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LA CORRESPONDANCE EN LITTERATURE

Publié le 22/11/2018

Extrait du document

1650- • Voiture, édition des œuvres et lettres par Pinchêne. 1654

 

1656- • Les Provinciales de Pascal.

 

1657

 

1669 • Lettres portugaises de Guilleragues.

 

1683 • Guy Patin, Lettres choisies.

 

1689 • Vaumorière, Lettres sur toutes sortes de sujets (...).

 

1697 • Bussy, édition de sa Correspondance.

 

1721 • Lettres persanes de Montesquieu.

 

1725- • Mme de Sévigné, édition de ses Lettres. 1726

 

1749 • Lettre sur les aveugles de Diderot.

 

1761 • La Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau.

 

1762 • Lettres de Rousseau à Malesherbes, publiées vingt ans plus

 

tard.

 

1782 • Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

CORRESPONDANCE. Nous sommes tous des épisto-liers : c’est en tâchant d’écrire une lettre que nous rencontrons chaque jour la résistance du langage et les aléas de la communication. Amours, affaires, remerciements et injures, il y a de tout dans cette correspondance, y compris des mensonges. Bien des gens, pourtant, croient y découvrir le fin mot de notre personnage, ne serait-ce que l'autorité qui enquête, juge et censure : « Jamais, disait Voltaire, le ministre qui a eu le département des Postes n’a ouvert les lettres d'aucun particulier, excepté quand il a eu besoin de savoir ce qu’elles contenaient » (cité par Lanson). De même, la critique littéraire veut y découvrir l’écrivain secret qui lui donnera la clef de l’œuvre : la lettre, souvent autographe et signée, est pour elle la production littéraire la plus intime, la plus authentique à défaut d'être la plus vraie.

 

En plus, il y a là une forme séduisante et qui s’adapte à bien des contenus : de la lettre missive réellement envoyée à la \"fausse\" correspondance du roman par lettres, en passant par la lettre prétexte des Provinciales ou la lettre ouverte. Le contact avec un destinataire, la première personne qui semble parler en son nom, tout cela donne à la lettre une réelle charge de vie et d'humanité, un vrai pouvoir de conviction. Rien pourtant n'est plus codifié. Pour en rester à la lettre missive, une foule de livres enseignent depuis le Moyen Age l’art d’écrire des lettres, celai de ne pas confondre l’« appel » et le « traitement », celui de choisir la formule de politesse appropriée, le style même de la lettre, la langue qu'il faut y parler : à chaque situation correspond une lettre ou, en tout cas. un schéma de lettre à suivre, sous peine de passer pour un ignorant.

 

Le modèle et la liberté

 

Contre cette tradition du modèle que diffusent au Moyen Age les art es dictaminis et les epistolaria, la Renaissance revendique au contraire le droit au « naturel » et à la « liberté ». Deux qualités qui apparaissent bien dans les lettres qui ont été conservées, celles des grands personnages comme celles des intellectuels du temps : François Ier, Henri IV, Montaigne, Calvin ou Erasme par exemple. Avec ce dernier (Opus de conscri-bendis epistolis, 1522), l’art épistolaire retrouve en effet la liberté des grands auteurs de l’Antiquité : si Érasme n’ignore pas la nécessité d’enseigner certaines règles, il ne s’agit plus pour lui d'imposer à la lettre une rhétorique extérieure, creuse et artificielle, mais d’en faire plutôt l’expression d’une intelligence, à la limite une sorte de conversation avec le destinataire, sur un ton juste et simple. Lipse (Préface à ses lettres de 1586) y verrait, quant à lui, le résultat d'un travail stylistique et franchement littéraire (voit sur ce point l'article, essentiel, de M. Fumaroli sur la genèse de l’épistolographie classique).

 

Mais les contraintes ou les libertés formelles ne sont pas tout : il ne suffit pas de demander un style personnel,

La lettre, l'esprit et le naturel

 

Les épistoliers du siècle suivant considéreraient plutôt leur correspondance comme une conversation à distance et poursuivie parfois à bâtons rompus : à la lettre d'apparat succéderait ainsi une lettre nettement plus familière, plus souple et tournant parfois à la confidence, au journal intime. Bussy, Voiture et Mme de Sévigné après Pasquier et Guez de Balzac. Favorisée par l’apparition d'une poste efficace et sûre, la lettre fleurit en ce Grand Siècle qui est aussi le grand siècle des correspondances : elle est l’un des instruments essentiels de la vie littéraire, de la vie scientifique, et c’est ce qui la fait accéder peut-être au statut de genre littéraire. Une lettre n’est réussie, elle ne peut faire plaisir à son lecteur que si elle est en même temps une œuvre d’art, avec de l’invention, des anecdotes, de l’humour et de l’émotion. Et de ce public privilégié qu’est le ou la destinataire au public tout court, il n’y a qu’un pas, franchi par certains éditeurs.

 

Car le public attend désormais des correspondances autre chose que des modèles froids : il apprécie la qualité littéraire d'une lettre en même temps que son authenticité très travaillée. Une exigence assez contradictoire, ce même public veut lire ce qui n'a pas été écrit pour lui et qui pourtant l’était dans une certaine mesure (variable selon les auteurs) : des émois, des douleurs et des joies intimes; un témoignage personnel sur les événements du temps; le badinage d’un écrivain en liberté et qui révèle d’autant mieux tout ce que son talent peut avoir de caractéristique. Jusqu’à son style qu’on apprécie aussi dans ce qu'il a de plus personnel et, ce qui revient parfois au même, de plus hardi : tous les idiolectes qu’on ne trouverait pas dans une littérature plus guindée. La lettre ne révèle pas seulement l’homme ou la femme, on y cherche également le style à l’état pur, dans toute sa saveur : on entre, on veut entrer dans la familiarité d’une personne et d'une écriture.

 

Au xviic encore, l’éditeur de la correspondance de Voiture l’amende avant de la présenter au public, mais, de plus en plus, des exigences d’authenticité et peut-être de science se font jour. Par principe, et pour toutes les œuvres d’un écrivain, on demande un texte original, quêté parfois jusque dans les brouillons manuscrits : à plus forte raison, on désire posséder une correspondance exacte, complète, vierge de toute correction ou censure. Bien sûr, les truquages subsistent : l'auteur lui-même peut garder une copie de ses lettres, ou les retrouver et en laisser alors une version « expurgée »; ses héritiers ou ses destinataires peuvent avoir le souci de sa réputation, de la leur ou de celle d’un tiers. Mais le fait est là : peu importe que l’écrivain ait ou non pensé à la publication de sa lettre; le moindre billet de sa main est devenu littérature, sa lettre la plus anodine, la moins dense, est devenue aussi précieuse que son ouvrage le plus composé. La Correspondance fait bien partie des Œuvres complètes : on peut l'analyser dans les mêmes termes qu’on le ferait pour tel autre livre de l’écrivain : « Si l’on admet ce postulat, il convient de considérer une édition de correspondance comme relevant des mêmes normes que les autres genres — ou prétendus tels —, et il est absurde de réduire la recherche à un relevé d’éléments biographiques, psychologiques ou historiques, de quelque histoire qu’il s’agisse » (P. Cogny, cité par H. Mitte-rand dans sa préface à la correspondance de Zola).

 

La lettre, l'homme et l'œuvre

 

On peut même avancer que la correspondance d’un écrivain devient parfois son œuvre véritable. Le cas est clair pour les auteurs « purement » épistolaires, pour les divines marquises de Sévigné ou du Deffand, mais on entend dire aussi que les lettres de Voltaire valent tout le reste, que sa correspondance est, en quelque sorte, un concentré de Voltaire, le Voltaire le plus « pur ». De même pour Sand —, mieux connue grâce à Georges Lubin —, pour Mérimée et peut-être pour Flaubert! L’idée est au fond la suivante : l’écrivain ne cesse jamais d’être écrivain, et la meilleure occasion de le saisir dans sa vérité consiste à le lire quand il n’écrit pas son œuvre publique. Effet pervers du raisonnement : l’écrivain en vient à prévoir le sort de sa lettre et la soigne dès l’origine comme un morceau de littérature, voilé au besoin d’un négligé savant.

 

Le même phénomène s’était d’ailleurs produit pour le roman par lettres, dont l’intérêt précisément est d’exprimer la vérité de ceux qui les écrivent. Si bien des auteurs, surtout au xvme, choisissent cette forme, c’est parce qu’elle permet, mieux qu’un récit ou un dialogue, de suivre au plus près les sentiments intimes d’un personnage, de transcrire le détail de ses émotions, de donner enfin à tout cela une réalité plus grande. Jean Rousset a démontré en effet à quel point le roman par lettres se veut une sorte de non-roman : Julie ou la Nouvelle Héloïse, lettres de deux amants (...), recueillies et publiées par J.-J. Rousseau. Dans ce genre de littérature, la lettre devient une sorte de document (voir le cas limite des Lettres portugaises)', elle donne la parole non plus à un romancier ou à un personnage, mais à quelqu’un de réel. La lettre est censée être sans art, et, de cette simplicité même, de son absence de rhétorique, elle tire une force que les romanciers essaient de retrouver à force d’art et de rhétorique dissimulée.

« qu'on le ferait pour tel autre livre de l'écrivain :« Si l'on admet ce postulat, il convient de considérer une édition de correspondance comme relevant des mêmes normes que les autres genres -ou prétendus tels -, et il est absurde de réduire la recherche à un relevé d'éléments biographiques, psychologiques ou historiques, de quel­ que histoire qu'il s'agisse » (P.

Cogny, cité par H.

Mine­ rand dans sa préface à la correspondance de Zola).

La lettre, l'homme et l'œuvre On peut même avancer que la correspondance d'un écrivain devient parfois son œuvre véritable.

Le cas est clair pour les auteurs « purement » épistolaires, pour les divines marquises de Sévigné ou du Deffand, mais on entend dire aussi que les lettres de Voltaire valent tout le reste, que sa correspondance est, en quelque sorte, un concentré de Voltaire, le Voltaire le plus. »

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