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La biographie en littérature

Publié le 18/11/2018

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BIOGRAPHIE. Si le mot biographie apparaît à la fin du xviic siècle pour désigner l’acte d’écrire une vie, et son résultat — une œuvre plus ou moins littéraire —, la chose et le concept remontent à l’Antiquité gréco-latine. Sous-genre de l’histoire, sans doute issue de l’épigraphie funéraire, de l’éloge funèbre ou de la fierté des dynasties qui développent et détaillent leur généalogie, la biographie possède, depuis l’époque romaine, ses normes spécifiques et stables, d’ordre quantitatif (récit de dimension faible ou moyenne, par opposition à la majesté fluviale de l’histoire générale), qualitatif (vérité concrète des particularités individuelles) et structurel (avec la séparation des événements et du caractère, des actes et des vertus, s’installe une dichotomie textuelle qui aboutira, transformée, au diptyque « homme-œuvre »).

 

La biographie classique

 

Jusqu’au préromantisme, le socle fondé au IIe siècle de notre ère par Suétone (Vie des douze Césars) et Plutarque (Vie des hommes illustres) conserve une remarquable stabilité. Le Moyen Age l’utilise, tel quel, pour les vies d’empereurs, de rois ou de princes, et l’adapte à une foisonnante production hagiographique où les labeurs, les souffrances et les miracles des saints sont montrés en exemple au peuple chrétien. Si la Renaissance ne tarit pas ce flux traditionnel, elle y adjoint des vies d’artistes, de littérateurs ou de savants. La Croix du Maine avec sa Bibliothèque (1584), Verdier avec la Bibliothèque française (1585) inaugurent une lignée de bio-bibliographies qui ne s’interrompra plus. Scévole de Sainte-Marthe, en 1598, Masson, en 1638, donnent les premiers recueils Éloges consacrés aux hommes célèbres par leur rôle politique, leur piété, leur science ou leur art. Charles Perrault exploite le filon : les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits en nature (1697-1700); et Fontenelle porte cette forme délicate et mesurée à un point de perfection : Éloges des académiciens (1715). De tels recueils se multiplient au xvme siècle avec l’essor des académies, tandis que les dictionnaires historiques et les premières histoires littéraires font une place importante à la vie des auteurs : dom Rivet, Histoire littéraire de la France (dite des Bénédictins), à partir de 1733; abbé Goujet, Bibliothèque française ou Histoire de la littérature française (1740-1756, 18 vol.). Cette biographie classique se caractérise par un souci de rhétorique et d’esthétique qui prime l’exactitude et la vérité, par un intérêt médiocre pour l’existence intime et privée des personnages, par une finalité didactique ou morale affirmée.

 

La fracture romantique

 

Le xixe siècle rompt ces habitudes devenues immémoriales : une explosion quantitative s’y allie à une mutation qualitative. Les dictionnaires biographiques se multiplient, encombrant une voie ouverte en 1752 par le Dictionnaire historique portatif de l’abbé Ladvocat : en 1811, Louis-Gabriel Michaud commence de publier sa

« des collèges de jésuites qui marqua son enfance dans 1 'Approbaniste (1938) ou Introïbo ( 1939).

Romancier psychologique, il évoque avec une délica­ tesse désabusée les amours bourgeoises dans la Malabée (1917), ou dans la Femme maquillée (1932).

Mais c'est comme essayiste, critique et mémorialiste littéraire qu'il s'est surtout fait connaître, faisant preuve de qualités de goût et de culture : Vie de Diderot ( 1929); Sainte-Beuve (1958); Mérimée (1959); Apollinaire vivant (1923); les Beaux Jours de Barbizon (1947), etc.

A.

REY BIOGRAPHIE.

Si le mot biographie apparaît à la fin du xvn< siècle pour désigner l'acte d'écrire une vie, et son résultat -une œuvre plus ou moins littéraire -, la chose et le concept remontent à l'Antiquité gréco-latine.

Sous-genre de l'histoire, sans doute issue de l'épigraphie funéraire, de l'éloge funèbre ou de la fierté des dynasties qui développent et détaillent leur généalogie, la biogra­ phie possède, depuis l'époque romaine, ses normes spé­ cifiques et stables, d'ordre quantitatif (récit de dimension faible ou moyenne, par opposition à la majesté fluviale de 1 'histoire générale), qualitatif (vérité concrète des par­ ticularités individuelles) et structurel (avec la séparation des événements et du caractère, des actes et des vertus, s'installe une dichotomie textuelle qui aboutira, transfor­ mée, au diptyque « homme-œuvre »).

La biographie classique Jusqu'au préromantisme, le socle fondé au u• siècle de notre ère par Suétone (Vie des douze Césars) et Plutar­ que (Vie des hommes illustres) conserve une remarqua­ ble stabilité.

Le Moyen Age l'utilise, tel quel, pour les vies d'empereurs, de rois ou de princes, et l'adapte à une foisonnante production hagiographique où les labeurs, les souffrances et les miracles des saints sont montrés en exemple au peuple chrétien.

Si la Renaissance ne tarit pas ce flux traditionnel, elle y adjoint des vies d'artistes, de littérateurs ou de savants.

La Croix du Maine avec sa Bibliothèque (1584), Verdier avec la Bibliothèque fran­ çaise (1585) inaugurent une lignée de bio-bibliographies qui ne s'interrompra plus.

Scévole de Sainte-Marthe, en 1598, Masson, en 1638, donnent les premiers recueils d'Éloges consacrés aux hommes célèbres par leur rôle politique, leur piété, leur science ou leur art.

Charles Perrault exploite le filon : les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits en nature (1697 -1700); et Fontenelle porte c�tte forme délicate et mesurée à un point de perfection : Eloges des académiciens (1715).

De tels recueils se multiplient au xv1n< siècle avec l'essor des académies, tandis que les dictionnaires historiques et les premières histoires litté­ raires font une place importante à la vie des auteurs : dom Rivet, Histoire littéraire de la France (dite des Bénédictins), à partir de 1733; abbé Goujet, Bibliothèque française ou Histoire de la littérature française (1740- J 756, 18 vol.).

Cette biographie classique se caractérise par un souci de rhétorique et d'esthétique qui prime l'exactitude et la vérité, par un intérêt médiocre pour J'existence intime et privée des personnages, par une finalité didactique ou morale affirmée.

La fracture romantique Le xrxe siècle rompt ces habitudes devenues immémo­ riales : une explosion quantitative s'y allie à une muta­ tion qualitative.

Les dictionnaires biographiques se mul­ tiplient, encombrant une voie ouverte en 1752 par le Dictionnaire historique portatif de l'abbé Ladvocat : en 1811, Louis-Gabriel Michaud commence de publier sa 282 Biographie universelle, ancienne et modeme; elle comp­ tera 85 volumes en 1862 (année où l'entreprise est aban­ donnée), rédigée par une pléiade de collaborateurs.

Ce n'est qu'un exemple d'une extraordinaire prolifération d'ouvrages souvent copieux, parfois pol�miques, consa­ crés aux morts ou aux vivants, universels ou limités à une catégorie sociale, à un siècle, à une région : ces dictionnaires, pour industriels qu'ils soient, et plagiaires les uns des autres, témoignent d'une impérieuse exigence de repérage et de classement de l'information après le séisme révolutionnaire et au milieu d'une actualité poli­ tique agitée; peu à peu, ils s'acheminent vers l'objecti­ vité, la transparence des sources, l'exhaustivité des réfé­ rences bibliographiques qui seront définitivement acquises à la fin du siècle.

Mais la biographie ne se cantonne pas dans ces notices; elle se produit dans d'abondantes monographies -Louis-François de Baus­ set, Histoire de Fénelon ( 1808-1809), Histoire de Bos­ suet (1814); Charles Walckenaer, Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine (1820)- et surtout envahit la critique littéraire.

Sainte-Beuve commence en 1829 la série de ses «portraits » (d'abord parus, pour la plupart, dans la Revue des Deux Mondes, publiés ensuite en volu­ mes sous les titres de Portraits littéraires, Portraits contemporains, Portraits de femmes); en cette forme moyenne, où un ample prologue ouvre sur le récit d'une vie coupé de digressions et de petits essais, l'écrivain, par l'exercice de l'imagination poétique, de la sympa­ thie, de l'intuition, tente de s'identifier à son modèle ou, du moins, de capter et de rendre son ipséité intime et irréductible.

Les charmes parfois aventureux de cette biographie romantique se diluent, dans la seconde moitié du siècle, au profit d'une méthodologie plus stricte : mais le souci de la singularité individuelle, de la repré­ sentation exacte l'emporte désormais sur les stéréotypes rhétoriques.

La biographie moderne La biographie moderne naît de la crise qui affecte la psychologie et l'épistémologie rationalistes à la fin du x1x< siècle : Schopenhauer et Nietzsche découvrent des racines inconscientes, et presque impersonnelles, à toute motivation consciente; des romanciers comme Dos­ toïevski illustrent l'ambiguïté de tout comportement et la présence cachée, en chacun, d'un« homme du souter­ rain >> auquel Sigmund Freud conférera une structure théorique.

Ainsi les biographes soulignent désormais l'ambivalence des sentiments, le caractère aléatoire des conduites, l'immersion de la création artistique dans un > qui est à la fois 1' ombre et le contrepoids d'un moi social plus superficiel; ils explorent la personne comme une chose complexe, dynamique, fragmentée et contradictoire, en poussant jusqu'à 1' impudeur- et par­ fois la crudité -le besoin de vérité intime qu'éprou­ vaient les romantiques (en témoigne la place accordée à l'enfance, à la rêverie, à la sexualité).

Ces tendances générales n'entravent en rien le jaillissement d'une grande variété de manières : depuis les« Vies » d'André Maurois, romancées, ou simplement éclairées et unifiées par le narrateur, jusqu'aux biographies critiques et mor­ dantes d'Henri Guillemin, aux grandes fresques biogra­ phiques d'Henri Troyat en passant par les psychobiogra­ phies plus ou moins médicales et les ethno-, socio­ biographies ou «récits de vie>>, résultat de la collabora­ tion entre l'anthropologue et Je sujet dont il recueille les confidences.

Son informalité, sa facilité semblaient avoir relégué la biographie dans l'utilitaire, ou dans l'infralittérature; le roman d'éducation lui avait emprunté 1 'émotion tragi­ que émanée de toute vie fragile et unique, y adjoignant la richesse d'un symbolisme allégé du fardeau de la réfé-. »

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