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« Il n'était qu'austérité et colère. » Cette phrase de Marin Marais, extraite de l'ouverture du film de Corneau Tous les Matins du Monde

Publié le 27/11/2011

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En second lieu, il est impossible d'omettre, lorsqu'on évoque le caractère humain de Sainte Colombe, sa dévotion envers son épouse. Le roman ouvre sur l'annonce de sa mort : « Au printemps de 1650, Madame de Sainte Colombe mourut « (p.9). En outre, il est souvent rappelé dans l'œuvre à quel point le musicien s'est trouvé affecté par cette mort : « Monsieur de Sainte Colombe ne se consola pas de la mort de son épouse. Il l'aimait. C'est à cette occasion qu'il composa le Tombeau des Regrets « (p.9), « Monsieur de Sainte Colombe ne pouvait s'empêcher alors de songer à son épouse et aux circonstances qui avaient précédé sa mort « (p.77). Ainsi, il semblerait que ce soit le décès de Madame de Sainte Colombe qui ait opéré un changement dans la vie de Sainte Colombe, marquant le début de la vie austère qui nous est décrite dans l'œuvre. La réapparition éphémère de « l'ombre « (p.50)...

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« à son épouse et aux circonstances qui avaient précédé sa mort » (p.77).

Ainsi, il semblerait que ce soit le décès deMadame de Sainte Colombe qui ait opéré un changement dans la vie de Sainte Colombe, marquant le début de la vieaustère qui nous est décrite dans l'œuvre.

La réapparition éphémère de « l'ombre » (p.50) de son épouse est parailleurs un thème récurrent dans le roman et dans le film, thème récurrent mais parallèle.

En effet, celle-ci apparaîtparfois à son mari, lorsqu'il joue le soir dans la cabane ; elle dit venir parce que ce qu'il joue l'a « émue » (p.50).C'est donc en partie afin de revivre des instants avec sa femme, afin de conserver le souvenir intact que SainteColombe joue, isolé du monde, « les regrets et les pleurs » (p.112).

Cette dimension orphique est creusée plus loinlors du duo de Marin Marais et de son maître, à la fin du film et à la toute fin du roman ; l'élève dit en effet « Jecrois qu'il faut laisser un verre aux morts… » (p.114).

La réclusion absolue de Sainte Colombe pour jouer et sonaustérité peuvent donc être expliquées par ce désir de raviver la défunte.Enfin, il y a dans sa conception de la musique quelque chose de singulier, mais de profondément lié à ce traitd'humanité.

Sainte Colombe envisage la musique de façon philosophique, c'est-à-dire pas comme une science quel'on acquiert et que l'on reproduit indéfiniment, mais comme la quête personnelle d'une sorte de vérité individuelle,une quête qui selon lui le fait vivre de façon « passionnée » (p.74) : « Pour moi il y a quelque chose de plus quel'art, de plus que les doigts, de plus que l'oreille, de plus que l'invention : c'est la vie passionnée que je mène »(p.73-74), « Ce que je fais, ce n'est que la discipline d'une vie où aucun jour n'est férié.

J'accomplis mon destin »(p.75).

La musique est pour Sainte Colombe un itinéraire qu'il faut accomplir seul, on parle à la page 36 du « soucioù il était de n'être à portée d'aucune oreille et de pouvoir essayer les positions de la main et tous les mouvementspossibles de son archet sans que personne au monde put porter quelque jugement que ce fût sur ce qu'il lui prenaitenvie de faire.

» Selon lui, la musique est là pour transmettre ce que la parole est incapable d'exprimer, l'ineffable del'homme.

Il fait preuve d'humilité lorsqu'il dit : « je ne compose pas ! Je n'ai jamais rien écrit.

Ce sont des offrandesd'eau, des lentilles d'eau, de l'armoise, des petites chenilles vivantes que j'invente parfois en me souvenant d'unnom et des plaisirs » (p.74).

A nouveau, on remarque ici cette communion du musicien et de la nature qui l'entoure.La dernière scène du roman et son homologue cinématographique montrent la quête musicale lors de l'échange entreMarin Marais, qui tente de cerner l'essence de la musique, et Sainte Colombe.

Ce dernier, en répondant presqueinvariablement par la négative, évoque un aspect élusif de la musique, comme si l'on ne savait si un jour on saurait :« […] -Pour l'or ? – Non, l'or n'est rien d'audible.

–La gloire ? –Non.

Ce ne sont que des noms qui se renomment.

–Lesilence ? –Il n'est que le contraire du langage.

–Les musiciens rivaux ? –Non ! –L'amour ? –Non.

[…] » (p.

113-114).Enfin, la sensibilité de l'homme et du musicien est mise en évidence lorsqu'il dit : « Quand je tire mon archet, c'estun petit morceau de mon cœur vivant que je déchire » (p.75). Sainte Colombe est donc, certes, un homme austère, parfois colérique, et farouchement sauvage.

Mais cetisolement des autres, cette sobriété apparente de caractère cachent un homme en proie à de vieux démons aveclesquels il se trouve en paix.

Démon prend ici sa plus ancienne signification, celle d'intermédiaire entre les dieux etles hommes, et dans le cas de Sainte Colombe hanté par le souvenir de sa femme, d'intermédiaire entre la musiqueet lui-même.. »

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