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JEAN BODEL : sa vie et son oeuvre

Publié le 31/12/2018

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JEAN BODEL (1165-1209). Trouvère de la seconde moitié du XIIe siècle, mort à Beaurains, à la léproserie des « bourgeois » d’Arras, Bodel nous est connu par l’inscription de son nom dans le Nécrologe de la confrérie dite des Ardents (confrérie des jongleurs et des bourgeois d’Arras) et par ses ouvrages, surtout par son dernier poème, les Congés : saluant tous ses amis, afin de susciter leur générosité, il ne nomme que des Arrageois. Il nous montre ainsi que, probablement héraut de la confrérie, et peut-être employé de l’échevinage d’Arras, il avait fréquenté des gens de tous les milieux (marchands, artisans, jongleurs, riches financiers — comme Robert Cosset ou Sauwalon Huchedieu —, châtelains, et peut-être même la célèbre Mahaut de Tenremonde, « avoueresse de Béthune »).
 
Son œuvre, très variée, fait de lui l’un des meilleurs représentants de la littérature bourgeoise, peu après la naissance des communes du nord de la France.
 
Ayant certainement parcouru les villages de l’Artois et observé leurs habitants, peut-être comme jongleur « forain » — c’est-à-dire ambulant — pendant une partie de sa vie, il compose une fable (« le Loup et l’Oie ») et huit fabliaux : « le Vilain de Farbu », « le Vilain de Bailleul », « Gombert et les Deux Clercs », « Brunain, la vache au prestre », « le Souhait desvez » (ou des vits), « le Convoiteux et l’Envieux », « Barat Travers et Hai-met » (ou « les Trois Voleurs »), « les Deux Chevaux ». La satire anticléricale ou misogyne laisse percer, avec une gaieté plus gauloise qu’érotique, une sympathie certaine pour les classes rurales et une méfiance affirmée vis-à-vis du clergé, plus sérieuse qu’il n’y paraît à première vue. Quant à la fable, qui présente le même caractère que le Roman de Renart, — triomphe des faibles sur les puissants —, elle est une défense spirituelle des intérêts professionnels des jongleurs.
 
Poète et musicien, Bodel a laissé également cinq pastourelles (« Entre le bos et le plaine », « l’Autre jor lès un boschel », « Hui main me cheminoic », « Lès un pin verdoiant », « Contre le dous tans novel »). Dans ce genre traditionnel, qui offre habituellement une scène de séduction d’une bergère par un chevalier, notre poète marque doublement son originalité : tout d’abord il campe des pastoures à la langue hardie, où la raillerie populaire se mêle à l’évocation des amours rustiques; de plus, la cinquième de ces pièces est l’une des rares pastourelles à pouvoir être qualifiée de politique : attaquant Français et Flamands, elle paraît refléter une sorte de patriotisme artésien. La musique de ces pièces (cf. J. Maillard, Anthologie des chants de trouvères, Paris, Zurfluh, 1977) est agréable et adaptée au sujet, ne négligeant ni l’air de danse ni l’harmonie imitative.
 
L’œuvre la plus longue, sinon la plus importante, de Jean Bodel, l’épopée de la Chanson des Saisnes (ou des Saxons), nous a été conservée dans quatre manuscrits : ils offrent deux versions, l'une longue, d’environ 8 000 vers, l'autre courte, de 4 335 vers (mais il existe une partie commune aux quatre manuscrits, comptant 3 135 vers). Les caractéristiques de la langue et du style sont les mêmes dans chacune des versions conservées. L’œuvre est écrite en alexandrins, ce qui marque son caractère tardif. Le fond narratif prend appui sur les guerres de Charlemagne contre les Saxons : ceux-ci sont commandés par leur chef Witikind (que Bodel appelle Guiteclin ou Guitechin). La narration fournie par les Saisnes est parallèle à celle que nous rencontrons dans la Karlamagnussaga. Elle est probablement le remanie
 
ment d’une chanson de geste ancienne, dont on retrouve quelques traces dans le texte. L’épopée comporte trois grandes parties, mais l’esprit, dans chacune d’elles, est original.
 
La première partie présente une révolte des peuples de l’ouest de la France (appelés ici « les Hurepois ») qui, sous la direction de Salomon de Bretagne, s’opposent aux exigences de l’empereur, refusent le tribut et amènent Charlemagne à faire amende honorable.


« Halle.

Au moment où il devait partir pour la quatrième croisade, l'auteur, déjà atteint de la lèpre, maladie qu'il avait longtemps cachée, se voit obligé d'entrer dans une léproserie.

Il craint d'être séparé de la vie et d'être placé dans une « maladrerie » de charité.

Il « prend congé » de tous ses amis (au nombre de cinquante), leur proposant, avec discrétion et dignité, de faire une collecte (une « cueilloite ») pour adoucir cette séparation.

L'échevi­ nage d'Arras, ému et admiratif, accorda à Bodel un lit de fondation à la léproserie des bourgeois d'Arras, en Beaurains.

Les strophes mêlent la douleur, l'amertume, le déchirement, la piété et, en même temps, la nostalgie des joies partagées ct disparues, l'affection, ainsi que la reconnaissance pour tant de bienfaits reçus des confrères et des compagnons.

La tristesse y est parfois teintée d'humour et fait de Bodel une sorte de Jules Laforgue médiéval.

Conteur gau loi s, poète épique et lyrique, dramaturge au succès durable, Jean Bodel est le plus original des trouvères du nord de la France; 1' un des précurseurs d'Adam de la Halle, il fut imité par des écrivains français (David Aubert > ou étrangers (Chaucer, Boccace).

Ses contemporains et ses successeurs ont admiré ces ouvrages Que Jehans Bodiaus fist, a la langue polie, De bel savoi r parler et science aguis ie .

[Voir aussi ARRAGEOISE (littérature), CO:'o!GÉS, FABLIAUX, THÉÂTRE RELIGIEUX MÉDIÉVAL].

BffiLIOGRAPHIE Éditions.

-Fabliaux : Jean Bodel, Fabliaux.

édition critique par Pierre Nardin.

Paris.

Niz.et, 1965.

Pas tourelles : Karl Bartsch.

Altfrmtzosische Romanzen tmd Pastourellen.

Leipzig.

1870.

Chanson des Saimes : Saxenlied.

Teil 1.

zugrundelegung der Turiner Handschrift von neuen herausgegeben von F.

Menzel und E.

Stengel, Marburg, 1906: Saxenlied, Teil Il, Abhandlung von H.

Heins, MJrbu rg .

1909; la Chanson des Saisnes, édition critique par Anne:te Brasseur.

Genève, Droz, 1989, 2 vol.; le Jeu de saint Nicolas, de Jehan Bodel, Introduction, édition, traduc­ tion, notes et glo�saire d'Al ben Henry, Paris et Bruxelles, Pres­ ses universitaires, 1962, rééd.

Droz, 1981; Pierre Ruelle, les Congés d'Arras de Jean Bodel, Baude Fastoul, Adam de la Halle, Presses universitaires de Bruxelles et Presses universitaires de France, 1965.

É tude .

- Ch.

Foulon, l'Œuvre de Jehan Bodel.

Paris, P.U.F., 1958.

Ch.

FOULON. »

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