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La femme chez Breton

Publié le 08/04/2014

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breton
Revue Romane, Bind 11 (1976) 2 L'image de la femme chez Breton: contradictions et virtualités. par Maryse Laffitte La critique a toujours eu envers Breton une attitude passionnelle, adoptant les «pôles opposés du rejet ou de l'adhésion»l, souligne Marguerite Bonnet dans l'avant-propos d'un recueil d'articles consacrés à Breton. Or, la plupart des critiques qui ont parlé de Breton sont des hommes. Tels Sarane Alexandria n2, Ferdinand Alquié3, Philippe Audoin4, Jean-Louis Bédouins, Michel Carrouges6, Julien Gracq7, commentateurs enthousiastes qui, abordant le problème de la femme dans l'?uvre de Breton, le traitent dans le cadre de l'amour, acceptant l'image de la femme qui se dessine dans les écrits de Breton et adoptant la perspective de ce dernier. On perçoit toutefois une légère fêlure chez Marguerite Bonnet, un des rares critiques féminins à avoir parlé d'André Breton et du surréalisme. Elle analyse avec beaucoup de sympathie et de chaleur les premières années de l'aventure surréaliste - en centrant son propos sur Breton - et étudie l'influence mallarméenne subie par le jeune André Breton. Evoquant les premiers poèmes néo-symbolistes de l'apprenti-poète, elle note : «II est hors de doute (. ..) que, dans ces pièces, les figures de femmes - «que les réalités n'ont pas encore asservie(s)B » - sont les s?urs des princesses lointaines et des «apparitions» du XIXe siècle finissant; à demi volontairement cruelles 1: Présentation, choix, chronologie, bibliographie dans les Critiques de notre temps et Breton, Garnier, 1974, p. 11. 2: André Breton par lui-même, éd. du Seuil, coll. «Ecrivains de toujours», 1971. 3: Philosophie du surréalisme, Flammarion, 1965. 4: Breton, Gallimard, «Pour une bibliothèque idéale», 1970. 5: André Breton, Seghers, coll. «Poètes d'aujourd'hui», 1950. 6: Les pouvoirs de la femme selon Nerval et Breton, Cahiers du Sud, 292, 2e sem. 1948. André Breton et les données fondamentales du surréalisme, Gallimard, 1950, et coll. Idées, 1967. 7: André Breton. Quelques aspects de l'écrivain, éd. José Corti, 1948. 8: André Breton: Rieuse .... cité par Marguerite Bonnet. Side 287 sous leur douceur et leur gracilité, les unes rêvent à l'abri de la tonnelle, de la treille, tandis qu'une autre passe lentement, maestà et errabunda. »9 Femmes evanescentes, fuyantes, mais dont le pouvoir de séduction n'est pas désincarné : «Cependant, bien que la sensualité affleure seulement dans ces poèmes, la femme y brille de toute sa présence charnelle . »10 De manière allusive, mais néanmoins claire, Marguerite Bonnet indique que les personnages féminins qui évoluent dans les écrits de jeunesse de Breton sont un peu surannés. Il s'agit des tout premiers poèmes, certes. Mais Breton lui-même déclarera plus tard que c'est à cette époque que sa sensibilité erotique s'est définitivement formée et qu'une image de la femme s'est imposée à lui. Le ton de la critique change avec le discours féministe. L'attitude de Simone de Beauvoirll ne relève ni de l'adhésion enthousiaste, ni du rejet total : elle prend plutôt ses distances, avec une grande froideur, reprochant à Breton de faire de la femme un être abstrait, qui échappe au réel, existant seulement par le regard de l'homme qui la magnifie, mais n'existant jamais pour soi et par soi : «Breton ne parle pas de la femme en tant qu'elle est sujet. (...) Vérité, Beauté, Poésie, elle est Tout: une fois de plus tout sous la figure de l'Autre. Tout excepté soi-même. » Nous sommes, en revanche, au pôle du rejet absolu avec Xavière Gauthierl2. La critique se fait charge : la vision de la femme proposée par Breton n'est qu'une vision traditionnelle de «mâle», prisonnier des mythes de l'éternel féminin ; le libre jeu de la sexualité prôné par le surréalisme comme libérateur du désir, échoue dans le culte de l'amour hétérosexuel monogamique. Qu'en est-il vraiment de la vision de la femme chez Breton? L'image qu'il nous en propose est-elle donc à ce point traditionnelle ? N'est-elle pas plutôt contradictoire ? Et, ce faisant, affectée de limites, mais également chargéede virtualités. Notre but n'est pas d'inventorier à nouveaul3 tous les elements composant 9 et 10: André Breton. Naissance de Vaventure surréaliste, éd. José Corti, 1975, p. 40. 11: Le Deuxième sexe. Breton ou la poésie. Gallimard, 1949, T. I, p. 355-364. 12: Surréalisme et sexualité, Gallimard, coll. Idées, 1971. 13: Xavière Gauthier a déjà rassemblé, dans un but polémique, de nombreux éléments dans son ouvrage, Surréalisme et sexualité. M. Journet nous signale, en outre, qu'une étudiante, Thérèse de Ballore, a fait, sous sa direction, il y a quelques années, une maîtrise sur L'image de la femme chez Breton. Side 288 mentscomposantcette image, mais d'essayer de voir si les contradictions présentées ne seraient pas porteuses d'une dynamique qui les dépasserait, source de tous les possibles. L'Amour Aen croire Philippe Audoinl4, «il n'est pas certain que Breton, dans sa jeunesse, n'ait emprunté à ses premiers «maîtres», à Baudelaire, à Jarry, à Huysmans, à Vaché, un dandysme teinté de misogynie condescendante dont il aurait mis du temps à se déprendre ». Breton remarque lui-même qu'il a subi l'influence de Gustave Moreau, pour ce qui est d'une certaine image de la femme: «La découverte du musée Gustave Moreau, quand j'avais seize ans, a conditionné pour toujours ma façon d'aimer. La beauté, l'amour, c'est là que j'en ai eu la révélation à travers quelques visages! ... Le «type» de ces femmes m'a probablement caché tous les autres; c'a été l'envoûtement complet. Les mythes, ici réattisés comme nulle part ailleurs, ont dû jouer.»ls Breton aurait donc, au départ, vu dans la femme un être mystérieux, lointain, mais séduisant, fascinant même et charnellement attirant. Limitée toutefois à être l'objet du désir amoureux de l'homme. Dès cette époque, en outre, Breton lie toute idée d'érotisme à la femme. Marguerite Bonnet note également: «Dès ce temps, s'est imposée à lui une certaine image de la femme qui porte la marque de l'époquel6, femme magicienne, femme-fée, mystérieuse mais de chair désirable. »17 Attirance amoureuse et misogynie: quoi de plus traditionnel? La femme, définie uniquement comme objet du désir erotique de l'homme, est exclue de toutes les formes d'expression et d'activité qui sont considérées comme privilège masculin. Elle s'attire par là le mépris de l'homme, qui la juge incapable d'accéder aux domaines qu'il se réserve. Cependant, en dépit des limites imposées par ce rôle, la femme n'apparaît à aucun moment comme un élément secondaire. Elle est, au contraire, très tôt omniprésente dans l'?uvre de Breton. Les textes automatiques de 1924, 14: Breton, p. 146. 15: Gustave Moreau dans Le Surréalisme et la peinture, 1928, p. 363, cité par Marguerite Bonnet, p. 41. 16: Souligné par nous. 17: A. B. Naissance de l'aventure surréaliste, p. 41. Side 289 regroupés sous le titre de Poisson solublelß, et les poèmes de Clair de terrel9 sont hantés par des personnages féminins à la présence fortement empreinte d'érotisme, que les vêtements, la parure, les accessoires précieux contribuent à rendre plus désirables encore. Le «je» (ou le «nous») qui parle, évolue dans un univers totalement féminisé où tout est promesse ou angoisse d'amour. «L'amour sera. Nous réduirons l'art à sa plus simple expression qui est l'amour.»2o Du besoin de la présence féminine, on glisse au besoin d'amour, puisque la femme est considérée comme le seul objet d'amour possible. Amour qui n'est pas encore un principe total de vie, mais dont l'importance s'affirme. Philippe Audoin hasarde l'hypothèse - selon ses propres termes - que «Nadja a révélé à Breton toute la gravité, toute l'étendue de l'amour. (...) C'est à partir de cette rencontre qu'il commence à parler presque fanatiquement de l'amour, en tout cas comme peu d'autres l'ont fait avant ou après lui. »21 Breton n'aimait pas Nadja, alors qu'elle Faimait passionnément. La folie s'est emparée très vite d'elle et elio a peut-être disparu très rapidement. Philippe Audoin émet l'idée que Breton mesure à ce moment-là tout le pouvoir d'«arrachement» de l'amour et cesse de «voir en «l'autre» un objet, pour reporter sur lui tout son espoir d'échapper à lui-même et s'asservir enfin à cette féminité qu'il se flattait, peu avant, de maîtriser. »22 Cette hypothèse n'est pas, en fait, tellement hasardeuse. Il y a, dans Nadja23, une note qui corrobore cette idée. Breton relate une anecdote: alors qu'il rentrait un soir à Paris en voiture avec Nadja, cette dernière avait tenté de lui cacher les yeux, en maintenant son pied pressé sur l'accélérateur. Elle voulait «dans l'oubli que procure un baiser sans fin (...), qu'(ils) n'exist(assent) plus, sans doute à tout jamais, que l'un pour l'autre... ». Breton refuse d'accéder àce désir, parce qu'il n'éprouve pas d'amour pour Nadja. Par ce geste, elle lui révèle toutefois ce dont l'amour est capable: «Je ne lui sais pas moins gré de m'avoir révélé, de façon terriblement saisissante, à quoi une reconnaissance commune de l'amour nous eût engagés à ce moment. » 18: Poisson soluble dans l'éd. J.-J. Pauvert des Manifestes, p. 58-120. 19: Clair de terre, 1923. Dans Clair de terre, anthologie, Gallimard, coll. Poésie, 1966. 20: Poisson soluble, op. cit., texte 7, p. 71. 21: Breton, op. cit., p. 147. 22: op. cit. p. 147. 23: Nadja, 1928. Livre de poche, p. 176. Side 290 Nadja semble donc avoir appris à Breton que l'amour n'est pas un jeu, mais «un principe de subversion totale», un sentiment capable à la fois d'investir totalement un être et de l'arracher à lui-même. Cette révélation l'aurait amené à voir dans l'être amoureux - ici Nadja -, non plus un objet passif, mais un être capable de provocation et de défi. La fin de Nadja - et c'est là sa signification - ébauche une th&eacut...
breton

« Femmes evanescentes, fuyantes, mais dont le pouvoir de séduction n'est pas désincarné : «Cependant, bien que la sensualité affleure seulement dans ces poèmes, la femme y brille de toute sa présence charnelle .

»10 De manière allusive, mais néanmoins claire, Marguerite Bonnet indique que les personnages féminins qui évoluent dans les écrits de jeunesse de Breton sont un peu surannés.

Il s'agit des tout premiers poèmes, certes.

Mais Breton lui-même déclarera plus tard que c'est à cette époque que sa sensibilité erotique s'est définitivement formée et qu'une image de la femme s'est imposée à lui.

Le ton de la critique change avec le discours féministe.

L'attitude de Simone de Beauvoir ll ne relève ni de l'adhésion enthousiaste, ni du rejet total : elle prend plutôt ses distances, avec une grande froideur, reprochant à Breton de faire de la femme un être abstrait, qui échappe au réel, existant seulement par le regard de l'homme qui la magnifie, mais n'existant jamais pour soi et par soi : «Breton ne parle pas de la femme en tant qu'elle est sujet.

(...) Vérité, Beauté, Poésie, elle est Tout: une fois de plus tout sous la figure de l'Autre.

Tout excepté soi-même.

» Nous sommes, en revanche, au pôle du rejet absolu avec Xavière Gauthier l2 .

La critique se fait charge : la vision de la femme proposée par Breton n'est qu'une vision traditionnelle de «mâle», prisonnier des mythes de l'éternel féminin ; le libre jeu de la sexualité prôné par le surréalisme comme libérateur du désir, échoue dans le culte de l'amour hétérosexuel monogamique.

Qu'en est-il vraiment de la vision de la femme chez Breton? L'image qu'il nous en propose est- elle donc à ce point traditionnelle ? N'est-elle pas plutôt contradictoire ? Et, ce faisant, affectée de limites, mais également chargéede virtualités.

Notre but n'est pas d'inventorier à nouveau l3 tous les elements composant 9 et 10: André Breton.

Naissance de V aventure surréaliste, éd.

José Corti, 1975, p.

40.

11: Le Deuxième sexe.

Breton ou la poésie.

Gallimard, 1949, T.

I, p.

355-364.

12: Surréalisme et sexualité, Gallimard, coll.

Idées, 1971.

13: Xavière Gauthier a déjà rassemblé, dans un but polémique, de nombreux éléments dans son ouvrage, Surréalisme et sexualité.

M.

Journet nous signale, en outre, qu'une étudiante, Thérèse de Ballore, a fait, sous sa direction, il y a quelques années, une maîtrise sur L'image de la femme chez Breton.

Side 288 mentscomposantcette image, mais d'essayer de voir si les contradictions présentées ne seraient pas porteuses d'une dynamique qui les dépasserait,. »

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