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Indiana, George Sand, extrait du livre III, ch. 21

Publié le 23/03/2015

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indiana
Objet d'étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours Problématique : Comment le roman reflète-t-il l'évolution du statut des femmes du XVIIIème siècle au XXIème siècle, leurs tentatives de rébellion contre l'inégalité et la soumission imposée ? Comment le roman présente-t-il leur marche vers l'émancipation mais aussi ses limites ? Lecture analytique n°2 : George Sand, Indiana, extrait du livre III, ch.21 (1832) Introduction Paru en 1832, Indiana, premier roman écrit par George Sand, met en scène une jeune femme mariée à un homme plus âgé qu'elle, le Colonel Delmare, mari brutal et autoritaire qui ne la comprend absolument pas. L'héroïne se résigne mais garde sa dignité. Cependant, elle tombe sous le charme de Raymon, jeune homme séducteur, mais garde cette liaison platonique par respect pour son mari. Le colonel veut repartir à l'île Bourbon et contraindre sa femme à le suivre comme le Code Civil lui en donne le droit, mais elle refuse et il l'enferme dans sa chambre. Elle s'enfuit alors pour rejoindre Raymon qui la repousse lâchement. Elle tente alors de se noyer mais est sauvée et ramenée par son cousin. Dans le passage que nous allons étudier, elle se trouve confrontée à son mari qui l'a fait chercher toute la matinée. George Sand s'est inspirée de son propre mariage malheureux pour peindre en Indiana une femme-esclave qui se révolte contre son maître. Nous verrons comment George Sand fait passer à travers le personnage d'Indiana une remise en question du mariage tel qu'il est conçu à son époque. [Je vais maintenant vous lire ce passage.] Dans un premier temps nous montrerons en quoi ce passage ressemble à une scène théâtrale, puis nous verrons comment le mariage traditionnel est illustré dans ce passage et enfin nous analyserons la victoire d'Indiana. I - Une mise en scène théâtrale Cette scène présente deux personnages en situation de crise, puisqu'Indiana a quitté le domicile conjugal plusieurs heures et peut s'attendre à une réaction violente de son époux. Leur confrontation est bâtie comme un dialogue théâtral très serré où les didascalies caractérisent chaque personnage, ce qui permet de rendre la scène plus percutante. Presque toutes les répliques sont introduites par un tiret sans précision du nom de l'interlocuteur. Les répliques se succèdent de faç...
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« La forme théâ trale de cette sc ène permet aussi de d évaloriser le colonel qui en arrive avec ses jurons et ses   insultes   à  ressembler   par   moments   à  un   personnage   de   Moli ère   :   le   vieux   barbon   qui   temp ête   et   fait   beaucoup de bruit mais n'a en fait aucune autorit é réelle sur sa femme et se voit ridiculis é. II ­ L'illustration du mariage traditionnel Nous verrons comment sont  évoqu és et illustr és dans ce texte les statuts respectifs du mari et de la femme  à   l' époque de George Sand par le rapport de domination existant puis par la description d'un mari caricatural   persuad é de son pouvoir. La   relation   entre   mari   et   femme   est   ici   un   rapport   de   domination,   exprim é  en   deux   termes   tr ès   clairs   :   «ma ître», employ é par les deux protagonistes ou «esclave» et «seigneur» rappelant des syst èmes sociaux   abolis   (l'esclavage   et   la   f éodalit é),   que   l'h éroïne   emploie   pour   souligner   l'injustice   du   statut   des   deux   membres   du   couple   selon   le   Code   Civil.

  Indiana   utilise   aussi   des   mots   tr ès   forts   comme   «empire»   et   «domination».

  Pour   le   colonel,   ce   statut   est   dict é  par   une   sorte   de   loi   de   la   nature   :   c'est   parce   qu'il   est   homme et porte la barbe que le mari a tout pouvoir sur sa femme. Mais Indiana lui r étorque qu'il ne s'agit que   d'un fait de soci été : «la loi de ce pays vous a fait mon m ître», «la soci été vous le confirme». Le personnage du colonel appara ît comme une v éritable caricature du mari born é et s ûr de sa domination ; il   n'a   évidemment   aucun   argument   pour   justifier   son   pouvoir   et   ne   s'appuie   que   sur   des   sortes   de   clich és   confirmant   la   subordination   f éminine   :   «qui   donc   porte   une   jupe   et   doit   filer   une   quenouille   ?».

  La   femme,   dans   la   perspective   du   colonel,   n'est   bonne   qu'aux   t âches   domestiques,   aux   activit és   frivoles   comme   la   lecture   de   romans   puisqu'elle   n'a   aucune   capacit é  intellectuelle   :   «la   sotte   et   impertinente   cr éature»,   «imb écile», «d érangement de votre esprit», «il m éprisait ses id ées». La femme est mineure, d'o ù l'emploi de   diminutifs   p éjoratifs   comme   «femmelette»   ou   «vermisseau»,   c'est   une   simple   «cr éature»,   «impertinente»   comme un enfant, ou m ême un animal que l'on peut «dompter». Elle ne suscite chez son mari que de la piti é   condescendante de l' être sup érieur envers un inf érieur trop faible : «vous abusez de la piti é qu'on a de vous»,   «j'ai piti é du d érangement de votre esprit». Le seul statut de la femme pour le colonel est la soumission et l'ob éissance : elle n'a m ême pas droit  à la   parole : «Taisez­vous», son mari peut l'enfermer et la contraindre par la force. Le moindre refus de sa part   est consid éré comme une «r évolte ouverte» qui doit  être r éprim ée. Le colonel, confort é par la loi, pense donc   avoir tous les droits et tous les pouvoirs sur son  épouse, ce qu'Indiana va contester tant par ses paroles que   ses attitudes. III ­ La victoire d'Indiana Indiana sort vainqueur de cette sc ène ; c'est en effet un personnage plein de courage et de conviction qui va   permettre   un   retournement   de   situation   par   l'affirmation   de   sa   libert é  int érieure   et   nous   assisterons   à  la   d éfaite d'un mari priv é de v éritable pouvoir et d épouill é de ses droits. La   premi ère   arme   d'Indiana   consiste   dans   son   courage   :   elle   ne   montre   aucune   peur   ni   aucune   faiblesse   devant son mari, ni devant ses insultes, ni devant l'agression physique. Le narrateur souligne sa ma îtrise de   soi tout au long de la sc ène par les didascalies «digne et froid comme elle», «sans changer de visage», «d'un   ton   glacial»,   alors   que   son   mari   se   laisse   emporter   par   la   col ère   ou   la   surprise   au   point   de   verdir   ou   de   chevroter : son recours  à la violence se r évèle une marque de faiblesse, dont il a lui­m ême conscience : «il   sentit qu'il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui­m ême».   Le   courage   est   la   marque   de   la   d étermination   d'Indiana   :   elle   a   r éfléchi   apr ès   l' épreuve   qu'elle   a   v écue   pendant la nuit et n'accepte plus d' être sous la d épendance totale d'un homme, de faire d épendre de lui ses   choix de vie et de bonheur : elle veut clamer ouvertement son affirmation de sa libert é morale,  à défaut d' être   mat érielle   et   physique.

    Sa   r ésolution   s'exprime   à  travers   la   clart é  de   ses   r éponses,   sans   demi­mesure   et   sans concessions : «Non, monsieur», «j'y tiens fort peu», «je le crois», «je ne le veux plus». Elle rejette le   mod èle de l' épouse soumise et affirme sa volont é face  à son mari, en employant le verbe vouloir  à quatre  . »

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