FANON Frantz : sa vie et son oeuvre

FANON Frantz (1925-1961). C’est avec Fanon que, pour la première fois, l’homme noir parle simplement en homme. La référence raciale n’opprime son œuvre ni par son absence honteuse ni par sa présence ostentatoire. De son être il ne gomme ni n’étale rien; il ne se pose ni en parvenu ni en victime; il se contente d’être, absolument, ce qu’il est : Fanon. Son œuvre, ouverte à tous, renvoie d’abord à lui-même. Mais s’il fait taire les douleurs qui ont nourri le lyrisme de ses frères, s’il s’interdit les mystiques nostalgiques et revanchardes, sa voix n’en est que plus terrible : « Je la veux de part en part déchirée, je ne veux qu’elle s’amuse, car enfin je parle de l’homme et de son refus, de la quotidienne pourriture de l’homme, de son épouvantable démission ». Avec Fanon, en effet, la littérature se ressource à la veine de l’édification morale, fatale aux écrivains de langue et de cœur médiocres, que guettent la grandiloquence et l’imposture. Le moraliste prudent se cantonne dans l’élégant désenchan

tement sceptique; Fanon, lui, assume la colère de l’homme de foi. Il a ce qu’il faut de sincérité pathétique, de rigueur intellectuelle, de puissance verbale, pour soutenir une telle entreprise.

Né à Fort-de-France, dans le milieu chaleureux et protecteur de la petite-bourgeoisie antillaise, nourri des idéaux scolaires de l’humanisme français, le jeune Fanon quitte clandestinement, à dix-huit ans, la Martinique pour s’engager dans les Forces françaises libres. Il y découvre, en même temps, l’horreur de la guerre