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Incipit - Jacques le fataliste de Diderot

Publié le 08/01/2020

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Jacques commença l’histoire de ses amours. C’était l’après-[dîner] : il faisait un temps lourd; son maître s’endormit. La nuit les surprit au milieu des champs; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tom-5 bant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup : « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut... »

Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu’il ne tiendrait qu’à moi de vous faire attendre un an, deux ans, 10 trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu’il me plairait. Qu’est-ce qui m’empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? d’embarquer Jacques pour les îles? d’y conduire son maître? de les ramener tous les deux 15 en France sur le même vaisseau ? Qu’il est facile de faire des contes ! Mais ils en seront quittes l’un et l’autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai.

L’aube du jour parut. Les voilà remontés sur leurs bêtes et poursuivant leur chemin... - Et où allaient-ils? - Voilà 20 la seconde fois que vous me faites cette question, et la seconde fois que je vous réponds : Qu’est-ce que cela vous fait? Si j’entame le sujet de leur voyage, adieu les amours de Jacques... Ils allèrent quelque temps en silence. Lorsque chacun fut un peu remis de son chagrin, le maître dit à son 25 valet : - Eh bien, Jacques, où en étions-nous de tes amours ?

Jacques et son maître chevauchent sur une route et vers une destination que Diderot s’est refusé à préciser. Pour meubler le temps, Jacques entreprend, à la demande de son maître, le récit de ses amours. Du moins s’il «est écrit là-haut» (p. 35) qu’il doive les raconter, car Jacques professe un fatalisme absolu. «À tout hasard, commence toujours» (p. 36), lui dit son maître.

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« INTRODUCTION 1 Situer le passage Jacques et son maître chevauchent sur une route et vers une des­ tination que Diderot s'est refusé à préciser.

Pour meubler le temps, Jacques entreprend, à la demande de son maître, le récit de ses amours.

Du moins s'il «est écrit là-haut» (p.

35) qu'il doive les racon­ ter, car Jacques professe un fatalisme absolu.

«À tout hasard, com­ mence toujours ..

(p.

36), lui dit son maître.

1 Dégager des axes de lecture Sous une apparence désinvolte, l'extrait aborde le problème majeur de toute écriture romanesque : celui de ses rapports avec le réel.

La manière dont s'y prend Diderot se révèle paradoxale.

La mul­ tiplication des voix narratives lui permet de dénoncer les invraisem­ blances du roman traditionnel, pour instaurer un nouveau pacte de lecture, qui ne repose pas moins sur une illusion.

PREMIER AXE DE LECTURE LES VOIX NARRATIVES 1 Une pluralité de voix Fils narratifs et discours s'entrelacent.

On distingue en effet : -le récit du voyage de Jacques et de son maître, rapporté par un narrateur invisible et extérieur au récit (1.

1-6, 20-21); -à l'intérieur de ce récit, l'ébauche du récit que Jacques fait à son maître: «Jacques commença l'histoire de ses amours» (1.

1); -les interventions de l'auteur qui s'adresse au lecteur (1.

8, 21-22); -les questions (supposées) du lecteur à l'auteur (1.

19-20).

Le texte n'est donc pas univoque et fragmente l'agencement linéaire de l'intrigue.

1 Les glissements de points de vue Le passage d'une voix à une autre s'opère de deux façons : -par le procédé de l'interruption : l'auteur coupe la parole à Jacques (1.

8), comme le lecteur interrompt le narrateur (1.

19); LECTURES ANALYTIQUES 109. »

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