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Flaubert: Ironie et pathétique

Publié le 12/09/2015

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Qui a raison et qui a tort? Emma Bovary est-elle insupportable ? Ou courageuse et touchante ? Et Werther ? Sensible et noble ? Ou un sentimental agressif, amoureux de lui-même ? Plus attentivement on lit le roman, plus la réponse devient impossible car, par définition, le roman est l’art ironique : sa « vérité » est cachée, non prononcée, non prononçable. “Souvenez-vous, Razumov, que les femmes, les enfants et les révolutionnaires exècrent l’ironie, négation de tous les instincts généreux, de toute foi, de tout dévouement, de toute action!” laisse dire Joseph Conrad à une révolutionnaire russe dans Sous les yeux d’Occident. L’ironie irrite. Non pas qu’elle se moque ou qu’elle attaque mais parce qu’elle nous prive des certitudes en dévoilant le monde comme ambiguïté. Leonardo Sciasca : “Rien de plus difficile à comprendre, de plus indéchiffrable que l’ironie.” Inutile de vouloir rendre un roman « difficile » par affectation de style ; chaque roman digne de ce mot, si limpide soit-il, est suffisamment difficile par sa consubstantielle ironie. 

Flaubert Il y a un endroit que l’on nomme la Pâture, sur le haut de la côte, à la lisière de la forêt. Quelquefois, le dimanche, je vais là, et j’y reste avec un livre, à regarder le soleil couchant.

 

Je ne trouve rien d’admirable comme les soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la mer, surtout.

 

Oh ! j’adore la mer, dit M. Léon.

 

Et puis ne vous semble-t-il pas, répliqua madame Bovary, que l’esprit vogue plus librement sur cette étendue sans limites, dont la contemplation vous élève l’âme et donne des idées d’infini, d’idéal ? 

flaubert

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Pour bien comprendre la pensée de Flaubert, le plus simple est sans doute de se reporter au passage de Madame Bovary auquel le romancier fait lui-même allusion.

La scène relate un dîner qui réunit certains des princi­ paux protagonistes du roman.

Emma Bovary y fait la connaissance d'un jeune homme nommé Léon dont elle va rapidement tomber amoureuse.

Avec en contre­ point les lassantes et pédantes tirades du pharmacien Homais, leur dialogue tourne autour de leurs goûts communs, des sentiments et des émotions qu'ils par­ tagent: ((Il y a un endroit que l'on nomme la Pâture, sur le haut de la côte, à la lisière de la forêt.

Quelquefois, le dimanche, je vais là, et j'y reste avec un livre, à regar­ der le soleil couchant.

- Je ne trouve rien d'admirable comme les soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la mer, surtout.

- Ob ! j'adore la mer, dit M.

Léon.

- Et puis ne vous semble-t-il pas, répliqua madame Bovary, que l'esprit vogue plus librement sur cette étendue sans limites, dont la contemplation vous élève l'âme et donne des idées d'infini, d'idéal?>> De manière légitime- sans doute-, le lecteur peut se laisser émouvoir par cette description de l'amour nais­ sant, par cette communion subite entre deux âmes qui, échappant un instant à la médiocrité de leur milieu et de leur vie, se prennent à rêver ensemble.

Mais très rapidement, un soupçon nous vient.

En quel­ ques lignes sont réunis sous la plume de Flaubert quelques-uns des clichés les plus usés du romantisme : le soleil couchant, la mer, l'idéal.

De plus, la naïveté des propos, l'exagération du style sont évidents.

La question se pose alors : sommes-nous censés prendre au sérieux la poésie des lignes qui précèdent? Celle-ci n'est-elle pas plutôt un piège que Flaubert dispose pour. »

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