GHELDERODE Michel de : sa vie et son oeuvre
Publié le 13/12/2018
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GHELDERODE Michel de, pseudonyme puis patronyme d’Adémar Adolphe Louis Martens (1898-1962). Dramaturge et conteur belge d’expression française. Né à Ixelles, Michel de Ghelderode a consacre son existence à l’élaboration acharnée d’une œuvre qui compte quatre-vingts pièces de théâtre, une centaine de contes et de poèmes, plusieurs centaines d’articles. Ce serait commettre une grave omission que de ne pas mentionner les milliers de lettres qu’il écrivit, car elles dévoilent les efforts du petit employé communal nommé Adé-mar Martens pour devenir Michel de Ghelderode en construisant patiemment une légende un peu diabolique, destinée à cacher un immense besoin d’approbation et d’affection. Ghelderode fut un des rares écrivains belges vraiment à cheval sur deux cultures : francisé par ses parents flamands pour des raisons de promotion sociale, il n’écrivit jamais qu’en français, mais presque toujours sur la Flandre. Ce paradoxe lui valut de connaître de véritables triomphes populaires avec des pièces jouées en néerlandais par le Vlaamsche Volkstooneel (1925-
«
1932),
vingt ans avant qu'elles ne provoquent à Paris
une « ghelderodite aiguë» ( 1947 -1953), � la g.rand� stu
péfaction de la Belgique francophone, qu.I ava1t t� UJO �rs
fait la fine bouche devant ces « machmes » reputees
« injouables ».
Heiligen Antonius ( 1919-1921 ), l'œuvre qui montre le
mieux l'importance de la découverte de la F�andr � d�n .
s
la vie et dans l'œuvre de Ghelderode, est tOUJOUrs medit
en français et le restera probablement, à cause de s.es
maladresses et de ses innombrables ...
fautes de frança1s.
Celles-ci rappellent que le jeune Martens, autodidacte,
n'a fréquenté l'école que jusqu'à l'âge de seize ans, et
témoignent de l'effort qu'il a dû faire po�r traduire dans
la langue de Molière ses rêves « septentnonaux ».
Malgré son titre flamand, Heiligen Antonius, «roman
burlesque », est entièrement rédigé en français .
Sous P.ré
texte de relater la vie peu édifiante d'un saint Antoine
flamand, le jeune conteur y part à la conquête de l'origi
nalité en imitant la langue de Rabelais et de Charles De
Coster, en détaillant à grand renfort de flandricismes les
coutumes du petit peuple flamand et en paraphrasant
certaines toiles de Bruegel, de Bosch et d'Ensor.
Cette
même volonté de « se trouver» en « faisant flamand »
est à la base de son premier volume publié, L'Histoire
comique de Keizer Karel telle que la perpétuèrent ju�
qu 'à nos jours les gens de Brabant et de Flandre, recueil
d'anecdotes savoureuses sur la vie de Charles Quint
(1922).
Cet ouvrage est à la source de cinq petites pièces
pour marionnettes folkloriques, composées vers 1924-
1925 et tellement proches de l'esprit du peuple (cf.
le
Mystère de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ)
que leur auteur-mystificateur n'éprouva aucune peine à
les faire passer pour « reconstituées d'après le
spectacle ».
De la marionnette au théâtre, il n'y avait qu'un pas,
qu'un jeune écrivain flamand, Jef Vervaecke, aida Ghel
derode à franchir.
En 1925, Vervaecke traduisit La Farce
de la Mort qui faillit trépasser et réussit à faire jouer
cette traduction par le Vlaamsche Volkstooneel, troupe
catholique itinérante dont les spectacles, à la fois popu
laires et d'avant-garde, inspirés des recherches de
Jacques Copeau, de l'expressionnisme et du construc
tivisme, mais adaptés aux aspirations religieuses et poli
tiques de la Flandre, commençaient à attirer les foules.
L'année suivante, Johan de Meester, le brillant metteur
en scène hollandais de la troupe flamande, commanda à
Ghelderode un spectacle commémoratif pour le septième
centenaire de la mort de saint François d'Assise.
La créa
tion, fin janvier 1927, de Beeldekens uiL heL /even van
Sint Franciskus van Assisië (Images de la vie de saint
François d'Assise, écrit et inédit en français) vit 1� pre
mier triomphe de Ghelderode.
Cet ouvrage fut su1v1 en
1929 de Barabbas et en 1930 de Pantagleize.
En 1932,
peu de jours après la première du Sterrendief (le Voleur
d'étoiles, inédit en français), la troupe se disloqua lamen
tablement.
Plus tard, Ghelderode ne manqua pas d'idéali
ser sa collaboration à la «généreuse aventure», mais il
est vrai que, sans les acclamations des foules flamandes,
il n'aurait pas eu le courage de continuer à écrire pour la
scène comme il le fit jusqu'en 1937, ce qui nous aurait
privés d'une demi-douzaine d'œuvres importantes.
En
effet, de 1933 à 1936, le dramaturge connut, malgré
l'indifférence du monde théâtral, une période de haute
fécondité, inaugurée par le Siège d'Ostende, «épopée
militaire pour marionnettes » tellement scatologique
qu'elle déplut à son dédicataire, James Ensor, qui en
était pourtant Je protagoniste, et qu'elle dut attendre près
d'un demi-siècle pour sortir de la clandestinité.
En 1934, Ghelderode composa en moins de deux mois
la Ballade du Grand Macabre, grande farce ubuesque où
la peur de la mort, de l'oppression politique et de ...
la femme
se métamorphose, par la vertu du burlesque, en
un hymne à la vie, à la liberté et à l'am �tié �masculine?.
Dans Mademoiselle Jaïre, achevé en Janvier 1935, 11
aborda Je thème de la mort d'une façon toute différente :
le miracle biblique de la résurrection de la fille de Jaïre
y sert de trame non plus à la dérision de la mort, mais à
J'expression du désir de mourir.
L'année suivante, le
dramaturge composa d'abord D'un diable qui prêcha
merveilles, satire un peu laborieuse de l'hypocrisie, puis
la Farce des ténébreux, où le même thème se double
d'une exaltation assez forcée de J'érotisme comme
remède contre la peur de la mort (et de la vie).
Dans Hop
Signor! enfin, réagissant contre l'incontinence verbale
des pièces précédentes, il rattacha le thème de l'inhibi
tion sexuelle au drame de l'artiste créateur incapable de
se mettre au goOt du jour et brimé à en mourir par une
épouse âprement frustrée.
En 1936 également, Ghelde
rode commença la rédaction de Fastes d'enfer, mais, le
22 octobre, alors qu'il avait écrit la moitié de la pièce, la
maladie mit brusquement fin à ces trois ans de grande
productivité.
li dut patienter jusqu'en novembre de l'�n
née suivante pour trouver la force de mettre un pomt
final à cette «tragédie bouffe>> qui s'articule autour de
la mort d'un évêque empoisonné par son entourage de
prêtres hideusement envieux.
Le l" février 1939, Ghel
derode fit savoir qu'il cessait d'écrire pour le théâtre.
Le
13 juillet, alors qu'il venait d'ac:hev�r le septième conte
de Sortilèges.
il reçut le grand pnx tnennal de Littérature
dramatique 1936-1938 pour ...
Escuria/, pièce composée,
publiée et créée depuis plus de dix ans.
Malgré l'impor
tance de la distinction, le lauréat ne revint pas sur ses
adieux au théâtre.
Toutefois, après la publication, en
novembre 1941, de l'édition originale de Sortilèges,
recueil de douze fascinants contes « crépusculaires >>, il
acheva encore trois pièces.
L'École des bouffons ( 1942)
est la plus connue, parce qu'elle contient un éloge de la
cruauté, « secret de tout art>>, qui a valu à Ghelderode
l'honneur d'être considéré comme un disciple, voire
comme un prédécesseur d'Antonin Artaud.
En fait, le
rapprochement, exact sur le plan de J'utilisation d�s
moyens scéniques, ne l'était pas sur le plan philosophi
que, car un abîme sépare la vision du monde fataliste et
pessimiste de Ghelderode et la foi d'Artaud dans le théâ
tre comme moyen de changer l'homme.
A sa mort, Ghelderode laissait ses cartons remplis de
projets, mais son génie créateur s'était tari vingt ans plus
tôt, les affres de la guerre n'ayant fait qu'empirer 1 'état
de sa santé déjà atteinte depuis 1936.
Aucune consola
tion, pas même celle de voir ses pièces triompher à Paris
et conquérir ainsi une partie du monde, n'avait pu lui
rendre la vitalité nécessaire à l'achèvement de son
œuvre.
A peine avait-il eu la force de préparer cinq des
sept volumes de son théâtre complet prévu par les édi
tions Gallimard ( 1950-1957) et de répondre aux deman
des d'information et d'autorisation venant de tous les
coins du monde.
S'il avait vécu jusqu'à la fin de 1962,
le dramaturge aurait vraisemblablement eu la joie de voir
le prix Nobel consacrer l'intérêt porté par Je monde
entier à son œuvre.
L'activité de Ghelderode ne s'est pas bornée au théâ
tre : il a publié des poèmes (/a Corne d'abondance, 1925;
Ixelles, mes amours ...
, 1928, sous le pseudonyme de
PHlLOSTÈNE CoSTENOBLE) et des proses (La Halte catholi
que, 1922, reprise sous le titre de Contes et diets de notre
Lemps, 1975; l'Homme sous l'uniforme, 1923; Kwiebe
Kwiebus, 1926, devenu : Voyage autour de ma Flandre,
1947).
Il a composé plusieurs ouvrages de souvenirs et
d'évocations (Choses et gens de chez nous, 1943; Mes
statues, 1943; La Flandre est un songe, 1953); en 1951,
il a accordé à R.
Iglésis et A.
Trutat les interviews des
Entretiens d'Ostende ( 1956).
La publication de sa Cor
respondance générale a commencé en 1982..
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