Étudiez les formes et les fonctions de la lettre dans le roman et dans le film

« 10 6 lettres CIVet CV.

La lettre reçue est jointe, ouverte, à un autre correspondant : les let­ tres LXXlll et XCIII à Cécile enjoignent cette dernière d'obéir à Valmont.

Souvent, la lettre est placée sous un autre regard que celui de son destinataire.

Au début, Valmont érige la Mar quise en lectrice (XXIV, XC).

Et celle-ci rend Valmont témoin de ses triomphes (LXXXVI, CV).

Enfin, les lettres peuvent être publiées.

Le noya u dramat ique L'exig ence de la Marquise (XX) conditionne tout le dénouement, en parti culier la lettre de rupture.

Laconique, la déclaration des hostilités préfigure la passe d'armes avec Danceny (CLXII).

La lettre est touj ours agissant e, parf ois sur plus ieurs compar­ ses.

Le cinéaste rivalise avec les pei ntres en montrant chaque actrice en train d'écrire : Cécile en pleurs, la Marquise altière, Mme de Tourvel dans une ambiance recueillie.

Par des montages alternés, il juxt apose les situations d'écriture et de lecture : la let­ tre XL VIII est lue au jardin par la Présidente ; la lettre XCVII, de Cécile, est reçue par la Marquise avec un sourir e de triomphe.

Le film dévoile les pervers ions du pacte épis­ tolair e : Valmont et Azolan autour de la boîte aux lettres du château ; la jeune servante déambulant dans les couloirs obscurs pour remettre le courrier à sa maîtresse ; les efforts de Valmont pour glisser une lettre à Cécile, dans une scène plutôt comique.

Ill.

Les fonctions de la lettre Les lettres info rmat ives et narra tives Le courrier, chargé d' initier protagonistes et lecteurs, est d'abord le fait des scrip­ teurs épisodiques : la lettre anonyme avertit Danceny (CLXVII) ; Azolan rend compte du mode de vie de la Présidente (CVII) ; Bertrand apprend à Mme de Rosemonde la mort de son neveu (CLXIII).

Indirectement sont informatives les lettres jointes ou copiées.

La lettre peut devenir récit, elle est souvent rédigée par les libertins qui détiennent l'art de raconter en se faisant valoir.

C'est le cas de Valmont dans l'acte de charité.

La Marquise retrace sa soir ée avec Belle roche (X) ou conte les déboires de Prévan.

La narration est chargée d'intentions.

Les lettres a mentatives et La missive argumentative s'adresse à l'i ntelligence : la lettre LXXXI est un exposé didactique et ordonné sur le libertinage.

Valmont se révèle un rhéteur redou­ table.

Voulant découvrir qui le discrédite, il accorde une concession à la Présidente : « Je forcerai mon amour à se taire » (XXXV), pour présenter sa requête.

La lettre expressive se caractérise par l'engagement du locuteur.

Elle peut transmettre un mes­ sage d'amour hyperbo lique, comme le fait Danceny : « Dites un mot et ma félic ité sera votre ouvrage » (XVII).

Elle peut signifier un refus : Mme de Tourvel adresse ses remontrances en commençant chaque paragraphe par : « Sûrement, Monsieur ; Non, Monsieur ; Je m'en tiens, Monsieur » (XXVI).

Elle peut se jouer du destinataire avec ironie : ainsi Valmont se moque de l'attente vaine de la Mar quise.

La plupart des lettres sont investies de plusieurs fonctions, consciemment ou non.

Les prédécesseurs de Laclos ont conçu un roman par lettres, où celles-ci sentent un moyen de s'exprimer et de communiq uer.

Laclos, lui, invente un roman de la lettre, où celle-ci devient l'agent principal des liaisons.

Elle relie les personnages, les fait agir et réagir.

Elle est l'enjeu décisif , ce que Frears, dès le générique de son film, laisse pressentir.. »