LA BOHÈME EN LITTERATURE

BOHÈME. Attesté pour la première fois en 1372 au sens propre d’« habitant de la Bohême », le mot apparaît chez Tallemant des Réaux (Historiettes, 1659) au sens figuré : « il vivoit un peu en Boheme ». Dès la première édition de son Dictionnaire, l’Académie accepte le terme avec le sens d’« homme qui mène une vie sans règle ».

Le concept

C’est toutefois au XIXe siècle que l’emploi du mot se généralise et se spécifie, servant, avec d’autres termes, à qualifier les artistes marginaux et leur mode de vie. Historiquement, il convient cependant de distinguer la « bohème galante », dont Gérard de Nerval s’est fait l’historiographe nostalgique, de la « vie de bohème » qu’Henri Murger et ses amis aspiraient à quitter le plus vite possible.

En effet, ceux qui se regroupèrent vers 1835 dans l’impasse du Doyenné autour de Nerval et de Gautier étaient pour la plupart issus de la bourgeoisie; et c’est par réaction contre leur milieu qu’ils choisirent de mener une vie bruyante et festive, excentrique et provocatrice [voir Bousingot] dont les Petits Châteaux de Bohême donnent bien le ton une vingtaine d’années plus tard : « Quels temps heureux! On donnait des bals, des soupers, des fêtes costumées... Nous étions jeunes, toujours gais, souvent riches ». Cette richesse qui précisément fera défaut à la génération suivante, condamnée à pratiquer « l’art de souper sans se coucher et de se coucher sans souper » (Scènes de la vie de bohème, 1848); leurs égéries, ce ne seront ni les actrices ni les cantatrices, mais les grisettes. Réunis sous les toits du quartier Latin, ces apprentis de l’art vivent ainsi leur « bohème » comme une initiation obligée, « la première forme d’existence à travers laquelle doivent passer tous les artistes et les hommes de lettres... C’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la morgue ». Tant il est vrai que nombre de ces « bohèmes » ne sortiront de l’ombre des soupentes estudiantines que pour connaître les salles d’hôpitaux.

Pour certains — Privât d’Anglemont, Coligny — la bohème n’était pas une étape, mais une fin en soi, le seul mode de vie capable d’assurer liberté et indépendance totales : d’où leur regret de cette « bohème d’autrefois,