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La Grande Chartreuse. Expliquez ce sonnet de Sully Prudhomme.

Publié le 15/02/2012

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sully

René-François SULLY PRUDHOMME   (1839-1907)

La Grande Chartreuse

 

J'ai vu, tels que des morts réveillés par le glas,

Les moines, lampe en main, se ranger en silence,

Puis pousser, comme un vol de corbeaux qui s'élance,

Leurs noirs miserere qui plaisent au coeur las.

 

Le néant dans le cloître a sonné sous mes pas ;

J'ai connu la cellule, où le calme commence,

D'où le monde nous semble une mêlée immense

Dont le vain dénoûment ne nous regarde pas.

 

La blancheur des grands murs m'a hanté comme un rêve ;

J'ai senti dans ma vie une ineffable trêve :

L'avant-goût du sépulcre a réjoui mes os.

 

Mais, adieu ! Le soldat court où le canon gronde :

Je retourne où j'entends la bataille du monde,

Sans pitié pour mon coeur affamé de repos.

Ce sonnet appartient à un recueil paru en 1869 et dont le titre significatif : Les Solitudes, appelle une première explication. Ce sont les fragmentsd'un vaste poème métaphysique qui ne vit pas le jour. Ne le regrettons pas, car l'interêt diminue, chez Sully, dès qu'il dépasse le 50e vers, a judicieusement remarqué E. Faguet. «Au fond, écrivait l'auteur, en 1868, il n'y a qu'une solitude, origine de toutes les autres, c'est l'éloignement où nous sommes de la raison du monde, de Dieu quel qu'il soit. Dès que je sens que tout doit s'expliquer par quelque être dont la loi est nécessaire, je sens l'absenee de cet être, et, plus je pense, plus je la .....

sully

« qu'il etait encore Lyonnais, peu nous importe.

Nous sommes pourtant inclines a croire qu'il a vu la scene qu'il retrace dans le premier quatrain, tant les couleurs en sont vives et les details précis.

Et puns ce j'ai vu place en tete du morceau par un homme sincere comme lui, doit nous en etre un garant suffisant.

Des les premiers mots, le voyageur, le visiteur cherche a nous peindre sous un jour funebre la vie monastique.

Ces Chartreux semblables a des morts reveilles par le glas, nous les connaissons! Ce sont les moines de Hugo et de Vigny, de Gautier et de Leconte de Lisle.

Sur ce point, le Parnasse est l'heritier du Romantisme.

L'image est, certes, evo- catrice.

Un tableau macabre surgit devant nos yeux.

Enveloppes dans leur cagoule blanche, les fils de Saint Bruno ont pu apparaitre a cet enfant du siècle, au milieu de in nuit, comme des spectres enveloppes de linceuls. Mais quiconque les a approches, s'est entretenu avec eux, sait qu'ils n'en- gendrent pas precisement la melancolie et que, pleins de cette idee :>, c'est dans la joie qu'arraches a leur sommeil par la cloche, instrument des vo- lontes divines, ils se rendent a l'eglise pour l'office nocturne. Le temoin de cette mobilisation, pour lui insolite, pour eux toute natu- relle, les a examines curieusement, a ate fortement impressionne par ce cortege qui se forme en silence, par la lampe que chaque moine tient en sa main pour se guider dans les tenebres, et pour, dans un instant, eclairer son livre d'heures.

Cet ordre, cette discipline, ce defile, fantastique pour des yeux profanes, il a su, les traduire en termes précis, le rythme et la rime renforcant les mots : ampleur du premier vers 2 + 8, coupe habile du 2' 3 + 3 + 3 + 3, rendant la regularite quasi automatique des mou- vements : les details Bien choisis se succedant avec art et logique. Les vers 3 et 4 rendent une sensation double, visuelle et auditive : un vol de corbeaux qui s'elance, les croassements qui accompagnent cet essor, compares aux noirs miserere psalmodies par les religieux.

Nous ne nous attarderons pas a discuter l'exactitude de la comparaison, reconnaissons qu'elle s'accorde pleinernent a la tonalite du distique precedent; ces mise- rere du defile sont la replique au glas du reveil.

L'evocation macabre du debut, est en parfaite harmonie avec cet envoi sinistre.

L'epithete noirs, appliquee au psaume fameux oit David implore la misericorde chante les douceurs du repentir, les joies de l'innocence recouvree, la virile beaute des fermes resolutions (1)...

ne nous semble guere convenable; mais elle. »

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