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H. de BALZAC, Ferragus, chap. 1. Commentaire

Publié le 16/09/2011

Extrait du document

balzac

Paris est le plus délicieux des monstres : là, jolie femme; plus loin,

vieux et pauvre; ici, tout neuf comme la monnaie d'un nouveau

règne; dans ce coin, élégant comme une femme à la mode.

Monstre complet d'ailleurs! Ses greniers, espèce de tête pleine de

science et de génie; ses premiers étages, estomacs heureux; ses

boutiques, véritables pieds ; de là partent tous les trotteurs, tous les

affairés. Eh ! quelle vie toujours active a le monstre? A peine le

dernier frétillement des dernières voitures de bal cesse-t-il au coeur

que déjà ses bras se remuent aux Barrières\ et il se secoue

lentement. Toutes les portes bâillent, tournent sur leurs gonds,

comme les membranes d'un grand homard, invisiblement manoeuvrées

par trente mille hommes ou femmes, dont chacune ou chacun

vit dans six pieds carrés, y possède une cuisine, un atelier, un lit,

des enfants, un jardin, n'y voit pas clair, et doit tout voir. Insensiblement

les articulations craquent, le mouvement se communique, la

rue parle. A midi, tout est vivant, les cheminées fument, le monstre

mange; puis il rugit, puis ses mille pattes s'agitent. Beau spectacle!

Mais, ô Paris! qui n'a pas admiré tes sombres paysages, tes

échappées de lumière, tes culs-de-sac profonds et silencieux; qui

n'a pas entendu tes murmures, entre minuit et deux heures du

matin, ne connaît encore rien de ta vraie poésie, ni de tes bizarres et

larges contrastes.

H. de BALZAC, Ferragus, chap. 1.

Vous présenterez un commentaire composé de ce texte. Vous essaierez de montrer l'originalité de cette vision de Paris; vous pourrez en étudier notamment l'organisation et en apprécier les effets poétiques.

balzac

« « travelling » rapide nous fait découvrir la diversité des quartiers parisiens .

Des propositions courtes, nominales, font ressortir la variété de ces paysages urbains.

Une série d'images et de comparaisons souligne le caractère antithétique des nouveaux quartiers, où règnent l'aisance et l'élégance, et des vieux quartiers, sordides ou misérables : « là, jolie femme ; plus loin, vieux et pauvre; ici, tout neuf comme la monnaie d'un nouveau règne; dans ce coin, élégant comme une femme à la mode "· A ces contrastes « horizontaux » viennent s'ajouter des contrastes « verticaux "· Dans une même maison, cohabitent les types sociaux les plus variés : les greniers ou mansardes abritent la bohème intellectuelle (dont Balzac -et pour cause -note au passage le « génie »); les premiers étages, ou étages « nobles •, sont réservés à la bourgeoisie ; les rez-de-chaussée, enfin, les boutiques, sont le domaine des commerçants et de la population active.

Pour compléter ce voyage dans l'espace, Balzac nous convie à une observation dans le temps et nous dépeint une journée parisienne , depuis le petit matin jusqu'à la nuit tombée.

Là encore, les contrastes sont frappants.

Si Paris vit d'un mouvement continuel, ce n'est pourtant pas d'une vie uniforme; et l'auteur oppose l'existence faite de plaisirs des riches oisifs qui rentrent chez eux à l'aube, à l'activité des classes laborieuses qui s'éveillent quand les autres s'endorment : « A peine le dernier frétillement des derniè­ res voitures de bal cesse-t-il au cœur que déjà ses bras se remuent aux Barrières ...

» Dans un raccourci saisissant, Balzac, rétrécissant encore le champ de sa vision , insiste sur le dénuement des ouvriers qui vivent dans « six pieds carrés "• avec pour tous biens une cuisine, un atelier, un lit, un jardin...

mais des enfants.

Une dernière antithèse conclut ce tableau de la misère : dans ce logis, l'ouvrier « (ne) voit pas clair, et doit tout voir " -pourvoir à tout.

Ces observations réalistes ne nous sont cependant pas communi­ quées dans le cadre d'une description minutieuse, pittoresque, comme on en rencontre tant chez Balzac.

Bien au contraire, la ville est évoquée dans une vision qui relève du fantastique -et c'est ce qui fait l'originalité de ce texte.

Dès le début du passage, Paris est personnifié sous les traits d'un monstre- monstre par la disparité de ses composants, et par son activité incessante .

Balzac commen-. »

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