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FÉNELON. L'éducation fondée sur l'amitié

Publié le 04/07/2011

Extrait du document

Fénelon écrit dans son traité De l'Éducation des Filles :

« Ne prenez jamais sans une extrême nécessité un air austère et impérieux qui fait trembler les enfants. Souvent c'est affectation et pédanterie dans ceux qui les gouvernent, car, pour les enfants, ils ne sont d'ordinaire que trop timides et honteux. Vous leur fermeriez le cœur et leur ôteriez la confiance, sans laquelle il n'y a nul fruit à espérer de l'éducation. Faites-vous aimer d'eux; qu'ils soient libres avec vous et qu'ils ne craignent point de vous laisser voir leurs défauts. Pour y réussir, soyez indulgent à ceux qui ne se déguisent point devant vous ; ne paraissez ni étonné ni irrité de leurs mauvaises inclinations ; au contraire, compatissez à leur faiblesse. Quelquefois il en arrivera cet inconvénient qu'ils seront moins retenus par la crainte; mais, à tout prendre, la confiance et la sincérité leur seront plus utiles que l'autorité rigoureuse. «

Vous rendrez compte d'abord de la signification exacte des mots en italiques ; puis vous expliquerez et analyserez les idées de ce morceau, en précisant l'opposition qu'il établit entre deux méthodes différentes d'éducation. Quels inconvénients Fénelon voit-il dans la première, quels avantages dans la seconde ? Que pensez-vous de son opinion ? Vous avez une expérience personnelle, puisque vous achevez à peine vos études ; c'est avec votre expérience qu'on vous demande de juger la méthode de Fénelon, et de répondre en toute sincérité. La douceur peut-elle convenir à tous les caractères ?

« II Elles la retiennent, d'abord, par tout ce qu'a d'insinuant et d'aimable la forme si aisée, si naturelle.

Ce n'est pas unécrivain didactique qui nous parle.

C'est un homme du monde qui cause et ne nous demande aucun effort pour lesuivre.

Causerie familière, et pourtant distinguée; jeune aussi, car M.

l'abbé n'a que trente-six ans, et c'est là sonouvrage d'essai.

Il parle avec une certaine chaleur, dans ce passage où il a mis tant de lui-même; il nous donne desconseils sans prétention, et en même temps il s'élève contre les éducateurs durs et absolus, avec une sincérité quinous persuade.

Le rythme est abandonné, il enveloppe l'idée dans ses replis gracieux, hésitant parfois après une,deux ou trois syllabes, et reprenant ensuite sa marche un peu molle.

Les trois premières phrases, par exemple, ontce mouvement : 5 + 9 + 9 + 72 +11 + 61 + 4 + 6 + 8 De même, depuis : Pour y réussir, le rythme est le suivant : 5 + 5 + 1212 + 103 + 83 + 12 + 101 +3 + 10 + 6 + 8 Ce mélange de rythmes, impairs et de rythmes pairs (en grande majorité), ces temps d'arrêts, ces balancements nonapprêtés, cette fluidité de la phrase contribue à nous entraîner sans que nous ayons le temps de songer au travaildu style, et en nous donnant cette impression que toutes ces grâces simples et aimables sont dues à un heureuxnaturel et ne doivent rien à l'art. III Pourtant, il ne faudrait pas penser que cette phrase qui court si aisément n'ait pas la précision qui donne la clarté,et ces nuances sans lesquelles on n'arrive pas à la précision.

Austère et impérieux se complètent exactement : lepremier indique une dureté hautaine, « impérieuse » ; le second un commandement sec, sans réplique, «austère» ;en se complétant, les deux adjectifs se pénètrent l'un l'autre : qui fait trembler est la conséquence naturelle etattendue.

Je ferai une observation analogue sur affectation et pédanterie : remarquons d'abord la rapidité de tour,grâce à l'ellipse : C'est affectation, puis la netteté de ce style qui ne subordonne pas une idée à l'autre, mais lesprésente toutes deux de front.

Affectation — simulation, mais avec une idée d'ostentation, d'étalage ; sorted'hypocrisie contraire à la nature ; pédanterie — simulation, mais avec une idée de sottise, de raideur scolastique :sorte d'hypocrisie contraire aussi à la nature; Fénelon, que le naturel ravit, combat également ces deux vices, maisle premier tient plutôt aux manières, le second au caractère même du maître désagréable.

Ceux qui gouvernent —ceux qui dirigent l'éducation (cf.

le sens de : « gouverneur»).

De même honteux n'est pas un synonyme de timides,employé au hasard; la timidité est le manque d'assurance, de hardiesse, et cela est loin d'être un défaut chez unenfant, surtout pour qui songe au défaut opposé : aussi trop n'est-il pas inutile ; honteux, pris au sens passif : quiéprouve de la honte, est beaucoup plus fort : il signifie confus, décontenancé, désemparé...

Ainsi dans cettecauserie facile, on aurait tort de croire que Fénelon emploie deux mots parce qu'il n'a pas fait l'effort nécessairepour découvrir le seul terme qui traduirait vigoureusement sa pensée: deux termes étaient nécessaires pour bienexprimer ce qu'il voulait dire.Cette langue facile a parfois aussi de la force.

Que l'émotion, si légère soit-elle, naisse, et nous avons uneexpression énergique : Vous leur fermeriez le cœur.

L'expression est employée absolument.

Fermer le cœur desenfants à l'affection, cela signifierait : les empêcher d'éprouver désormais ce seul sentiment.

Fermer le cœur —emprisonner, étouffer d'un coup et définitivement tous les instincts de bonté, de tendresse que la nature a déposésen nous.

Ce n'est pas seulement leur maître qu'ils n'aimeraient plus, c'est tout le monde.

Nous penserons encore àcette image quand nous rencontrerons le mot : libres = sans entrave, sans contrainte, venant à vousspontanément.Cette liberté est seule conforme à la nature, à la vérité.

Car à l'hypocrisie du maître répond celle des élèves qui sedéguisent, image vive et pittoresque (se déguiser — changer complètement sa guise, de façon qu'elle soitméconnaissable, son costume, ses traits, sa voix, et, au figuré, ses idées et ses sentiments).Je remarque encore le sens des nuances dans l'emploi de : mauvaises inclinations, mouvements instinctifs de l'âmequi l'inclinent, qui la portent au mal; mais on peut redresser l'âme tendre et jeune qui s'incline ; il serait plus difficile. »

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