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Interprétation de La Bohème d'Arthur Rimbaud

Publié le 22/08/2012

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rimbaud

Comme des lyres, je tirais les élastiques / De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! :  "Rimbaud, comme au jeu de la statue, prend la pose d'une célèbre sculpture : le voici en Cupidon, blessé, courbé sur son talon pour arracher une épine. Ma Bohême dresse ainsi la statue de l'Enfant-Poète, Amour fugueur au bord des chemins qui reste gracieux dans la souffrance. Déjà, cette référence suggère que l'art joue avec la souffrance et s'en nourrit". Marie-Paule Berranger, op. cit. p. 63.  Benoît de Cornulier (op. cit. p.54-58) forme l'hypothèse d'une représentation satirique du poète, du poète lyrique, et il voit un "pied de nez métrique à l'image du poète à la lyre" dans le traitement désinvolte de la césure, à l'avant-dernier alexandrin du poème. La présence en sixième position d'un pronom sujet non accentuable (proclitique), dont le noyau vocalique est en outre un 'e' instable (masculin), entrave fortement l'articulation du vers en 6-6. Or, d'un autre côté, il paraît peu vraisemblable que Rimbaud (ou un lecteur de son temps) ait pu sentir ce vers comme un trimètre. Le décompte 4-4-4 n'est possible qu'en récupérant la valeur rythmique de la voyelle féminine posttonique de "lyres" et aucun parallélisme syntaxique interne ne vient accréditer cette possibilité de scansion. Enfin, l'étonnement admiratif exprimé par Rimbaud, dans sa lettre à Izambard du 25 août 1870, devant la "forte licence" d'un alexandrin non césuré de Verlaine montre que son oreille était moins habituée que la nôtre à ce genre de hardiesses métriques.

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« remarquer que, par un jeu métalinguistique, il était permis de les écouter à travers un emploi subtil et continu de répétitions, d'allitérations et de rimes internes [...] ."En effet, les jeux d'échos phonétiques sont nombreux en dehors des rimes, on peut essayer d'en dresser un tableau (probablement incomplet) : v.1allais les : /lè/ + /lé/ ; les poings dans les poches : /p/ + /p/ v.2paletot aussi : /to/ + /to/ v.3et j'étais : /é/ + /é/ + /è/ v.4là là : /la/ + /la/ ; j'ai rêvées : /è/ + /è/ + /é/ v.5unique culotte : /k/ + /k/ v.6Petit-Poucet : /p/ + /p/ v.8doux frou-frou : /ou/ + /frou/ + /frou/ v.10soirs de septembre : /s/ + /s/ v.11vin de vigueur : /v/ + /v/ v.10- v.12où ...

où : /ou/ + /ou/ v.14mes souliers blessés : /é/ + /é/ + /é/ + /é/; un pied près : /p-é/ + /p-è/ à la Grande Ourse :"C'est à dire qu'il couchait à la belle étoile.

Mérat, dont Rimbaud parlera admirativement dans sa lettre du 15 mai 1871, avait écrit dans ses Chimères (1866) unpoème sur L'Hostellerie de la belle étoile.

On notera la manière originale dont Rimbaud renouvelle l'expression." Suzanne Bernard dans une note de son édition(Classiques Garnier, 1961, p.384).

Voir aussi, ci-dessus, notre note sur "fantaisie"."C'est une variante plaisante de l'expression habituelle : dormir à la belle étoile, commente Pierre Brunel (op.

cit.

p.59); c'est aussi la parodie de ces enseignesanimales si fréquentes dans les pays de l'Est et du Nord, et en particulier les auberges "à l'ours" ou "aux ours", "Bären"). Mes étoiles :"L'addition des formes pronominales et des adjectifs possessifs permet d'atteindre le total remarquable de dix-neuf occurrences" [dans l'ensemble du texte] [...] La listedes substantifs déterminés par les adjectifs de la première personne est très révélatrice de l'étendue des possessions du poète, véritable souverain de cet espace deFantaisie : il s'agit d'abord de ses vêtements [...], puis de son vagabondage [...], et enfin des éléments du corps [...].

À cela s'ajoute la possession des étoiles (vers 8) quiétend le royaume du poète à l'infini du cosmos.

Le dénuement du voyageur aux poches crevées, au paletot [...] idéal et aux souliers blessés s'est ainsi transformé,comme dans les contes de fées, en véritable richesse.

" Thierry Méranger, op.

cit.

p.13. frou-frou :"Onomatopée dont on se sert pour exprimer le froissement des feuilles, des étoffes, etc...

: le frou-frou d'une robe de soie" (Larousse universel)"C'est le ciel qui devient un abri protecteur, glose Marie-Paule Berranger, op.

cit.

p.62, vaste jupon maternel au bruissement rassurant"."Le frou-frou des étoiles, écrit Jean-Luc Steinmetz dans une note de son édition (GF, Poésies, page 242), reprend, sur un mode familier, la croyance qu'avaient lesAnciens dans l'harmonie des sphères.

Le mot étoiles vaut ici également comme étoiles de ballet, danseuses étoiles (Rimbaud le réutilisera en ce sens au vers 35 deMes petites amoureuses).Steve Murphy (op.

cit.

2004, p.126-128) valide cette dernière interprétation (danseuses étoiles) dont il attribue la paternité à Jacques Chocheyras dans Approche deRimbaud, ELLUG, 1984, p.50 : "Il devrait aller sans dire ici que Rimbaud exploite le sens chorégraphique d'étoiles".

Filant la métaphore (ou, plus exactement,prêtant à Rimbaud une métaphore filée), Steve Murphy donne à l'adjectif "splendides" (dans "splendides amours") son sens latin de "brillant", "lumineux" : "Cetteluminosité est fort appropriée s'agissant d'amours qui sont des étoiles". Et je les écoutais :"Déjà dans Ophélie, rappelle Suzanne Bernard (note de son édition Classiques Garnier, 1961, p.384), Rimbaud parlait du "chant mystérieux" qui "tombe des astres".Marie-Paule Berranger note de son côté : " On peut certes rappeler les vers de Banville qui, eux-mêmes, relèvent d'une topique contemporaine :. »

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