ÉVOLUTION ET UNITÉ DE LA PENSÉE DE VOLTAIRE
Publié le 04/04/2011
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La pensée de Voltaire a été, dans une très large mesure, le reflet de sa vie et de ses expériences. Cette pensée a donc évolué suivant les époques. Il y a néanmoins dans son œuvre, comme l'a remarqué Brunetière, plus de cohésion qu'on ne croit; et sa philosophie forme un système lié dont il est facile de dégager les idées maîtresses. Admirateur de Pope qui croyait en la Providence, vivant dans une société brillante, frivole et même libertine qui fait fête à son esprit et lui dispense les joies de ses premiers succès, Voltaire croit d'abord, malgré ses deux séjours à la Bastille, que la vie est bonne et que l'homme peut connaître ici-bas son bonheur, quoi qu'en pensent les Jansénistes, à condition de ne pas être trop exigeant. Au retour de son voyage en Angleterre, qui lui a révélé des horizons nouveaux et l'a confirmé dans l'opinion que la terre n'est pas une vallée de larmes, il vit,, à Cirey, dans un cadre qui lui plaît, auprès d'une amie intelligente et cultivée. Il est heureux; et c'est cette philosophie souriante, mais un peu étriquée, qui s'exprime dans Le Mondain et dans les Discours sur l'Homme: Ah! le bon temps que ce siècle de fer!

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bonheur en soi n'est pas de ce monde, il n'a jamais douté de l'efficacité des moyens qu'il proposait pour adoucir aumoins nos maux, nous exhorter à la patience, et nous assurer ainsi, en attendant mieux, un bonheur relatif.
Ce bonheur, Voltaire l'a d'abord cherché dans des satisfactions d'ordre matériel.
Il s'agit d'organiser notre existenceen profitant des dernières découvertes que la science et l'industrie mettent à notre disposition.
Il faut ensuite jouir, avec modération, car l'abus en est funeste, de tous les plaisirs que la vie nous offre, nonseulement parce que la vie est courte, mais encore parce que la recherche du plaisir est conforme à notre nature.
Cet épicurisme de bon aloi, si conforme à celui de Montaigne que Voltaire admirait, entraînait un certain nombre deconséquences.
Le but d'une nation civilisée étant de donner à l'homme le bonheur auquel il a droit, le devoir d'ungouvernement éclairé est d'assurer le bien-être de tous ses sujets.
Il doit donc, par un régime de libertééconomique, favoriser l'agriculture, le commerce et l'industrie, sources de richesses.
Il doit aussi veiller à ce que letravail de chacun contribue à la prospérité de tous.
Il n'y a pas de bonheur sans richesse, mais il n'y a pas non plusde richesse sans travail.
Il conviendra sans doute d'éviter les dépenses fastueuses et les guerres inutiles; il faudrafaire peser sur tous les sujets sans exception le poids des impôts; mais il faudra surtout obliger tout le monde àtravailler, et chasser d'un pays, que leur oisiveté déshonore, les soldats et les moines.
Si nécessaires que soient les biens matériels, il n'échappait pas à Voltaire que l'homme étant fait pour vivre enSociété, son bonheur dépend aussi du degré de moralité et de civilisation auquel la Société est parvenue.
Cettesociété n'est ni barbare ni néfaste en elle-même, comme l'a cru Rousseau, et il est faux de voir dans son existencela source de tous nos maux.
Elle favorise au contraire l'épanouissement de l'individu, et, à ce titre, à condition qu'onen écarte les préjugés et les hypocrisies, on doit la considérer comme un bien.
Il faut la réformer et non pas lamaudire.
Il convient d'abord d'écarter des hommes tout ce qui les sépare :
• Les vaines et stériles discussions de métaphysique sur des problèmes insolubles,
• les ridicules querelles des religions qui s'entendent toutes sur le fond et ne discutent que sur des points de dogmeou de détail,
• l'aveuglement du fanatisme ou les dangers du despotisme qui dressent toujours les hommes les uns contre lesautres et attisent les haines au lieu de les apaiser,
• les préjugés d'une noblesse frivole et hautaine qui se nourrit de la misère du peuple et méprise la bourgeoisie,parce qu'elle considère comme déshonorants les métiers ou les professions les plus utiles.
Il faut bannir tout cela.
En revanche, il faut chercher tout ce qui peut unir.
Par prudence et une sage conscience de notre faillibilité, mais aussi par humanité, on prêchera la tolérance.
Onfavorisera le culte des arts, et surtout le théâtre, qui, dans le cadre d'une société raffinée et polie, consolent leshommes de leurs maux et développent en eux sentiments nobles ou finesse du jugement ; on encourageral'instruction, l'étude des sciences et le goût de la saine philosophie qui dissiperont peu à peu les superstitions etfortifieront la raison; on fera le bien autour de soi en soulageant les misères, en prenant la défense des opprimés eten répandant des vérités utiles ; on s'élèvera Contre l'anarchie.
contre toutes les forces de désagrégation oud'anarchie qui sèment le désordre et déchaînent les guerres civiles au profit de quelques ambitieux sans scrupules.On considérera l'athéisme comme une doctrine pernicieuse parce que, ne redoutant pas les sanctions d'un Dieu dontelle nie l'existence, cette doctrine peut déchaîner les bas instincts de l'homme et causer autant de ravages que lessuperstitions les plus barbares.
Dans une société où la première vertu à rechercher, pour assurer le bonheur del'individu, sera non l'ascétisme, mais la justice, s'imposera au contraire la nécessité, surtout pour le peuple, de croireà l'existence d'un Être suprême.
Tous les dogmes des religions positives sont à rejeter, parce que ces religions s'appuient sur une révélation ou desmiracles qui n'ont rien d'authentique et parce que la fureur dogmatique a, pendant des siècles, ensanglanté lemonde; mais nous pouvons retenir des religions les points sur lesquels elles ont toujours été d'accord.
N'imposonspas à l'homme une existence de privations et de misère, mais croyons en un Dieu juste et puissant à qui nousaurons un jour à rendre des comptes.
Ce Dieu, nous pouvons nous dispenser de l'adorer, car il est vraisemblable qu'ilnous jugera, non d'après nos prières ou nos sacrifices, mais d'après nos actes ou nos vertus.
Évitons aussi dechercher à connaître sa nature, car cette nature échappe à notre entendement et à notre faiblesse.
Mais croyonsen lui.
Son existence est une exigence de notre raison, car on ne peut concevoir une création sans créateur; elleest aussi nécessaire à l'ordre social, car seule la crainte d'une sanction peut maintenir les hommes dans la voie dudevoir.
Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
La paix du monde et celle des âmes ne peuvent exister qu'à ceprix.
Ce n'est pas seulement notre destinée qui est en jeu, mais aussi notre vie quotidienne et notre bonheur d'ici-bas, et c'est ce qui compte le plus aux yeux de Voltaire..
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