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GOETHE EN FRANCE

Publié le 13/12/2018

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GOETHE EN FRANCE. « L’homme olympique », « l’Orphée, l’Homère, l’Horace, le Tasse et le Voltaire » de l’Allemagne : ces formules synthétiques mais vagues, employées par Lamartine dans son Cours familier de littérature, résument l’image française de Goethe, construite à partir d’une expérience lacunaire, qui enferme d’irréductibles diversités en une totalité quelque peu mythique.

 

Engouements et influences

 

Tout commence avec Werther (1774) : le petit roman où Goethe transpose un épisode de sa vie sentimentale et le transforme en un drame de l’amour impossible est traduit quinze fois de 1776 à 1797; le héros, esclave d’une passion qui l’exalte et qui le conduit à la mort, la douce et pure Charlotte séduisent les cœurs sensibles comme les figures d’un dialogue d’Éros et de Thanatos, et la structure simple de l’intrigue semble mimer l’inéluctabilité d’une logique fatale qui mène de la mélancolie au suicide. Les imitations se bousculent : les Aventures du jeune d’Olban (1777), de Ramond de Carbonnières; Liebman (1775), de Baculard; dans la Werthérie, de Perrin, c’est l’héroïne qui se tue; dans Edmond et Cécile (anonyme), c’est le couple d’amants... Plus intéressantes sont les variations originales sur le thème et le cadre fournis par Goethe, qui reflètent l'évolution des manières romanesques et des mentalités sur plus d’un demi-siècle : l'Émigré (1797), de Sénac de Meilhan; René (1802), de Chateaubriand; Delphine (1802), de Mme de Staël; Valérie (1803), de Mme de Krü-dener; le Peintre de Salzbourg (1803), de Nodier; Ober-man (1804), de Senancour; Eugénie de Rothelin (1808), de Mme de Souza; Adolphe (1816), de Constant; Joseph Delorme (1829), de Sainte-Beuve... Condamné, réfuté, Werther demeure, jusqu’aux lendemains de 1830, un livre où se goûte la saveur amère du « mal du siècle », où se mire et se reconnaît, avec une complaisance masochiste, une aspiration au bonheur vouée au désespoir.

 

Auprès de ce werthérisme, le succès des autres ouvrages est médiocre : le théâtre, mal accueilli par la critique dans les années 1770, traduit sous la Restauration, ne joue pas le rôle de modèle intermédiaire entre le classicisme et la liberté shakespearienne que remplissent les pièces de Schiller; seul le bouillant Goetz de Berlichin-gen enthousiasme les poètes et des artistes comme Delacroix. De Wilhelm Meister (dont les Années d'apprentissage sont traduites dès 1802

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« dener; le Peintre de Salzbourg (1803), de Nodier; Ober­ man (1804), de Senancour; Eugénie de Rothelin (1808), de Mme de Souza; Adolphe ( 1816), de Constant; Joseph Delorme (1829), de Sainte-Beuve ...

Condamné, réfuté, Werther demeure, jusqu'aux lendemains de 1830, un livre où se goûte la saveur amère du «mal du siècle», où se mire et se reconnaît, avec une complaisance maso­ chiste, une aspiration au bonheur vouée au désespoir.

Auprès de ce werthérisme, le succès des autres ouvra­ ges est médiocre : le théâtre, mal accueilli par la critique dans les années 1770, traduit sous la Restauration, ne joue pas le rôle de modèle intermédiaire entre le classi­ cisme et la liberté shakespearienne que remplissent les pièces de Schiller; seul le bouillant Goetz de Berlichin­ gen enthousiasme les poètes et des artistes comme Dela­ croix.

De Wilhelm Meister (dont les Années d'apprentis­ sage sont traduites dès 1802 et l'ensemble en 1861) les contemporains ne retiennent guère que 1' épisode de Mignon, illustré par les peintres et les graveurs, transformé en opéra, en 1856, par Ambrois� Thomas.

Les poésies, traduites en 1825, adaptées par Emile Des­ champs ou Nerval, comportent des pièces fort populaires à l'époque romantique, comme «le Roi des Aulnes», >,« la Fiancée de Corinthe ».

Hermann et Dorothée, épopée bourgeoise et idyllique traduite en 1800, influence l'évolution du poème narratif vers un intimisme au ton soutenu qui héroïse la vie privée (en témoignent Jocelyn [1836] de Lamartine, ou Pernette [1868] de Laprade).

Mais c'est le premier Faust qui relaye, à partir de 1823, la vague werthérienne : les romantiques se reconnaissent dans la figure torturée de l'ale hi mis te médiéval partagé entre une idéale Margue­ rite et Méphistophélès, burlesque démon, entre l'amour et les rêves impies de puissance.

Delacroix et Tony Johannot illustrent la pièce, Nerval en donne une belle traduction en 1828, les poètes s'inspirent à l'envi de la diablerie fantastique ou de la pure jeune fille au rouet; 1' Albertus de Gautier, 1' Ahasvérus de Quinet sont des avatars d'un Faust livré à une convoitise insatiable et désespérée.

Sous la monarchie de Juillet, avec les Études sur Goethe (1835) de Xavier Marmier, s'ouvre l'époque d'une connaissance plus sereine, marquée bientôt par de grandes monographies universitaires et par des ouvrages de synthèse.

Permanence d'une figure Mme de Staël, qui juge avec réserves et nuances l' œu­ vre de Goethe, écrit néanmoins : «Seul il réunit tout ce qui distingue l'esprit allemand>> : l'ardeur sentimentale des années du Sturm und Drang, la sérénité du classi­ cisme, toutes les couleurs d'ure imagination qui ressus­ cite les terreurs du Moyen Age ou les splendeurs de l'hellénisme.

P•!U à peu, le XIx• siècle explore toutes ces diversités et intègre des aspects d'abord négligés: le «roman d'éducation», la composition symphonique du second Faust et sa philosophie panthéiste, les œuvres scientifiques et leur réflexion sur 1' analogie.

Avant même sa disparition, Goethe apparaît comme un monu­ ment vénérable, l'image d'un demi-siècle de féconde et brillante création, le Moïse du romantisme, prophète calme et lucide : le pèlerinage de Weimar devient un rite, le point culminant du voyage d'Allemagne.

La figure de l'écrivain, au déclin du romantisme, s'universalise et devient, pour employer la terminologie de Max Weber, un. »

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