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jean valjean

Publié le 04/01/2014

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SUJET 2 - Commentaire composé Trim 1 - 94/95 Victor Hugo - Les Misérables (1862) FANTINE , Livre II, La Chute Chapitre 7, Le dedans du désespoir Jean Valjean, orphelin très tôt, a pris en charge les sept enfants de sa soeur, devenue veuve. Un soir, pour les nourrir, il vole un pain et est condamné à cinq ans de galères. Il ne sort du bagne qu'au bout de dix-neuf ans, en 1815, en raison de quatre tentatives d'évasion. Dans ce passage, Victor Hugo évoque l'état d'esprit de Jean Valjean à sa sortie du bagne. A le voir, il semblait occupé à regarder continuellement quelque chose de terrible. Il était absorbé en effet. A travers les perceptions maladives d'une nature incomplète et d'une intelligence accablée, il sentait confusément qu'une chose monstrueuse était sur lui. Dans cette pénombre obscure et blafarde où il rampait, chaque fois qu'il tournait le cou et qu'il essayait d'élever son regard, il voyait, avec une terreur mêlée de rage, s'échafauder, s'étager et monter à perte de vue au-dessus de lui, avec des escarpements horribles, une sorte d'entassement effrayant de choses, de lois, de préjugés, d'hommes et de faits, dont les contours lui échappaient, dont la masse l'épouvantait, et qui n'était autre chose que cette prodigieuse pyramide que nous appelons la civilisation. Il distinguait çà et là dans cet ensemble fourmillant et difforme, tantôt près de lui, tantôt loin et sur des plateaux inaccessibles, quelque groupe, quelque détail vivement éclairé, ici l'argousin1 et son bâton, ici le gendarme et son sabre, là-bas l'archevêque mitré2, tout en haut, dans une sorte de soleil, l'empereur couronné et éblouissant. Il lui semblait que des splendeurs lointaines, loin de dissiper sa nuit, la rendaient plus funèbre et plus noire. Tout cela, lois, préjugés, faits, hommes, choses, allait et venait au-dessus de lui, selon le mouvement compliqué et mystérieux que Dieu imprime à la civilisation, marchant sur lui et l'écrasant avec je ne sais quoi de paisible dans la cruauté et d'inexorable dans l'indifférence. Ames tombées au fond de l'infortune possible, malheureux hommes perdus au plus bas de ces limbes3 où l'on ne regarde plus, les réprouvés de la loi sentent peser de tout son poids sur leur tête cette société humaine, si formidable pour qui est dehors, si effroyable pour qui est dessous. Dans cette situation, Jean Valjean songeait, et quelle pouvait être la nature de sa rêverie ? Si le grain de mil4 sous la meule avait des pensées, il penserait sans doute ce que pensait Jean Valjean. Toutes ces choses, réalités pleines de spectres, fantasmagories pleines de réalités, avaient fini par lui créer une sorte d'état intérieur presque inexprimable. Notes :

« Corrigé de commentaire : Victor Hugo - Le dedans du désespoir Comme le libellé paraît assez clair, nous adoptons deux grilles de lecture, sans s’interdire bien sûr d’autres découvertes, d’autres interprétations.

La 1ère partie n’est pas vraiment organisée, elle suit les mouvements de la conscience maladive.

On peut bien sûr adopter un autre choix (le poids, la lumière ...) I/ Le dérèglement psychique du personnage (cf le dedans du désespoir) Dans cette partie nous ignorons pour l’instant les indications concernant la vision sociale. La structure du texte épouse les mouvements d’une crise psychologique du personnage. Construction en 4 phases qui joue sur - la vision extérieure puis intérieure, un crescendo vers l’abattement et le désespoir - les variations de l’intensité lumineuse, la saisie et l’éloignement de certaines perceptions  PHASE 1 - la tension initiale paraît dans le regard tourmenté · Insistance sur la transformation subie par cet être fruste, sans véritables connaissances, qui ne possédait au départ qu’ «une nature incomplète », mais une « intelligence » naturelle. Suggestion rapide à l’aide de deux seuls adjectifs épithètes « maladives » et « accablé » des dix-neuf années de bagne qui ont transformé cet homme. · La tension est suggérée par une vision extérieure (focalisation externe d’abord) qui ne parvient pas à percer le mystère de cet être : - verbes significatifs « occuper et absorber + adverbe continuellement. - emploi absolu du verbe absorbé, sans complément d’agent attendu dans cette phrase qui d’ailleurs constitue à elle seule un alinéa. - tournure passive qui accentue l’image d’un personnage prisonnier · Impression de malaise venant de la nature insaisissable de ce poids mystérieux, de l’impression floue ressentie (utilisation de nombreux indéfinis comme quelque chose, chose monstrueuse, une sorte de plus loin, auxquels s’ajoute l’adverbe confusément qui complète continuellement. · impression de claustration dans cette atmosphère mystérieuse faite de pesanteur, de lumière incertaine : redondance/oxymore « obscurité blafarde » réalisme cru du verbe « il rampait »  PHASE 2 - une tentative désespérée pour saisir cette réalité fuyante, terrifiante entraînant la rage · Cet être accablé essaie de percer le mystère de ce poids monstrueux.

S’il n’est pas question de véritable révolte, la subordonnée de répétition introduite par «chaque fois que», l’imparfait «il essayait» et la notation réaliste qui le décrit «tourn[ant] le cou» révèlent ses efforts et aussi ses échecs successifs qui peu à peu se transforment en sourde «rage» Le cou peut d’ailleurs être le cou du condamné à mort qui essaie de regarder la lame de la guillotine prête à tomber. Sensation écrasante d’une domination menaçante et vertigineuse renouvelant une terreur instaurée par la profusion d’adjectifs tels que « terrible, horrible, effrayant, prodigieuse » · Allitération en [r] qui reproduit la puissance terrifiante de cette domination et les grondements sourds de la ragedans des expressions comme « terreur, rage, monter à perte ...

escarpements horribles sorte d’entassements effrayants » · La syntaxe est elle aussi révélatrice : la juxtaposition des deux relatives « dont les contours lui échappaient » et « dont la masse l’épouvantait » révèle que l’échec du discernement entraîne une angoisse croissante.  PHASE 3 - une saisie confuse fugitive et d’autant plus accablante. · Rapprochements et éloignements constants de la vision confuse rendus par les adverbes de lieu « çà et là », tantôt près » et « tantôt loin » · Intrusion de la lumière qui qui représente en fait dans cette nuit intérieure des flashs, des souvenirs surgissant de ses brimades, des arrestations successives, de la visite au bagne de monseigneur l’archevêque · Par un paradoxe compréhensible, ces lumières crues renvoient rapidement le réprouvé à sa nuit habituelle, à son désespoir perpétuel.  PHASE 4 - Une définitive impuissance Confusion permanente entre réel et irréel : le délire devient obsessionnel Installation dans unétat pathologique proche de la paranoïa Reprise ou répétitions de « songeait...

rêverie ...

pensée ...

penserait ...

pensait qui débouche sur l’expression de l’indicible « état intérieur presque inexprimable » Chiasme « réalité pleine de spectres, fantasmagories pleines de réalités » résume parfaitement cet état pathologique Le terme de spectres renvoie au passé, celui de « fantasmagories » allie les fantômes du passé aux visions du présenbt et de l’avenir tout aussi désolantes.. »

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