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La cour du lion - Jean de La Fontaine. Livre VII

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

La Cour du Lion
 
 
 Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître
 De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
 Il manda donc par députés
 Ses vassaux de toute nature,
 Envoyant de tous les côtés
 Une circulaire écriture,
 Avec son sceau. L'écrit portait
 Qu'un mois durant le Roi tiendrait
 Cour plénière, dont l'ouverture
 Devait être un fort grand festin,
 Suivi des tours de Fagotin.
 Par ce trait de magnificence
 Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
 En son Louvre il les invita.
 Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta
 D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine :
 Il se fût bien passé de faire cette mine,
 Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
 L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.
 Le Singe approuva fort cette sévérité,
 Et flatteur excessif il loua la colère
 Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur :
 Il n'était ambre, il n'était fleur,
 Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
 Eut un mauvais succès, et fut encore punie.
 Ce Monseigneur du Lion-là
 Fut parent de Caligula.
 Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
 Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser.
 L'autre aussitôt de s'excuser,
 Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
 Sans odorat ; bref, il s'en tire.
 Ceci vous sert d'enseignement :
 Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
 Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
 Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
 
 Jean de La Fontaine. Livre VII

La fable intitulée « La cour du lion « souligne l'importance que le XVIIe siècle aristocratique accordait à l'étiquette et au code social qui régissaient, à la cour, les rapports entre les courtisans et le monarque. La souplesse de la composition et l'univers transposé qu'implique la fable annoncent ici une esthétique ironique qui est en même temps une réflexion sur le pouvoir et les dangers de la parole.

« Simplicité et variété La fable de La Fontaine se caractérise souvent par ces deux aspects contradictoires.

La simplicité estparticulièrement marquée par la parataxe (v.

16, 17, 18, 19, 20...).

Les jeux de la versification en revanche sontd'une grande diversité : octosyllabes et alexandrins, par leur coupe (v.

15) et leurs enjambements, confèrent à la fable une allure prosaïque (v.

5-6, 8-9, 18-19...). II - L'UNIVERS TRANSPOSÉ DE LA FABLE L'humanisation des animaux Le lion, roi des animaux, fait penser immanquablement au Roi-Soleil ; un certain nombre de procédés souligne sonaspect majestueux dès le distique qui entame la fable (majuscule : « Sa Majesté » ; diérèses pompeuses : « lionne», « nations » ; recours au grand style : « ciel », « maître » ; allitération en [s] du vers 13). Le cadre de la cour I L'aspect formel de la convocation royale (« manda...

par députés », v.

3 ; « vassaux », v.

4 ; « circulaire écriture »,v.

6 ; « sceau, v.

7 ; « Cour plénière », v.

9) insiste tout particulièrement sur le code en vigueur à la cour et surl'étiquette.

Or l'ours se manifeste par un manque de maîtrise dans son comportement physique (v.

16 ; v.

18).

Le singe au contraire se distingue par un manque de naturel (« flatteur excessif », v.

21 ; « approuva fort », v.

20) ;ses paroles au discours indirect libre sont mimées par le polysyndéton (et...

et...

et..., v.

22) et marquées parl'anaphore emphatique (v.

23). La dimension burlesque Cependant, grâce à une ensemble hétéroclite de références, la cour du lion est bien considérée comme imaginaire : on rencontre des termes archaïques (« vassaux », v.

4 ; « circulaire écriture », v.

6) qui parodient lesanciens édits royaux.

La référence mythologique fonctionne comme un euphémisme burlesque (« chez Pluton », v.19).

Relève aussi du comique burlesque le lien de parenté entre Caligula et ce lion-là (qui riment entre eux, v.

26-27). III- L'UNIVERS IRONIQUE DE LA FABLE L'ironie prend particulièrement appui sur le renversement des valeurs et la réversibilité du sens.

Elle donne ici à lafable toute sa profondeur. L'animalisation de la Cour ' L'humanité considérée comme la plus raffinée (« Cour », v.

34) se trouve assimilée à une hiérarchie animale.

Lesoppositions entre Nature et Culture sont alors source de contrastes ironiques : « Quel Louvre ! un vrai charnier » (v.

15).

Les amalgames à propos du nom royal sont bien insistants : « Sa Majesté lionne » (v.

1) ; « la griffe duPrince » (v.

22) ; « Ce Monseigneur du Lion-là » (v.

26). La parole et le silence C'est aussi le statut du Renard qui se voit ici renversé ; d'habitude il est celui qui possède le pouvoir de la parole ;ici il montre sa capacité d'adaptation en recourant au silence. Une morale de l'ironie Un simple rhume permet au Renard de sauver sa vie.

La disproportion entre la cause et l'effet relève de l'ironie.

Parailleurs la morale de la fable tend à définir l'honnête homme comme un composé artificiel qui a l'air naturel. Conclusion : Dans « La cour du lion », La Fontaine traite de manière ludique un sujet qui était loin d'être frivole et qui pouvait avoir de sérieuses conséquences.

Dans cette fable, on peut dire que la position du fabuliste par rapportau Pouvoir est bien proche de celle du Renard.. »

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