.

Ferrai en éprouve la cuisante leçon : Valérie se venge de lui en Je ridiculi­ sant publiquement peu après, et en lui adressant une lettre cinglante.

L'érotisme est une illusion similaire à celle de la possession : le partenaire, pas plus que le pou­ voir, ne peut devenir une propriété.

Le penser conduit nécessairement à l'impossi­ bilité de communiquer, l'érotisme est un cercle qui enferme celui qui se laisse prendre à son jeu.

Grabat, qui voulait un royaume pour « avoir » toutes les femmes, est peut-être châtré lorsqu'on le retrouve: castration qui menace symbo­ liquement tous les autres.

~ Ill -LES FIGURES DE L'AMOUR La complicité partagée « ...

mes semblables sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'ai­ ment contre tout », songe Kyo, après que May lui eut avoué une aventure passa­ gère.

Le passage est éclairant : !'apparente infidélité du corps révèle symbolique­ ment la liberté de l'autre, son indépendance qui nous interdit de jamais espérer Je «posséder».

Mais c'est à ce moment que Je lien amoureux entre eux, d'une sorte différente et plus haute, lui apparaît malgré la jalousie: l'amour est cette« compli­ cité consentie», qui fait que l'autre n'est plus celui qui regarde et juge mais qui est uni à moi.

L'ouverture à l'autre permet de rompre Je cercle de la solitude, mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut oublier tout esprit de possession afin que l'autre soit reconnu pour lui-même.

« La femme est aussi un être humain » (souligné par Mal­ raux) écrit ironiquement Valérie à Ferrai.

..

L'amour plus fort que la mort Dans la ive partie de La Condition humaine, Kyo et May s'affrontent sur le point de savoir si May accompagnera son mari à une réunion dangereuse.

Kyo veut lui éviter ce risque, et la protéger, May veut au contraire partager cet instant.

L'enjeu du débat est la reconnaissance de l'autre et chacun va faire assaut de générosité à la manière des héros cornéliens.

May accepte de laisser partir Kyo sans elle.

Lui va se rendre compte que vouloir la protéger, c'est en réalité la traiter comme un être dé­ pendant : « de quel droit.

..

? » se demande-t-il.

Il revient la chercher comprenant «qu'accepter d'entraîner l'être qu'on aime dans la mort est peut-être la forme totale de l'amour».

Le véritable amour s'accomplit dans Je risque partagé, suprême défi adressé à la mort, qui rappelle la fraternité dans les relations viriles.

La figure maternelle La forme ultime de !'amour apparaît dans les scènes où la femme est en présence du cadavre de l'homme aimé.

La ressemblance avec les pietà* métamorphose la femme en mère comme le montrent les «affreux mots maternels qu'elle (May) n'osait prononcer».

La maternité prolonge l'amour de manière allégorique, parce qu'elle aussi est lutte contre la mort, affirmation de la vie.

LES ROMANS DE MALRAUX =:!TI]. »