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LA FONTAINE: TEXTE COMMENTÉ La laitière et le pot au lait

Publié le 09/05/2011

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Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, succéda à son père dans sa charge de maître des eaux et forêts et en resta titulaire jusqu'en 1672. Quoique marié de bonne heure, il vécut très peu chez lui, et fut hébergé successivement par Fouquet, la duchesse de Bouillon, Mme de La Sablière et M. d'Hervart. Il publia trois recueils de Contes (1664-1665-1671) et douze livres de Fables (I à VI en 1668, VII à XI en 1679, le XII. en 1694). Il a donné en . outre quelques petites pièces de théâtre, dont la moins oubliée est la Coupe enchantée (16881, écrite en collaboration avec le comédien Champmeslé.

TEXTE COMMENTÉ La laitière et le pot au lait (1679).

Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue elle allait à grands pas ; Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple, et souliers plats. Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employait l'argent, Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée ; La chose allait à bien par son soin diligent. Il m'est, disait-elle, facile, D'élever des poulets autour de ma maison : Le Renard sera bien habile, S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ; Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable : J'aurai le revendant de l'argent bel et bon. Et qui m'empêchera de mettre en notre étable, Vu le prix dont il est, une vache et son veau, Que je verrai sauter au milieu du troupeau ? Perrette là-dessus saute aussi, transportée. Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ; La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri Sa fortune ainsi répandue, Va s'excuser à son mari En grand danger d'être battue. Le récit en farce en fut fait ; On l'appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous ? Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux : Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes : Tout le bien du monde est à nous, Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ; Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ; On m'élit roi, mon peuple m'aime ; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ; Je suis gros Jean comme devant.

(Fables, VII, x.)

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« dans Ésope, dans Phèdre, chez les fabulistes orientaux, chez les conteurs du moyen âge et du seizième siècle.

Et ila fixé tous les sujets qu'il a empruntés ; personne n'a pu refaire une fable de La Fontaine.

"L'écrivain original, a ditChateaubriand, n'est pas celui qui n'imite personne ; c'est celui que personne ne peut imiter." —La Laitière et le Potau lait est prise d'une nouvelle de Bonaventure des Périers, publiée en 1558.

Nous en donnons le texte; d'après lesMorceaux choisis du seizième siècle de Darmsteter et Hatzfeld (Delagrave, 1878).

Les élèves pourront ainsi juger pareux-mêmes des traits ajoutés ou modifiés par le fabuliste.Comparaison des alquemistes (alchimistes) à la bonne femme qui portait une potée de lait au marché. Chacun sçait que le commun langaige des alquemistes, c'est qu'ilz se promettent un monde- de richesses et qu'ilssçavent des secrets de nature que tous les hommes ensemble ne sçavent pas ; mais à la fin tout leur cas s'en vaen fumée, tellement que leur alquemie se pourroit plus proprement dire : Art qui mine ou Art qui n'est mie ; et ne lessçauroit-on mieux comparer qu'à une bonne femme qui portoit une potée de lait au marché, faisant son compte ainsi: qu'elle la vendroit deux liards ; de ces deux liards elle en achepteroit une douzaine d'oeufs, lesquelz elle mettroitcouver et en auroit une douzaine de poussins ; ces poussins deviendroient grands et les feroit chaponner ; ceschapons vaudroyent cinq solz la pièce ; ce seroit un escu et plus, dont elle achepteroit deux cochons, masle etfemelle, qui deviendroyent grands et en feroient une douzaine d'autres, qu'elle vendroit vingt solz la pièce, après lesavoir nourris quelque temps : ce seroyent douze francs, dont elle achepteroit une jument qui porteroit un beaupoulain, lequel croistroit et deviendroit tant gentil : il saulteroit et feroit hin.

Et, en disant hin, la bonne femme, del'aise qu'elle avoit en son compte, se print à faire la ruade que feroit son poulain, et en la faisant sa potée de lait vatomber et se répandit toute.

Et voilà ses oeufs, ses poussins, ses chapons, ses cochons, sa jument et son poulain,tous par terre.

Ainsi les alquemistes, après qu'ilz ont bien fournayé, charbonné, lutté, soufflé, distillé, calciné,congelé, fixé, liquéfié, vitréfié, putréfié, il ne fault que casser un alembic pour les mettre au compte de la bonnefemme. (Les Nouvelles récréations et joyeux devis.

Nouvelle XII.) En comparant la fable de La Fontaine à la Nouvelle de Bonaventure des Périers, on se gardera de tout parti pris.

Leconte en prose est charmant, et il a fourni au fabuliste le plan général et quelques détails précieux.

Il s'agit doncsurtout de marquer des différences, et non de prouver systématiquement la supériorité de La Fontaine. Plan de la fable.

— Dans les vers 1 à 6, La Fontaine nous présente son personnage, dont il marque à la fois lecostume et l'allure.Les vers 7-11 annoncent quelles sont les pensées de la laitière.

C'est d'abord une rêverie, au style indirect, sorte detransition qui amène le discours direct, lequel va du vers 12 au vers 21.

Rien de plus naturel.

Perrette, animée par lamarche, rêve...

; puis elle parle ses propres paroles la grisent ; et enfin le geste se joint au discours.— Le vers 22 se détache nettement et exprime ce geste instinctif et irréfléchi, dont les conséquences sonténumérées vivement dans le vers 23.V.

24-27.

— Description de l'état dans lequel cette catastrophe a plongé Perrette.

Ce second portrait s'oppose aupremier.V.

28-29.

— Conclusion de l'anecdote et transition vers la morale.

V.

30 à la fin.

— Morale.On insistera sur la composition dramatique de cette fable : un personnage se présente avec sa physionomie et sadémarche ; il rêve, il parle, il agit ; nous attendons avec curiosité le dénouement : ce dénouement est à la foisimprévu, logique et complet.Commentaire grammatical et littéraire.

— V.

1 à 6.

—Tous les termes de ce petit portrait sont choisis pour nousdonner l'idée d'une paysanne aisée, alerte et intelligente.

Mais elle aura les défauts de ses qualités ; elle seraambitieuse et trop nerveuse.

Analyser les mots coussinet, court (adverbe), cotillon.

En faire ressortir la précision.V.

7.

— Notre laitière.

C'est-à-dire la laitière que nous venons de décrire, et que nous connaissons bien maintenant.La Fontaine emploie fréquemment ce tour familier, qui lui donne une sorte d'intimité avec ses personnages : Notrelièvre n'avait que quatre pas à faire...

Notre baudet s'en sut pourtant Passer pour cette fois, etc.V.

10.

— Remarquer à partir de ce vers la gradation simple : oeufs, couvée, poulet...V.

17.

— Il était, quand je l'eus...

Déjà Perrette croit avoir acheté et engraissé son porc ; le voilà prêt pour lavente.V.

19.

— Et qui m'empêchera...

Non seulement Perrette parle tout haut, mais elle discute avec une invisiblecommère, jalouse de sa prospérité.V.

23.

— Adieu...

Gradation opposée à la précédente.

L'imagination de Perrette remonte la série en sens inverse.Ses acquisitions imaginaires lui échappent l'une après l'autre ; elle croyait avoir une vache et son veau, il ne luireste même plus sa couvée.

Remarquer la coupe du vers : le lait tombe.V.

24.

— Marri, participe passé du verbe marrir, d'origine germanique, dont le sens était empêcher, de là gêner,contrarier.V.

28.

— Le récit en farce en fut fait : De cette anecdote on fit une farce, c'est-à-dire un conte plaisant ; car onne connaît pas de farce dramatique sur le Pot au lait. • La morale.

— A ceux qui se sont amusés des rêveries de Perrette et de sa déconfiture, La Fontaine rappelle quetous, nous sommes le jouet de nos illusions et de nos voeux ; et avec une bonhomie malicieuse, il se donne lui-. »

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