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IMRU' L-QAIS

Publié le 27/06/2012

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De ce roi sans couronne, de cet aventurier légendaire, nous avons conservé un dîwân qui a été recensé dès le ne siècle H. Il contient de nombreux poèmes parmi lesquels les plus intéressants sont ceux où il lance des invectives contre ses ennemis les Banû Asad, où il adresse ses louanges aux personnages qui l'ont protégé, où il décrit sa chamelle, son cheval, la pluie, la guerre, où il fait le récit de son voyage à Byzance en citant nombre de toponymes. Les rapsodes lui attribuent aussi des joutes poétiques d'où il sortait toujours vainqueur, mais le poème qui a reçu la plus belle consécration de la critique arabe

« Les thèmes de l'ensemble de cette poésie sont ceux que fournit la vie au désert : ils sont simples et peu nombreux, au point qu'un célèbre poète antéislamique, 'Antara, a pu dire : Les poètes ont-ils laissé quelque trou à boucher? (i.e.

quelque nouveau thème à traiter).

Ainsi, même chez les précurseurs- ou ceux qui passent pour tels -la composition poétique avait déjà atteint un vaste développement, et, pour les Arabes, la perfection.

L'un de ces initiateurs est précisément Imru' 1-Qais ibn Hujr à qui l'on attribue la paternité de bon nombre d'expressions devenues des clichés, et le mérite d'avoir, le premier, arrêté sa monture et ses compagnons imaginaires devant les traces du campement de sa belle.

On s'est demandé si ce poète avait une existence réelle, tant sa biographie est bourrée d'élé­ ments légendaires.

D'après la tradition, il appartenait à la tribu yéménite de Kinda qui avait émigré au Nedjd où elle avait fondé une principauté.

Dans sa jeunesse, il composa des vers où il décrivait si crûment ses jeux et ses plaisirs, que son père le chassa.

Celui-ci cependant fut bientôt tué en combattant les Banû Asad et c'est à lmru' 1-Qais que revint le redoutable honneur de le venger; il aurait, en l'apprenant, prononcé ce mot magnifique : « Pas de lucidité aujourd'hui, pas d'ivresse demain ; aujourd'hui le vin, demain l'affaire.

» Il sollicita l'appui de diverses tribus mais l'hostilité du roi de Rira l'obligea à mener une vie errante qui lui valut son surnom de Roi Errant.

Il fini"t par obtenir le secours de l'empereur de Byzance,· Justinien (527-565), et se rendit auprès de lui; quittant Byzance vers 540 pour aller prendre possession de son poste de phylarque de Palestine, il mourut en cours de route, empoisonné par un manteau d'honneur qui couvrit son corps d'ulcères.

De ce roi sans couronne, de cet aventurier légendaire, nous avons conservé un dîwân qui a été recensé dès le ne siècle H.

Il contient de nombreux poèmes parmi lesquels les plus intéressants sont ceux où il lance des invectives contre ses ennemis les Banû Asad, où il adresse ses louanges aux personnages qui l'ont protégé, où il décrit sa chamelle, son cheval, la pluie, la guerre, où il fait le récit de son voyage à Byzance en citant nombre de toponymes.

Les rapsodes lui attribuent aussi des joutes poétiques d'où il sortait toujours vainqueur, mais le poème qui a reçu la plus belle consécration de la critique arabe est-sa mu'allaqa.

On désigne sous ce nom, non pas des composi­ tions écrites en lettres d'or sur le voile de la Kalba, comme on l'a cru longtemps, mais simplement des poèmes choisis et ainsi qualifiés - mu'allaqa veut dire suspendue -par un anthologue qui a imposé son goût.

Celle d'lmn:' 1-Qais ne compte que quatre-vingts vers rimant en lî; le premier est dans la mémoire de tous les Arabes : Arrêtez-vous, que nous pleurions au souvenir d'une bien-aimée et d'un campement à l'extrémité de la langue de sable entre ad-Dakhûl et Haumal.

Pendant trente et un vers il rappelle ses plaisirs passés en des termes souvent indécents, puis relate son voyage nocturne dans la vallée où hurlent les loups sans manquer de décrire sa monture et de faire le récit de ses chasses; la fin du poème est une description de l'orage et de la pluie.

On a bien l'impression que cette qasîda est incomplète, ou, qui plus est, faite de morceaux cousus les uns aux autres, mais personne ne s'en soucie et on le comprend sans peine car la poésie ne s'adresse plus qu'à l'oreille.

Même les plus anciens critiques qui pouvaient, à la rigueur, com­ prendre Imru' 1-Qais sans l'aide d'un commentaire, s'en prennent à peu près exclusivement à la forme, et lui découvrent seulement le mérite d'avoir "précédé les autres poètes dans l'emploi d'une série d'images à vrai dire ramassées et expressives.

Pour autant qu'il soit permis à un non-Arabe de porter un jugement, il semble qu'Imru' 1-Qais vaille surtout par sa profonde sensibilité et son imagination fertile, et se distingue par son appétit des plaisirs sensuels.

Et c'est à ce titre qu'il mérite d'être qualifié de premier grand poète arabe.

CH.

PELLAT Institut d'Études Islamiques de l'Université de Paris. »

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